Le Quotidien du 27 mai 2021 : Actualité judiciaire

[A la une] Quand les parties civiles « fantaisistes » perturbent les procès médiatiques

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par Axel Valard, journaliste judiciaire

le 23 Juin 2021

Depuis près de six mois, la question revient sans cesse. Autant sur les réseaux sociaux que dans les couloirs du tribunal judiciaire de Paris. Pas une journée d’audience consacrée à une affaire politico-financière n’y échappe. « Vous croyez qu’il sera là ? » « Est-ce qu’il doit venir ? » Logiquement, légitimement même, on pourrait penser que la demande concerne Nicolas Sarkozy. Ce n’est quand même pas tous les quatre matins qu’un ancien président de la République est appelé à comparaître devant un tribunal. Et celui-là l’a été deux fois depuis décembre. Mais non… La question concerne en fait Frédérik-Karel Canoy.

Inscrit au barreau du Val-de-Marne, celui qui est devenu avocat après une première vie de notaire s’est fait une spécialité de venir parasiter les audiences les plus médiatiques. À tel point qu’il a suscité la colère de Julia Minkowski, jeudi 20 mai, peu après l’ouverture du procès de l’affaire dite « Bygmalion » : « Je commence à en avoir marre de ces parties civiles fantaisistes qui viennent aux audiences comme si on était au cirque. On n’est pas au spectacle ! »

Il y a des colères qui sont saines. Et celle de l’avocate de Jean-François Copé l’est assurément. Dans son viseur d’abord : Edwige Vincent. « Son altesse impériale Edwige Vincent de Bourbon Pahlavi », selon le nom d’usage qu’elle a indiqué dans les 13 pages de ses conclusions. Se présentant comme une présidente de la Banque mondiale et une générale 4 étoiles classée secret défense (entre autres choses), cette femme explique qu’elle souhaite se constituer partie civile car elle a été kidnappée et maintenue au secret dans un camp nazi en Malaisie sur ordre des ministères des Affaires étrangères français pour que personne ne connaisse le nom des porteurs de valises… Raison pour laquelle elle entend faire citer sept témoins et réclame 21 840 000 euros de dommages et intérêts à Nicolas Sarkozy et aux treize autres prévenus du dossier Bygmalion. Cela pourrait prêter à sourire. Mais elle est très sérieuse.

Tout comme Frédérik-Karel Canoy qui figure, lui aussi, dans l’œil du viseur de Julia Minkowski. Représentant deux hommes qui se déclarent anciens adhérents de l’UMP sans en fournir les preuves, l’avocat ne réclame, lui, qu’un euro symbolique de dommages et intérêts. Mais il semble prêt à tout pour perturber le cours des débats. Dès l’ouverture du procès, il a donc demandé à ce que Jean-François Copé soit directement cité à la barre comme étant civilement responsable de toute cette affaire. Alors même qu’il a bénéficié d’un non-lieu lors de l’instruction et qu’il était attendu comme simple témoin pour éclairer le tribunal…

Pour Patrick Maisonneuve, « il faut que ce barnum cesse à un moment »

Assis dans un coin du prétoire, Patrick Maisonneuve, avocat de l’un des dirigeants de la société Bygmalion, n’a pas pu résister à l’évocation de cette demande. Il s’est levé lentement, s’est avancé pour s’approcher du micro. Alors qu’il n’en avait pas besoin. « Je crois qu’il faut que ce barnum cesse à un moment ou à un autre, a-t-il tonné. Ce n’est pas la première fois. On retrouve toujours les mêmes. Je crois qu’il faut trancher la question de la recevabilité de ces parties civiles. »

Derrière lui, un peu en hauteur sur l’estrade de l’accusation, le vice-procureur Nicolas Baïetto est d’accord. Après avoir démontré le manque de sérieux de ces parties civiles, il a regretté que « n’importe qui, en levant le doigt et en écrivant trois lignes » puisse désormais participer à un procès aussi important. Car le Code de procédure pénale le permet, en effet. « C’est l’article 459, rappelle ainsi Didier Rebut, professeur de droit à l’université Paris 2 – Assas. N’importe qui peut se constituer partie civile à l’audience jusqu’aux réquisitions. Mais lorsque l’on voit ces ‘zozos’… Cela ne donne pas une belle image de la Justice... »

Un risque d’appel et donc de renvoi du procès en cours

Le problème, c’est qu’il est très périlleux de les exclure des débats dès le début de l’audience. Dans le cas qui nous occupe, Caroline Viguier, la présidente de la 11e chambre chargée d’examiner le dossier Bygmalion aurait très bien pu déclarer irrecevables les constitutions de parties civiles fantaisistes dès l’ouverture du procès. Mais, ce faisant, elle aurait alors rendu un jugement. « Et ce jugement aurait pu faire l’objet d’un recours. On imagine très bien que ces parties civiles en auraient alors fait appel pour faire encore plus parler d’elles. Ce qui aurait eu pour conséquence d’interrompre le procès Bygmalion et d’obliger à un renvoi de l’affaire », décrypte Jean-Baptiste Perrier, président de l’Institut de sciences pénales et de criminologie d’Aix-en-Provence.

Dans sa façon de questionner ces parties civiles, Caroline Viguier a eu du mal à cacher l’agacement qui était le sien. Mais elle n’a pris aucun risque. Elle a sans doute imaginé toutes les conséquences qu’aurait un nouveau renvoi de ce procès prévu sur cinq semaines et dans lequel 14 prévenus et au moins le double d’avocats sont impliqués. Mais comme il est de coutume, elle a donc « joint au fond » l’examen de la demande de recevabilité de ces parties civiles. Elles seront donc fixées sur leur sort en même temps que les prévenus, le jour du délibéré. Et en attendant, elles ont tout le loisir de participer aux débats, de poser des questions, d’interroger les témoins et surtout d’agacer les autres parties présentes.

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