Réf. : Cons. const., décision n° 2021-900 QPC, 23 avril 2021 (N° Lexbase : A10544Q4)
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par Florian Engel, Doctorant au Laboratoire de droit privé et sciences criminelles (EA 4690)
le 28 Avril 2021
► Le Conseil constitutionnel déclare contraires à la Constitution les articles 181, alinéa 4, et 305-1 du Code de procédure pénale en raison de la méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif et des droits de la défense.
Rappel de la procédure. C’est à l’occasion d’une affaire de meurtres aggravés et de vols que la Chambre criminelle avait, par un arrêt rendu le 10 février 2021, n° 20-84.752, F-D (N° Lexbase : A80044GK), accepté de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur la conformité des articles 181, alinéa 4 (N° Lexbase : L2990IZR) et 305-1 (N° Lexbase : L4361AZK) du Code de procédure pénale aux droits et libertés que la Constitution garantit et plus spécifiquement aux articles 34 de la Constitution (N° Lexbase : L1294A9S) et 1er (N° Lexbase : L1365A9G), 6 (N° Lexbase : L1370A9M) et 16 (N° Lexbase : L1363A9D) de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen.
Dispositions litigieuses. La question portait sur les dispositions du Code de procédure pénale qui prévoient le mécanisme de purge des nullités en fin d’information. Le code dispose en effet que, lorsque le magistrat instructeur décide de renvoyer le mis en examen devant la juridiction de jugement, l’ordonnance rendue et devenue définitive purge, en application de l’article 181, alinéa 4, les vices des actes réalisés lors de l’instruction. Aucune demande en nullité ne peut donc prospérer après cette date dès lors qu’elle concerne un acte de l’instruction (Cass. crim., 10 février 2016, n° 15-80.622, F-P+B (N° Lexbase : A0314PL9). L’article 305-1 prévoit quant à lui que les nullités qui n’auraient pas été purgées par l’ordonnance de renvoi doivent être soulevées dès que le jury est constitué.
Arguments du requérant. Le requérant reprochait alors une méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif et des droits de la défense, en ce que les textes ne permettaient pas à l’accusé, qui n’a pas été régulièrement mis en examen et qui n’a pas été informé de l’ordonnance de mise en accusation, de contester la régularité de la procédure. Il considérait en effet que l’alinéa 4 de l’article 181 empêchait tout justiciable de contester, une fois l’ordonnance de mise en accusation devenue définitive, de soulever des nullités, et ce quand bien même l’instruction aurait été menée sans que l’accusé ait été informé de sa mise en examen, de l’avis d’information et de l’ordonnance de renvoi devant la cour d’assises.
Il avançait également la violation du principe d’égalité entre les justiciables dès lors que les dispositions relatives aux purges de nullité lors d’une instruction en matière délictuelle différaient du régime applicable à l’instruction en matière criminelle.
Examen de la constitutionnalité. Afin d’opérer son contrôle, le Conseil constitutionnel regarde dans un premier temps les possibilités offertes normalement à un mis en examen pour contester la régularité des actes de procédures avant toute purge. Il identifie ainsi la possibilité de saisir la chambre de l’instruction tout au long de l’information judiciaire en vertu de l’article 170 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L0918DYN), mais également la possibilité offerte par l’article 175 du même code (N° Lexbase : L7482LPS) de soulever des nullités à compter de l’avis de fin d’information et enfin, le recours ouvert contre l’ordonnance de mise en accusation, prévu par l‘article 186 (N° Lexbase : L2763KGG). Néanmoins, pour bénéficier de ces différentes échéances, encore faut-il avoir été régulièrement mis en examen et informé de ces étapes de la procédure.
Ce premier état des lieux permet au Conseil de déterminer que l’accusé bénéficie, en principe, de mécanismes suffisants pour contester les nullités. Néanmoins, la Haute juridiction constate qu’il n’existe pas, dans le Code de procédure pénale, d’exception à la purge des nullités dans le cas d’un accusé qui n’aurait pas été destinataire de ces informations.
Décision. C’est pourquoi, sans avoir à examiner le grief tiré de la violation du principe d’égalité, le Conseil constitutionnel conclue à l’inconstitutionnalité des articles 181, alinéa 4, du Code de procédure pénale et 305-1 du même code en raison de la violation du droit à un recours juridictionnel effectif et des droits de la défense. Il semble néanmoins nuancer son propos, dans la mesure où il précise que le défaut d’information ne trouve pas sa source dans « une manœuvre » de la part de l’accusé ou « de sa négligence ». Cela peut questionner notamment sur la portée de cette décision quant à la personne en fuite qui, par définition, se soustrait volontairement à la Justice.
Le Conseil diffère néanmoins l’abrogation des dispositions jugées inconstitutionnelles au 31 décembre 2021 afin de laisser au législateur le temps de prévoir une exception à la purge des nullités pour les accusés non informés de leur mise en examen, de l’avis de fin d’information ou de l’ordonnance de mise en accusation. Les effets de l’inconstitutionnalité ne font quant à eux pas l’objet de modulation dans le temps, laissant la possibilité pour les justiciables de s’en prévaloir dans les instances en cours.
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