La lettre juridique n°854 du 11 février 2021 : Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

[Jurisprudence] Contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) : les transferts intra-communautaires de biens ne seront plus à prendre en compte dans l’assiette de la contribution

Réf. : CA Paris, 6, 29 janvier 2021, n° 19/09480 (N° Lexbase : A08894EN) ; CA Paris, 6, 29 janvier 2021, n° 19/10162 (N° Lexbase : A04364EU)

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par Pierre Pradeau, Olivier Galerneau et Maxime Mahtout, Avocats, EY Société d'avocats

le 10 Février 2021


Mots-clés : contribution sociale de solidarité des sociétés • C3S • TVA • assiette • transferts de stocks intracommunautaires

Par deux arrêts en date du 29 janvier 2021, la cour d’appel de Paris a tiré les conséquences de la décision « Lubrizol » rendue par la CJUE en date du 14 juin 2018 [1] relative aux règles d’imposition à la C3S en jugeant que ne sont pas à prendre en compte dans l’assiette de cette Contribution les transferts de biens intra-communautaires.


 

Pour rappel, l’assiette de la C3S est assise sur le chiffre d’affaires global déclaré à l'administration fiscale, calculé hors taxe sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées [2].

En pratique, l’assiette de la C3S est constituée par le chiffre d’affaires entrant dans le champ d’application des taxes sur le chiffre d’affaires, c'est-à-dire l’addition des sommes imposables à la TVA, ou de celles qui, tout en étant dans son champ d’application, en sont exonérées :

  • Ligne 01 – Ventes et prestations de services ;
  • Ligne 02 – Autres opérations imposables, si ces opérations constituent du chiffre d’affaires ;
  • Ligne 04 – Exportations ;
  • Ligne 05 – Autres opérations imposables, si ces opérations sont dans le champ d’application territorial de la TVA française ;
  • Ligne 06 – Livraisons intracommunautaires. 

Les transferts de biens intra-communautaires même s’ils sont assimilés à des livraisons intra-communautaires de biens pour les besoins de la TVA (CGI, art. 256 bis-II-2° N° Lexbase : L6261LUG), ne constituent pas en tant que tels du chiffre d’affaires.

C’est dans ce contexte que le contentieux s’est noué devant la Cour de cassation [3] et porté par voie de question préjudicielle devant la CJUE [4] qui a dit pour droit que :

« Les articles 28 (N° Lexbase : L2595IPS) et 30 TFUE (N° Lexbase : L2618IPN) doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation d’un État membre prévoyant que l’assiette de contributions perçues sur le chiffre d’affaires annuel des sociétés, pour autant que ce dernier atteint ou dépasse un certain montant, soit calculée en tenant compte de la valeur représentative des biens transférés par un assujetti ou pour son compte, pour les besoins de son entreprise, de cet État membre vers un autre État membre de l’Union européenne, cette valeur étant prise en compte dès ledit transfert, alors que, lorsque les mêmes biens sont transférés par l’assujetti ou pour son compte, pour les besoins de son entreprise, sur le territoire de l’État membre concerné, leur valeur n’est prise en compte dans ladite assiette que lors de leur vente ultérieure, à la condition :

  • premièrement, que la valeur de ces biens ne soit pas, une nouvelle fois, prise en compte dans ladite assiette lors de leur vente ultérieure dans cet État membre ;
  • deuxièmement, que leur valeur soit déduite de ladite assiette lorsque ces biens ne sont pas destinés à être vendus dans l’autre État membre ou ont été réacheminés dans l’État membre d’origine sans avoir été vendus ; et
  • troisièmement, que les avantages résultant de l’affectation desdites contributions ne compensent pas intégralement la charge supportée par le produit national commercialisé sur le marché national lors de sa mise sur le marché, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier ».

Autrement dit, la prise en compte des transferts de biens intracommunautaire dans l’assiette de la C3S n’a pas pour effet de qualifier la contribution de taxe d’effet équivalent [5] si les trois conditions décrites ci-dessus sont cumulativement réunies.

Dans cette affaire, c’est l’absence de la deuxième condition posée par la CJUE qui a conduit la Cour d’appel de Paris à exclure les transferts de biens intracommunautaires de l’assiette de la C3S.

En l’espèce, afin de trancher le litige dont elle est saisie, la Cour d’appel de Paris décline sa décision en réponse aux arguments développés par l’URSSAF :

  • Dans un premier temps, elle relève que le mécanisme des demandes de remboursement des cotisations de sécurité sociale [6], sur lequel l’URSSAF s’appuie pour soutenir que les transferts de stocks intra-communautaires doivent être intégrés dans l’assiette de la contribution, ne permet pas « la déduction de la valeur des biens de l'assiette des contributions lorsque les biens ne sont pas destinés à être vendus dans l'autre État membre ou ont été réacheminés dans l'État membre d'origine sans avoir été vendus ».
  • Dans un second temps, elle précise que si, comme l’URSSAF l’invoque, il existe en matière de TVA un mécanisme de régularisation, qui s’effectue aux lignes 3C et 7B des déclarations CA3, ce procédé de régularisation ne trouve pas à s’appliquer aux régularisations relatives aux transferts intracommunautaire de bien.

Il résulte en effet de la décision précitée de la CJUE, et comme les sociétés requérantes le soutenaient, que le terme régularisation doit s’entendre, notamment, comme le mécanisme permettant de soustraire à l’assiette de la C3S la valeur des biens qui n’ont pas fait l’objet d’une vente après leur transfert dans un autre État membre de l’Union Européenne ou la valeur de ceux qui y ont été transférés dans le seul but d’y faire l’objet d’un travail à façon, sans avoir à déposer une demande de remboursement.

Ainsi, la cour d’appel de Paris relève que la procédure de remboursement de la C3S prévue par l’article L. 243-6 du CSS (N° Lexbase : L1300I7B) n’équivaut pas à mécanisme de régularisation permettant une déduction complémentaire tel que le permettent les déclarations CA3 en ligne 3C et 7B, dans la mesure où les sommes régularisées au titre de ces lignes n’incluent pas celles relatives aux transferts intracommunautaires de biens

En conséquence, elle en conclut que la prise en compte des transferts de biens dans l’assiette de la C3S n’est pas conforme au droit de l’Union Européenne.

Ces deux décisions permettront à l’ensemble des opérateurs redevables de la C3S de procéder à des retraitements de leurs déclarations passées et futures.

Il conviendra dans le cadre des réclamations contentieuses, d’avoir une analyse fine des flux des opérateurs afin de déterminer le montant de la Contribution acquitté à tort à réclamer aux services de recouvrement de la C3S.    

Précisons qu’en pratique d’autres opérations doivent être exclues de la base d’imposition de la Contribution. L’assiette de la C3S devra dont désormais faire l’objet d’une analyse en dentelle.

Enfin, rappelons que conformément au Code de la sécurité sociale, ces réclamations peuvent être déposée dans les trois années qui suivent le paiement effectif de la taxe.

 

[1] CJUE, 14 juin 2018, aff. C-39/17, Lubrizol France SAS (N° Lexbase : A9143XQP).

[2] CSS, art. L. 137-32 (N° Lexbase : L8716LKZ) et art. L.137-33 (N° Lexbase : L8717LK3).

[3] Cass. civ 2, 19 janvier 2017, n° 15-26.723, FS-D (N° Lexbase : A7167S9C).

[4] CJUE, 14 juin 2018, aff. C-39/17 précité.

[5] Les articles 28 et 30 du traité de fonctionnement de l’Union Européenne prohibent l’instauration de taxes contraires au principe de libre circulation des marchandises, dès lors que la suppression des droits de douanes entre les États membres de l’UE est applicable depuis le 1er juillet 1968.

[6] Mécanisme pleinement applicable à la C3S et prévu à l’article L.243-6 du CSS.

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