Le Quotidien du 30 novembre 2020 : Sociétés

[Brèves] Expertise sur la valeur des droits sociaux : application dans le temps de la réforme de l’article 1843-4 du Code civil par l’ordonnance du 31 juillet 2014

Réf. : Cass. com., 18 novembre 2020, n° 19-13.402, FS-P+B (N° Lexbase : A512137S)

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N5456BYQ

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[Brèves] Expertise sur la valeur des droits sociaux : application dans le temps de la réforme de l’article 1843-4 du Code civil par l’ordonnance du 31 juillet 2014. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/61548846-breves-expertise-sur-la-valeur-des-droits-sociaux-application-dans-le-temps-de-la-reforme-de-larticl
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par Vincent Téchené

le 25 Novembre 2020

► Les effets légaux d'un contrat étant régis par la loi en vigueur à la date où ils se produisent, l'article 1843-4 du Code civil (N° Lexbase : L1737LRR), dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014 (N° Lexbase : L1321I4P), n’est applicable qu’aux expertises ordonnées à compter du 3 août 2014, date de son entrée en vigueur ;

Faits et procédure. Plusieurs personnes devenues associées d’une société civile entre 1987 et 1999, en ont été exclues par des assemblées générales entre 1998 et 2009, lesquelles ont fixé la valeur unitaire de leurs parts sociales ainsi que les conditions de leur remboursement. Contestant cette évaluation, les associés exclus ont, par des ordonnances des 7 mars 2007 et 1 février 2010, obtenu la désignation en justice d'un expert aux fins de fixation de la valeur de leurs droits sociaux. L'expert désigné ayant déposé son rapport le 25 février 2011, les associés exclus ont assigné la société en remboursement de leurs parts sur la base de la valeur déterminée par l'expert.

Décision

  • Entrée en vigueur de l’article 1843-4 du Code civil, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 31 juillet 2014

Pour annuler les rapports d'expertise du 25 février 2011 et rejeter les demandes formées par les associés exclus, l'arrêt d’appel relève qu'il résulte des termes du rapport au Président de la République présentant les dispositions de l'ordonnance du 31 juillet 2014 que le législateur a entendu revenir sur l'interprétation extensive qui était faite par la Cour de cassation des dispositions de l'article 1843-4 pour faire prévaloir les dispositions statutaires quand celles-ci permettent de déterminer le prix des parts, notamment dans le cas d'exclusion d'un associé de société civile. Il ajoute que le législateur a entendu répondre à un impérieux motif d'intérêt général de sécurité juridique et rendre ainsi le nouveau texte applicable aux instances en cours même en cause d'appel, dans le but de corriger sans délai une interprétation juridictionnelle extensive de l'ancienne rédaction, sujette à controverse et de nature à générer un important contentieux. Il en déduit ainsi que la nouvelle rédaction est applicable en l’espèce dès lors que le rapport déposé par le tiers évaluateur, même s'il est antérieur à l'entrée en vigueur de l'ordonnance de 2014, a toujours été contesté par la société et n'a pas encore produit d'effet définitif en l'absence de décision les concernant.

La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au visa des article 2 (N° Lexbase : L2227AB4) et 1843-4 du Code civil. La Cour de cassation rappelle que selon l’article 2 du Code civil, la loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif. Ainsi, elle retient, que les effets légaux d'un contrat étant régis par la loi en vigueur à la date où ils se produisent, l'article 1843-4 du Code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2014-863 du 31 juillet 2014, est applicable aux expertises ordonnées à compter du 3 août 2014, date de son entrée en vigueur (sur l’ordonnance, cf. V. Téchené, Lexbase Affaires, septembre 2014, n° 395 N° Lexbase : N3789BUU ; B. Dondero, JCP E, 2014, 1531 ; H. Le Nabasque, Rev. sociétés, 2014, 647 ; F.-X. Lucas et D. Poracchia, Bull. Joly Sociétés, 2014. 474 ; R. Mortier, Dr. sociétés, 2014, comm. 140).

Par conséquent, en statuant comme elle l’a fait, après avoir constaté que l'expert avait été désigné le 7 mars 2007 et le 1 février 2010, de sorte que l'article 1843-4 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 31 juillet 2014, était applicable, la cour d'appel a violé les article 2 et 1843-4 du Code civil (sur la question de l’application dans le temps du nouvel article 1843-4, v. N. Borga, D., 2014, 2359).

  • Application de l’article 1843-4 du Code civil, dans sa version antérieure l’ordonnance du 31 juillet 2014

L’arrêt d’appel a retenu, ensuite, qu'en devenant associés de la société civile, les associés qui ont été par la suite exclus ont souscrit aux règles des statuts et du règlement intérieur qui stipule le remboursement de la valeur des parts au prix déterminable selon les modalités qu'il prévoit. Il en déduit que la contestation par les associés du prix des parts offert par la société en application de ces stipulations ne peut donner lieu, y compris sous l'empire de l'article 1843-4 du Code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 31 juillet 2014, qu'à une évaluation conforme aux dispositions contractuelles librement consenties.

La Cour de cassation censure également sur ce point l’arrêt d’appel. Elle rappelle au visa de l’article 1843-4 du Code civil, dans sa version antérieure à l’ordonnance de réformant ce texte, qu’il résulte de ce texte qu'il appartient à l'expert de déterminer lui-même, selon les critères qu'il juge appropriés à l'espèce, sans être lié par la convention ou les directives des parties, la valeur des droits sociaux litigieux et que cette règle est applicable aux cessions de droits sociaux imposées par les statuts ou le règlement intérieur de la société (v. déjà, pour les statuts : Cass. com., 4 décembre 2007, deux arrêts, n° 06-13.912, FS-P+B N° Lexbase : A0299D3H et n° 06-13.913, FS-D (N° Lexbase : A0300D3I ; D. Gibirila, Lexbase Droit privé, mars 2008, n° 295 N° Lexbase : N3475BEG).

Il convient de souligner que dans un arrêt du 11 mars 2014 (Cass. com., 11 mars 2014, n° 11-26.915, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A5034MGK ; B. Saintourens, Lexbase Affaires, avril 2014, n° 376 (N° Lexbase : N1570BUP), la Cour de cassation a retenu que « les dispositions de l'article 1843-4 du Code civil, qui ont pour finalité la protection des intérêts de l'associé cédant, sont sans application à la cession de droit sociaux ou à leur rachat par la société résultant de la mise en œuvre d'une promesse unilatérale de vente librement consentie par un associé ». Elle a ainsi établi une distinction entre les cessions forcées et les cessions volontaires, seul le premier cas (not. refus d’agrément et exclusion) pouvant donné lieu à l’application de l’article 1843-4 du Code civil. Par cet arrêt, la Cour de cassation a d’ailleurs anticipé la réformé opérée par l’ordonnance du 31 juillet 2014 qui prévoit que les cessions extrastatutaires sont désormais exclues du champ d'application de l'article 1843-4 du Code civil, puisque le recours à l'expert n'est possible que si la loi renvoie à ce texte (C. civ., art. 1843-4, I) ou si les statuts prévoient la cession ou le rachat (C. civ., art. 1843-4, II).

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : L’expertise sur la valeur des droits sociaux, in Droit des sociétés, Lexbase (N° Lexbase : E6251ADU).

 

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