Réf. : Cass. civ. 3, 5 novembre 2020, n° 19-20.237, FS-P+B+I (N° Lexbase : A521633L)
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N5212BYP
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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, Rome Associés, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la Commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats
le 09 Novembre 2020
► Le délai de recours entre constructeurs coobligés est de cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ;
Ce délai n’est donc pas le délai décennal qui court à compter de la réception applicable à l’action introduite par le maître d’ouvrage à l’encontre du constructeur.
La Cour de cassation persiste et signe et l’on ne peut que l’en féliciter. Le délai de prescription applicable à l’appel en garantie, ou de l’action récursoire, formé par le constructeur contre un autre constructeur, relève des dispositions de l’article 2224 du Code civil (N° Lexbase : L7184IAC).
L’arrêt rapporté est, en effet, confirmatif de l’importantissime arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 16 janvier 2020 (Cass. civ. 3, 16 janvier 2020, n° 18-25.915, FS-P N° Lexbase : A17433B8 ; V. notamment, J. Mel, Fiat Lux : le délai de prescription de l’action en contribution à la dette, Lexbase Privé, février 2020, n° 812 N° Lexbase : N2098BYD). La Haute juridiction a ainsi mis un terme à une opposition doctrinale doublée de décisions éparses, rendues par les juges du fond. Si l’action du maître d’ouvrage exercée à l’encontre des constructeurs, sur le fondement de la responsabilité civile décennale, est bien de dix ans à compter de la réception, ce délai ne s’applique pas à l’action entre coobligés à la dette, qui reste soumis au droit commun.
Pour écarter l’application de l’article 1792-4-3 du Code civil (N° Lexbase : L7190IAK), la Cour de cassation a, en effet, considéré que ce texte, qui figure dans une section du Code civil relative aux devis et marchés et inséré dans un chapitre consacré au contrat d’entreprise, n’a vocation à s’appliquer qu’aux actions en responsabilité dirigées par le maître d’ouvrage contre les constructeurs ou leurs sous-traitants. Elle a, aussi, ajouté que le fait de fixer la date de réception comme point de départ du délai de prescription de l’action d’un constructeur contre un autre pourrait avoir pour effet de priver le premier, lorsqu’il est assigné par le maître d’ouvrage en fin de délai d’épreuve décennal, du droit d’accès à un juge.
Le délai applicable à l’action entre constructeurs est celui de droit commun (Cass. civ. 3, 16 janvier 2020, n° 16-24.352, FS-P+B+I N° Lexbase : A17333BS) et ce, y compris dans le cadre des actions à l’encontre des tiers à l’opération de construire (Cass. civ. 3, 16 janvier 2020, n° 18-21.895, FS-P N° Lexbase : A17343BT). La Haute juridiction a déjà eu l’occasion d’y revenir tout à fait dernièrement (Cass. civ. 3, 1er octobre 2020, n° 19-21.502, N° Lexbase : A69123WW).
Toute la question va donc être de caractériser le point de départ, c’est-à-dire la connaissance du fait. En l’espèce, après avoir rappelé que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer, la Cour de cassation considère que c’est à bon droit que les juges du fond ont fait partir ce délai de l’assignation, c’est-à-dire la demande en justice.
Là encore, la décision n’est pas surprenante. Pour être interruptive de prescription, la demande en justice doit être dirigée à l’encontre de celui que l’on veut empêcher de prescrire (V. not. Cass. civ. 3, 19 septembre 2019, n° 18-15.833, F-D N° Lexbase : A3192ZPW). Dans le même sens, la mise en cause de l’assureur de constructeurs ne vaut pas interruption au bénéfice du maître d’ouvrage demandeur à l’expertise qui ne les avait pas assignés (Cass. civ. 3, 29 octobre 2015, n° 14-24.771, FS-D N° Lexbase : A5250NUY ; Cass. civ. 3 , 31 janvier 2019, n° 18-10.011, F-P+B N° Lexbase : A9747YUK).
Les juges du fond appliquent, depuis, ces jurisprudences (pour un exemple récent : CA Rennes, 19 octobre 2020, n° 20/00042 N° Lexbase : A05013Y9).
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