Le Quotidien du 14 septembre 2020 : Construction

[Brèves] La responsabilité décennale et la réparation (super)intégrale du préjudice

Réf. : Cass. civ. 3, 9 juillet 2020, n° 19-18.954, F-D (N° Lexbase : A11173RS)

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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, Rome Associés, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la Commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats

le 10 Septembre 2020

► La réparation du dommage de nature décennale peut consister en une réparation par équivalent, par des dommages-intérêts ;

Les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu’il en résulte pour elle ni perte ni profit.

Le principe jurisprudentiel de la réparation intégrale signifie que la victime doit être replacée dans la situation où elle aurait été si le dommage ne s’était pas produit. Et le moins qu’il puisse en être dit est que le Juge judiciaire applique ce principe au pied de la lettre, refusant même toute idée d’enrichissement sans cause lorsque le dommage intervient après plusieurs années d’utilisation/d’exploitation (pour exemple, Cass. civ. 3, 27 mai 1999, RDI juill.-sept. 1999, p. 412). Et ce, même si la solution de reprise conduit à une amélioration, pourvu qu’elles soient nécessaires, soit pour rendre l’ouvrage conforme à sa destination soit pour empêcher la réapparition des désordres (pour exemple, un cuvelage nécessaire pour remédier à des inondations en sous-sol, Cass. civ. 3, 26 janvier 2000, n° 98-17.045 N° Lexbase : A2597MIZ, AJDI, 2000, p. 346). Le Juge judiciaire refuse, dans cette même logique, l’abattement pour vétusté (depuis un arrêt de principe Cass. civ. 2, 16 décembre 1970, n° 69-12.617, publié au bulletin N° Lexbase : A7861CHM, Bull. civ. II, n° 346, p. 265).

En application de ce principe, outre la réparation des dommages matériels eux-mêmes, la victime pourra obtenir réparation des préjudices complémentaires ayant un lien direct avec les dommages. Tel était précisément le cas en l’espèce. Un maître d’ouvrage entreprend des travaux de réhabilitation afin d’y créer deux logements destinés à la location. Se plaignant d’un défaut de stabilité et d’ancrage d’une galerie à ossature bois réalisée lors de cette opération, il assigne, après expertise, le maître d’œuvre et l’assurance de responsabilité décennale de l’entreprise, entre-temps liquidée. Si les juges d’appel ont bien indemnisé le préjudice, le maître d’ouvrage conteste l’évaluation de son préjudice locatif, limité aux charges effectivement déboursées, c’est-à-dire à la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, aux factures d’électricité et de consommation d’eau. Il est également reproché aux juges d’appel d’avoir privé le maître d’ouvrage de la réparation de son préjudice matériel pendant la durée des travaux, sans constater que ses biens auraient été habitables et donc disponibles à la location.

Au double visa de l’article 1792 du Code civil (N° Lexbase : L1920ABQ) ainsi que du principe de réparation intégrale du préjudice, la Haute juridiction censure. Les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu’il résulte pour elle ni perte ni profit. En considérant que les constructeurs responsables des désordres n’ont pas à supporter les aléas du chantier de réfection ou les délais de séchage du bois à poser, sans constater que les biens immobiliers auraient été habitables et disponibles à la location avant l’achèvement des travaux de reprise, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

L’arrêt est, encore, l’occasion de rappeler qu’il n’y a pas de calque parfait entre, d’une part, l’étendue de la responsabilité décennale qui pèse sur les constructeurs et, d’autre part, l’assurance obligatoire de responsabilité civile décennale. Il ressort, d’un côté, de l’annexe I de l’article A. 243-1 du Code des assurances (N° Lexbase : L9756IE3) que sont garantis les dommages matériels liés aux travaux de réparation réalisés sur l’ouvrage affecté de désordres. Le domaine de l’assurance obligatoire ne concerne donc pas tous les dommages. L’assurance décennale ne s’étend, pas plus, aux dommages immatériels (pour exemple, Cass. civ. 3, 11 février 2014, n° 12-35.323, F-D N° Lexbase : A3589MEN).

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