Le Quotidien du 27 août 2020 : Contrats et obligations

[Brèves] Absence de faute du maître de l'ouvrage dans le défaut de réalisation de la condition suspensive d’obtention d’un permis de construire conditionnant l’exécution d’un contrat de construction

Réf. : Cass. civ. 3, 9 juillet 2020, n° 18-25.181, F-D (N° Lexbase : A11913RK)

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N4234BYH

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[Brèves] Absence de faute du maître de l'ouvrage dans le défaut de réalisation de la condition suspensive d’obtention d’un permis de construire conditionnant l’exécution d’un contrat de construction. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/59252041-breves-absence-de-faute-du-maitre-de-louvrage-dans-le-defaut-de-realisation-de-la-condition-suspensi
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par Manon Rouanne

le 22 Juillet 2020

► Dans le cadre de la conclusion d’un contrat ayant pour objet la construction d'un complexe viti-vinicole sous la condition suspensive de l’obtention d’un permis de construire délivré par l'architecte des Bâtiments de France, la renonciation du maître de l'ouvrage au projet au profit d'une simple réhabilitation des bâtiments existants après deux refus d’octroi du permis de construire ne peut conduire à réputer la condition suspensive accomplie par la faute de ce dernier qui en aurait empêché l’accomplissement, dès lors qu’il ressort des termes du contrat qu’il n’était pas dans l’obligation de déposer une troisième demande de permis de construire après le refus des deux premiers.

Résumé des faits. En l’espèce, une société, exploitant un domaine viticole, a confié, à une société spécialisée en ingénierie, la réalisation d’un projet de construction d'un complexe viti-vinicole. Dans ce cadre, ces deux sociétés ont conclu, sur une période d’un an, trois contrats. L'architecte des Bâtiments de France a refusé le premier projet. Trois mois après ce refus, un nouveau contrat intitulé « ingénierie au prix maximum garanti », s’inscrivant dans la continuité de leurs relations contractuelles dont il représente la finalisation, a été conclu entre les parties. En exécution de ce nouveau contrat, le maître de l'ouvrage a versé à la société en charge du projet la somme de 108 000 euros. Toutefois, la seconde demande de permis de construire déposée en application de ce contrat a fait l'objet d'un nouveau refus de l'architecte des Bâtiments de France. Aussi, le maître de l'ouvrage a informé l'architecte des Bâtiments de France de ce qu'il renonçait au projet au profit d'une simple réhabilitation des bâtiments existants, sans en informer ni la société en charge du projet ni l'architecte qui n'ont été prévenus que postérieurement. Il a assigné son cocontractant en remboursement de la somme de 108 000 euros versées.

En cause d’appel. La cour d’appel n’a pas fait droit à cette demande en jugeant que l’abandon soudain du projet par le maître de l'ouvrage avait empêché la réalisation de la condition suspensive liée à l’octroi d’un permis de construire, de sorte qu’elle devait être réputée accomplie du fait de la faute du débiteur. En effet, le maître de l'ouvrage a soutenu que la non-réalisation de la troisième condition suspensive, consistant dans l'obtention des autorisations légales ou réglementaires qui ont été refusées par deux fois, ne résultait d’aucune faute commise par ses soins ayant pour conséquence la défaillance de cette condition. Néanmoins, les juges du fond, ont, en revanche, retenu, qu’alors que la société en charge du projet avait déposé une nouvelle demande de permis de construire à la suite du refus du premier qui a reçu un nouvel avis défavorable de l'architecte des Bâtiments de France, lequel a formulé des recommandations qui ont été immédiatement prises en compte par celle-ci, le maître d’œuvre a informé l'architecte des Bâtiments de France de ce qu'il renonçait au projet au profit d'une simple réhabilitation des bâtiments existants, sans en informer ni la société en charge du projet ni l'architecte qui n'ont été prévenus que plus tard. Aussi, la cour d’appel a jugé que même si l’appelant a fait valoir, à bon droit, qu'il n'était pas obligé de déposer un troisième projet, ce changement d'orientation radical, un mois après la signature du contrat, dans le cadre d'un projet supposant l'aval de l'administration et présentant des écueils qu'il ne pouvait ignorer pour y avoir été confronté une fois, caractérise un abandon du projet qui n'est imputable qu'au seul maître de l'ouvrage et ne saurait caractériser un manquement de la société en charge du projet à ses obligations contractuelles. La juridiction du second degré en a déduit, alors, que la condition suspensive devait être réputée accomplie du fait de la faute du maître de l'ouvrage.

En outre, la cour d’appel a condamné le maître de l'ouvrage à payer à la société en charge du projet une indemnité correspondant à celle prévue par la clause de renonciation du client au projet en retenant que l'engagement contractuel de payer une indemnité comportait convention dérogatoire à la formalité de la mise en demeure.

A hauteur de cassation. Contestant le fait, pour les juges du fond, d’avoir réputé accomplie la condition suspensive du fait de sa faute commise ayant eu pour conséquence la non-obtention du permis de construire, le maître de l'ouvrage a allégué, dans un premier temps, qu’il n’avait commis aucune faute dans la mesure où, comme l’avait relevé la cour d’appel, il n’était pas obligé de déposer une troisième demande de permis de construire après le refus des deux premiers. Dans un second temps, le demandeur au pourvoi a argué la violation, par les juges du fond, du principe de la force obligatoire des conventions en ayant jugé que l'engagement contractuel de payer une indemnité comporte convention dérogatoire à la formalité de la mise en demeure.

Décision. Faisant siens les arguments développés par le demandeur au pourvoi, la Cour de cassation casse l’arrêt rendu par la cour d’appel. Sur le fondement de la force obligatoire des conventions, la Haute juridiction censure les juges du fond d’avoir, d’une part, retenu que c'était l'abandon brutal du projet par le maître de l'ouvrage qui avait empêché l'accomplissement de la condition relative à l'obtention du permis de construire, laquelle était donc réputée accomplie alors qu’ils avaient relevé que celui-ci n’était pas tenu de déposer une troisième demande d’obtention de permis de construire après le refus des deux premiers. D’autre part, le juge du droit ne rejoint pas la cour d’appel d’avoir condamné le maître de l'ouvrage à payer l’indemnité attachée à la clause contractuelle de renonciation au projet par le client en retenant, par une dénaturation des termes et précis du contrat, que l'engagement contractuel de payer une indemnité comportait convention dérogatoire à la formalité de la mise en demeure et que la demande de mise en œuvre de la clause pénale était recevable.

 

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