La lettre juridique n°832 du 16 juillet 2020 : Voies d'exécution

[Brèves] Mesure de gel des fonds et des ressources économiques : précisions de l’Assemblée plénière sur la nature et les conséquences de cette dernière

Réf. : Cass. ass. plén., 10 juillet 2020, n° 18-18.542 et n° 18-21.814, P+B+R+I (N° Lexbase : A93843QM)

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par Alexandra Martinez-Ohayon

le 16 Juillet 2020

Dans cette affaire, l’Assemblée plénière a été amenée à trancher la question de savoir si une mesure conservatoire, peut être diligentée sur des avoirs gelés, cette dernière étant exclusive tant devant les juridictions française, que les juridictions des États membres, et devait nécessairement découler d’une interprétation du Règlement (CE) n° 423/2007 (N° Lexbase : L0152HWK) et des règlements qui l’ont remplacé ; La Cour de justice de l’Union européenne a donc été saisie de questions préjudicielles en interprétation de ces règlements ;

► Sur le pourvoi de la banque Sepah, la Cour suprême indique que le gel des avoirs d’une personne ou d’une entité qui est frappée par cette mesure en raison de ses activités, ne constitue pas un cas de force majeure pour celle qui le subit, faute d’extériorité.

Contexte. Au début des années 2000, la République islamique d’Iran, État signataire du Traité de non-prolifération des armes nucléaires, a été suspectée par la Communauté internationale de développer un programme nucléaire et de missiles balistiques en violation de ses engagements internationaux. Dès lors, le Conseil de sécurité des Nations Unies a par résolution 1737 du 23 décembre 2006, décidé que l’Iran devait suspendre toutes activités liées à l’enrichissement et au retraitement, ainsi que les travaux sur tous projets liés à l’eau lourde. Le Conseil des gouverneurs de l’agence internationale de l’énergie atomique a également ordonné que l’Iran applique certaines mesures. Des mesures restrictives ont été imposées aux États membres des Nation Unies, dont celle du gel des fonds et ressources économiques par les entités concourant au programme nucléaire ou missiles balistiques iranien. Par résolution 1747 du 24 mars 2007, il a identifié la banque Sepah comme faisant partie de ces dernières, dont la mesure de gel des avoirs devait s’appliquer.

La banque n’a pas exercé, de recours devant les juridictions européennes de cette décision.

La cour d’appel de Paris a rendu un arrêt le 26 avril 2007, condamnant la banque Sepah et des personnes physiques à verser certaines sommes avec intérêts au taux légal à la société Overseas et à la société Oaktree.

Le 17 janvier 2016, la banque Sepah a été radiée par le Conseil de sécurité de la liste des personnes et entités faisant l’objet des mesures restrictives. À compter de cette date elle a recouvré la libre disposition des avoirs détenus dans l’Union européenne.

Les défenderesses ont fait délivrer le 17 mai 2016 des commandements de payer aux fins de saisie-vente contre la banque Sepah.

Le 5 juillet 2016, elles ont opté pour une autre mesure d’exécution forcée et ont fait pratiquer auprès de la Société Générale, des saisies-attributions et des saisies de droits d’associés et valeurs mobilières.

La banque Sepah a donc assigné les créancières devant le juge de l’exécution pour voir trancher les intérêts au taux légal des causes des saisies, en reconnaissant devoir le principal, mais soutenant que le gel de ses avoirs, constituait un cas de force majeure ayant entraîné la suspension des intérêts.

Les juges d’appel de Paris ont rejeté la demande de la banque de sa demande par un arrêt rendu le 8 mars 2018 compte tenu que la résolution 1747 constituait une sanction, et que l’appelante était mal fondée à invoquer une cause étrangère.

Néanmoins, la cour d’appel, considérant qu’aucune cause n’avait interdit aux sociétés intimées d’engager des mesures d’exécution, même à titre conservatoire, elle a prononcé la prescription des intérêts courus antérieurement au 17 mai 2011.

L’ensemble des parties ont chacune formé un pourvoi.

Moyen du pourvoi n° 18-18.542 de la banque Sepah. L’intéressée fait grief à l’arrêt 8 mars 2018 par la cour d’appel de Paris de valider les saisies-attributions et saisies de droits d’associés et valeurs mobilières, ainsi que de rejeter sa demande portant sur un cas de force majeure entraînant la suspension des intérêts. Les juges d’appel avaient fondé leur décision, sur l’absence d’extériorité en se fondant sur la nature de la sanction de la mesure de gel.

Réponse de la cour. Les Hauts magistrats énonçant la solution en marge, ont indiqué dans leur réponse que la résolution 1747 du Conseil de sécurité, qui ordonnait le gel des fonds et des ressources économiques de la banque Sepah, n’avait pas été contestée par la banque devant les juridictions de l’Union européenne et qu’en conséquence, cette mesure ne procédait pas d’une circonstance extérieure à son activité. Il indique par motif de pur droit que la décision se trouve légalement justifiée aux visas des articles 620, alinéa 1er (N° Lexbase : L6779H79), et 1015 (N° Lexbase : L3816LDP) du Code de procédure civile.

Dans la note explicative, il est relevé qu’il ressort de la jurisprudence des juridictions de l’Union, que le gel des avoirs n’est pas une sanction.

Moyen du pourvoi n° 18-21.814 des sociétés Overseas et Oaktree. Les demanderesses font grief à l’arrêt de dire prescrits les intérêts antérieurs au 17 mai 2011 et de les retrancher des causes des saisies, soutenant la violation de l’article 2234 du Code civil (N° Lexbase : L7219IAM), ensemble les articles 1 et 7 du Règlement (CE) n° 423/2007 du Conseil du 19 avril 2007, repris par les articles 1 et 16 du Règlement (UE) n° 961/2010 du Conseil du 25 octobre 2010 (N° Lexbase : L9310KBG).

Réponse de la cour. La question inédite était de savoir si les demanderesses auraient pu interrompre la prescription en pratiquant une mesure conservatoire ou une exécution forcée sur les avoirs gelés.

Dans un premier temps, la Cour suprême a donc relevé que les Règlements (CE) n° 423/2007 (N° Lexbase : L0152HWK), (UE) n° 961/2010 (N° Lexbase : L9310KBG) et (UE) n° 267/2012 (N° Lexbase : L8545K9D), a relevé qu’ils ne comportaient pas de dispositions interdisant expressément à un créancier de diligenter une mesure conservatoire ou d’exécution forcée sur les biens gelés de son débiteur. Elle donne également dans son attendu (§ 19), la définition du gel des fonds, et celle du gel des ressources économiques.

Les Hauts magistrats relèvent que des mesures ayant pour effet de faire sortir des biens du patrimoine du débiteur ne peuvent être mises en œuvre sur des avoirs gelés qu’après avoir obtenu l’autorisation de l’autorité nationale compétente (dans les hypothèses visées aux articles 8 à 10 du Règlement (CE) n° 423/2007, 17 à 19 du Règlement (UE) n° 961/2010, puis 24 à 28 du Règlement (UE) n° 267/2012).

La Cour suprême était amenée à s’interroger sur les points suivants :

  • le fait de savoir si des mesures comme des mesures conservatoires, sans effet attributif, peuvent être diligentées sans autorisation préalable sur des avoirs gelés ;
  • si une sûreté judiciaire ou une saisie conservatoire avant leur conversion, faute d’effet attributif, peuvent être diligentées sans autorisation préalable sur des avoirs gelés ;
  • dans le cas où l’autorisation préalable ne serait pas nécessaire, il convient de savoir si la mesure doit s’apprécier par catégorie d’acte, sans égard aux spécificités de l’espèce, ou si ces dernières peuvent être prises en compte.

La réponse à ces questions n’étant pas évidente, et compte tenu du fait que les règlements de l’Union ne comportent aucune disposition expresse, et que ni le tribunal de l’Union, ni la Cour de justice n’ont eu l’occasion de se prononcer sur ces questions, la Cour suprême, a prononcé le sursis à statuer et saisi la Cour de justice d’un renvoi préjudiciel.

En l’espèce, l’Assemblée plénière, rejette le premier moyen et sursoit à statuer sur le second moyen du pourvoi.

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