Réf. : CE Ass., 10 juillet 2020, n° 428409, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A17963RX)
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par Yann Le Foll
le 15 Juillet 2020
► Le Gouvernement n’ayant toujours pas pris les mesures demandées pour réduire la pollution de l’air dans huit zones en France après une précédente décision du Conseil d’Etat, celui-ci prononce une astreinte de dix millions d’euros par semestre de retard (CE Ass., 10 juillet 2020, n° 428409, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A17963RX).
Rappel. Le 12 juillet 2017, le Conseil d’État a enjoint au Gouvernement d’élaborer et de mettre en œuvre des plans relatifs à la qualité de l’air permettant de ramener – dans treize zones du territoire et dans le délai le plus court possible – les concentrations de dioxyde d’azote (NO2) et de particules fines (PM10) en dessous des valeurs limites fixées par les articles L. 221-1 (N° Lexbase : L1249KZB) et R. 221-1 (N° Lexbase : L2515INH) du Code de l'environnement, qui transposent l'article 13 de la Directive 2008/50/CE du 21 mai 2008 (N° Lexbase : L9078H3M). En outre, plusieurs jugements rendus par les juridictions administratives entre la fin juin et le début juillet 2019 ont reconnu que l’Etat avait été défaillant dans la lutte contre la pollution en Ile-de-France du fait de la faiblesse des dispositifs mis en place et notamment du plan de protection régional de l’atmosphère, celui-ci se révélant incapable en particulier de contribuer à la réduction la plus rapide possible des valeurs de dioxyde d’azote et de particules fines dans les conditions définies par le Code de l’environnement dont les dispositions résultent en la matière de la transpositions de textes européens (TA Montreuil, 25 juin 2019, n° 1802202 N° Lexbase : A3655ZGH ; TA Paris, 4 juillet 2019, n° 1709333 N° Lexbase : A5750ZHG, n° 1810251 N° Lexbase : A5735ZHU, n° 1814405 N° Lexbase : A5738ZHY et lire La reconnaissance de la carence fautive de l’Etat en matière de lutte contre la pollution en Ile-de-France - Questions à François Lafforgue, Avocat au barreau de Paris, Lexbase Public, juillet 2019, n° 552 N° Lexbase : N9918BXM).
Décision. Le Conseil d’État constate d’abord que les valeurs limites de pollution restent dépassées dans neuf zones en 2019 (dernière année pour laquelle le Gouvernement a fourni au Conseil d’Etat des chiffres complets) : Vallée de l’Arve, Grenoble, Lyon, Marseille-Aix, Reims, Strasbourg et Toulouse pour le dioxyde d’azote, Fort-de-France pour les particules fines, et Paris pour le dioxyde d’azote et les particules fines.
Il relève que le plan élaboré en 2019 pour la vallée de l’Arve (Haute-Savoie) comporte des mesures précises, détaillées et crédibles pour réduire la pollution de l’air et assure un respect des valeurs limites d’ici 2022. En revanche, les « feuilles de route » élaborées par le Gouvernement pour les autres zones ne comportent ni estimation de l’amélioration de la qualité de l’air attendue, ni précision sur les délais de réalisation de ces objectifs. Enfin, s’agissant de l’Ile-de-France, le Conseil d’État relève que si le plan élaboré en 2018 comporte un ensemble de mesures crédibles, la date de 2025 qu’il retient pour assurer le respect des valeurs limites est, eu égard aux justifications apportées par le Gouvernement, trop éloignée dans le temps pour pouvoir être regardée comme assurant une correcte exécution de la décision de 2017.
Le Conseil d’État en déduit que, hormis pour la vallée de l’Arve, l’État n’a pas pris des mesures suffisantes dans les huit zones encore en dépassement pour que sa décision de juillet 2017 puisse être regardée comme pleinement exécutée.
Prononcé de l’astreinte. Afin d’assurer sur l’État une contrainte suffisante, le Conseil d’État décide de lui infliger une astreinte si celui-ci ne justifie pas avoir pris d’ici six mois les mesures demandées.
Le Conseil d’État fixe cette astreinte à 10 millions d’euros par semestre, soit plus de 54.000 euros par jour, compte tenu du délai écoulé depuis sa première décision, de l’importance du respect du droit de l’Union européenne, de la gravité des conséquences en matière de santé publique et de l’urgence particulière qui en résulte.
Il juge pour la première fois que, si l’État ne prenait pas les mesures nécessaires dans le délai imparti, cette somme pourrait être versée non seulement aux associations requérantes mais aussi à des personnes publiques disposant d’une autonomie suffisante à l’égard de l’État et dont les missions sont en rapport avec la qualité de l’air ou à des personnes privées à but non lucratif menant des actions d’intérêt général dans ce domaine.
Il précise enfin que ce montant, le plus élevé jamais retenu par une juridiction administrative française à l’encontre de l’Etat, pourra être révisé par la suite, y compris à la hausse, si la décision de 2017 n’a toujours pas été pleinement exécutée.
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