Réf. : Cass. soc., 26 février 2020, n° 18-22.556, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A39963G4)
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N2382BYU
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par Charlotte Moronval
le 06 Mars 2020
► Il résulte de l’article L. 4614-12 du Code du travail (N° Lexbase : L5577KGN), alors applicable, et de l’article L. 1251-21 du même code (N° Lexbase : L1561H9P), interprétés à la lumière de l’alinéa 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (N° Lexbase : L1356A94), de l’article 31, § 1, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et de l’article 6, § 4, de la Directive 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989 (N° Lexbase : L9900AU9), concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail, une obligation pour ceux qui emploient des travailleurs de veiller à ce que leur droit à la santé et à la sécurité soit assuré, sous la vigilance des institutions représentatives du personnel ayant pour mission la prévention et la protection de la santé physique ou mentale et de la sécurité des travailleurs ;
s’agissant des salariés des entreprises de travail temporaire, si la responsabilité de la protection de leur santé et de leur sécurité est commune à l’employeur et à l’entreprise utilisatrice, ainsi que cela découle de l’article 8 de la Directive 91/383/CEE du Conseil, du 25 juin 1991 (N° Lexbase : L7592AUQ), complétant les mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé au travail des travailleurs ayant une relation de travail à durée déterminée ou une relation de travail intérimaire, il incombe au premier chef à l’entreprise utilisatrice de prendre toutes les dispositions nécessaires pour assurer cette protection en application de l’article L. 1251-21, 4° du Code du travail ; par conséquent, c’est au CHSCT de l’entreprise utilisatrice, en application de l’article 6 de la Directive 91/383 précitée, qu’il appartient d’exercer une mission de vigilance à l’égard de l’ensemble des salariés de l’établissement placés sous l’autorité de l’employeur ;
cependant, lorsque le CHSCT de l’entreprise de travail temporaire constate que les salariés mis à disposition de l’entreprise utilisatrice sont soumis à un risque grave et actuel, au sens de l’article L. 4614-12 du Code du travail alors applicable, sans que l’entreprise utilisatrice ne prenne de mesures, et sans que le CHSCT de l’entreprise utilisatrice ne fasse usage des droits qu’il tient dudit article, il peut, au titre de l’exigence constitutionnelle du droit à la santé des travailleurs, faire appel à un expert agréé afin d’étudier la réalité du risque et les moyens éventuels d’y remédier.
Telles sont les précisions apportées par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 26 février 2020 (Cass. soc., 26 février 2020, n° 18-22.556, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A39963G4 ; lire la notice explicative).
Dans les faits. Le CHSCT d’une société de travail temporaire vote, par délibération, le recours à une expertise relative au risque grave encouru selon lui par les salariés intérimaires employés par une entreprise utilisatrice. La société de travail temporaire conteste cette délibération devant le président du TGI et pose, devant la Cour de cassation, une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’interprétation de l’article L. 4614-12 du Code du travail. Concernant cette QPC, la Cour de cassation (Cass. soc., 5 juin 2019, n° 18-22.556, FS-P+B N° Lexbase : A9262ZDE) dit n’y avoir lieu à renvoyer la question au Conseil constitutionnel, en l’absence d’interprétation jurisprudentielle constante portant sur cette disposition.
La position des juges du fond. L'ordonnance statuant en la forme des référés, rendue par le président du TGI, annule la délibération du CHSCT désignant un expert pour risque grave. Pour écarter la compétence du CHSCT de l’entreprise de travail temporaire pour désigner un expert au sein de l’entreprise utilisatrice, le président du TGI retient que les travailleurs temporaires ont vocation à être représentés par le CHSCT de la seule entreprise utilisatrice, et que dès lors le CHSCT de la société de travail temporaire n’est pas compétent pour décider d’une expertise. Le CHSCT forme un pourvoi en cassation.
La solution. Enonçant la solution susvisée, la Cour de cassation casse et annule l’ordonnance. En statuant comme il l’a fait, alors qu’il était invoqué l’existence d’un risque grave et actuel pour les travailleurs intérimaires ainsi que l’inaction de l’entreprise utilisatrice et de son CHSCT, ce qu’il lui appartenait de vérifier, l’entreprise utilisatrice devant être mise en cause, le tribunal de grande instance a violé les textes susvisés (sur La représentation du personnel dans l'entreprise utilisatrice, cf. l’Ouvrage « Droit du travail » N° Lexbase : E7938ESS).
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