Réf. : Trib. UE, 12 décembre 2019, aff. T-683/18 (N° Lexbase : A9948Z7L)
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par Vincent Téchené
le 18 Décembre 2019
► Un signe évoquant la marijuana ne peut pas, en l’état actuel du droit, être enregistré comme marque de l’Union européenne ; un tel signe est contraire à l’ordre public.
Tel est l’enseignement d’un arrêt rendu le 12 décembre 2019 par le Tribunal de l’Union européenne (Trib. UE, 12 décembre 2019, aff. T-683/18 N° Lexbase : A9948Z7L).
L’affaire. En 2016, un déposant a présenté à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) une demande d’enregistrement d’un signe figuratif en tant que marque de l’Union européenne pour des produits alimentaires, des boissons et des services de restauration. Ce signe comportait plusieurs feuilles de cannabis et l’inscription «CANNABIS STORE AMSTERDAM».
L’EUIPO a rejeté sa demande considérant que le signe était contraire à l’ordre public. La déposante a alors saisi le Tribunal de l’Union européenne d’un recours visant à l’annulation de la décision de l’EUIPO.
La décision. Le Tribunal rejette le recours, de telle sorte que la décision de l’EUIPO est confirmée. Le Tribunal constate que l’EUIPO a estimé, à bon droit, que la représentation stylisée de la feuille de cannabis était le symbole médiatique de la marijuana et que le mot «amsterdam» faisait référence au fait que la ville d’Amsterdam comprend des points de vente de ce stupéfiant issu du cannabis, en raison du caractère toléré, à certaines conditions, de sa commercialisation aux Pays-Bas. Par ailleurs, la mention du mot «store», signifiant usuellement «boutique» ou «magasin», a pour effet que le public pourrait s’attendre à ce que les produits et les services commercialisés sous ce signe correspondent à ceux que proposerait un magasin de produits stupéfiants. Ainsi, le Tribunal, tout en reconnaissant que le chanvre n’est pas considéré comme substance stupéfiante au-dessous d’un certain seuil de tétrahydrocannabinol (THC), conclut que, en l’espèce, c’est par la conjugaison de ces différents éléments que le signe en cause attire l’attention des consommateurs, ne disposant pas nécessairement de connaissances scientifiques ou techniques précises sur le cannabis en tant que substance stupéfiante, illicite dans de nombreux pays de l’Union.
En ce qui concerne la notion d’«ordre public», le Tribunal observe que, même si, à l’heure actuelle, la question de la légalisation du cannabis à des fins thérapeutiques et même récréatives fait l’objet de débats dans de nombreux Etats membres, en l’état actuel du droit, sa consommation et son utilisation restent illégales au-dessus du seuil mentionné dans la plupart des Etats membres. Ainsi, dans ces derniers, la lutte contre la propagation de la substance stupéfiante issue du cannabis répond à un objectif de santé publique visant à en combattre les effets nocifs. Le régime applicable à la consommation et à l’utilisation de ladite substance relève donc de la notion d’«ordre public». Par ailleurs, le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) dispose que l’Union complète l’action menée par les Etats membres pour réduire les effets nocifs de la drogue sur la santé, y compris par l’information et la prévention, et que le trafic illicite de drogues constitue l’un des domaines de criminalité particulièrement graves revêtant une dimension transfrontalière, dans lesquels l’intervention du législateur de l’Union est prévue. Compte tenu de cet intérêt fondamental, le Tribunal estime que le fait que le signe en cause sera perçu par le public pertinent comme une indication que les aliments et les boissons visés dans la demande de marque, ainsi que les services s’y rapportant, contiennent des substances stupéfiantes, illicites dans plusieurs Etats membres, suffit pour conclure à son caractère contraire à l’ordre public. Le Tribunal souligne que, dès lors que l’une des fonctions d’une marque consiste à identifier l’origine commerciale du produit ou du service afin de permettre ainsi au consommateur de faire ses choix, le signe en cause, en ce qu’il sera perçu de la manière décrite ci-dessus, incite, implicitement, mais nécessairement, à l’achat de tels produits et services ou, à tout le moins, banalise leur consommation.
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