Réf. : CEDH, 5 septembre 2019, Req. 57854/15, T. et T. c/ Grèce (N° Lexbase : A3870ZMB)
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par Anne-Lise Lonné-Clément
le 11 Septembre 2019
► La reconnaissance de la nullité du mariage des requérants, fondée sur la législation grecque empêchant le mariage entre «anciens» belles-sœurs et beaux-frères, a, d’une manière disproportionnée, restreint le droit des intéressés de se marier à un tel point que ce droit s’est trouvé atteint dans sa substance même.
C’est en ce sens que s’est prononcée la Cour européenne des droits de l’Homme, dans un arrêt de chambre rendu le 5 septembre 2019 (CEDH, 5 septembre 2019, Req. 57854/15, T. et T. c/ Grèce N° Lexbase : A3870ZMB).
Contexte. L’affaire concernait une décision judiciaire portant sur la nullité d’un mariage au motif que l’épouse était l’ancienne belle-sœur de l’époux (sœur de son ex-épouse). Se fondant sur l’article 1357 du Code civil grec -qui interdit, entre autres, le mariage entre alliés en ligne collatérale jusqu’au troisième degré-, les juridictions grecques prononcèrent la nullité du mariage des requérants, dix ans après la contraction de celui-ci, estimant que les intéressés étaient alliés en ligne collatérale au deuxième degré.
Décision CEDH. La Cour relève, premièrement, qu’un consensus est dessiné au sein des Etats contractants du Conseil de l’Europe en matière d’empêchement au mariage des «anciens» belles-sœurs et beaux-frères. En effet, uniquement deux Etats membres examinés introduisent un tel empêchement (Italie et Saint-Marin) mais cet empêchement n’est pas absolu. La Cour attache une importance particulière à ce consensus européen.
Deuxièmement, les requérants n’ont dû faire face à aucun obstacle avant la contraction de leur mariage et les autorités internes ne s’y sont pas opposées. Par ailleurs, le droit interne prévoit un faisceau d’exigences procédurales avant la contraction d’un mariage. Notamment, les futurs mariés sont tenus de notifier publiquement leur volonté de se marier. Or, des objections n’ont pas été présentées à la suite de la publication de l’annonce du mariage.
Troisièmement, les autorités compétentes procèdent à un examen des conditions légales pour la contraction du futur mariage et, si elles considèrent que les conditions se trouvent réunies, elles délivrent un permis de mariage. En l’espèce, les autorités compétentes n’ont pas exprimé de doutes quelconques avant de délivrer un tel permis. En effet, la question de la nullité du mariage ne s’est posée qu’a posteriori et les requérants ont joui pendant plus de dix ans tant de la reconnaissance juridique et sociale de leur relation résultant du mariage que de la protection accordée exclusivement aux couples mariés.
Quatrièmement, en ce qui concerne les arguments du Gouvernement concernant «des estimations de nature biologique» et le risque de pratique de confusion, la Cour note que ces problèmes ne se posent pas en l’espèce et qu’il est difficile d’envisager quels sont les estimations de nature biologique et le risque de confusion empêchant le mariage des requérants, à partir du moment où les intéressés ne sont pas parents de sang et n’ont pas d’enfant ensemble. Par ailleurs, concernant l’argument du Gouvernement selon lequel il existerait un besoin social de communication des membres d’une famille avec le monde extérieur, la Cour observe que le Gouvernement ne précise pas comment l’interdiction en cause aurait pu aider ou servir une telle communication.
Cinquièmement, les requérants sont actuellement dépourvus de tous les droits accordés aux couples mariés, dont ils ont pourtant joui pendant dix ans.
C’est alors que la Cour européenne a estimé qu’il y avait violation de l’article 12 (droit au mariage) de la CESDH (N° Lexbase : L4745AQS).
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