Réf. : Cass. civ. 2, 13 juin 2019, n° 18-14.954, F-P+B+I (N° Lexbase : A5718ZEI)
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N9498BX3
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par Anne-Lise Lonné-Clément
le 19 Juin 2019
► Il résulte de l’article L. 132-8 du Code des assurances (N° Lexbase : L6141H9C) dans sa rédaction applicable au litige, que l'assuré peut modifier jusqu'à son décès le nom du bénéficiaire du contrat d'assurance sur la vie, dès lors que sa volonté est exprimée d'une manière certaine et non équivoque et que l'assureur en a eu connaissance ; en l'absence de désignation d'un bénéficiaire dans la police ou à défaut d'acceptation par le bénéficiaire, le contractant a le droit de désigner un bénéficiaire ou de substituer un bénéficiaire à un autre ; cette désignation ou cette substitution ne peut être opérée, à peine de nullité, qu'avec l'accord de l'assuré, lorsque celui-ci n'est pas le contractant ; cette désignation ou cette substitution peut être réalisée soit par voie d'avenant au contrat, soit en remplissant les formalités édictées par l'article 1690 du Code civil, soit par voie testamentaire ;
► ne saurait, dès lors, produire effet, la substitution du bénéficiaire d’un contrat d’assurance vie, dans un document rédigé par le souscripteur, mais envoyé à l’assureur postérieurement au décès du souscripteur, ce dont il résulte que l'assureur n'en a pas eu connaissance du vivant de l'assuré, et alors qu’il n’est pas caractérisé que cet écrit constitue un testament olographe.
Telle est la solution d’un arrêt rendu le 13 juin 2019, par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation (Cass. civ. 2, 13 juin 2019, n° 18-14.954, F-P+B+I N° Lexbase : A5718ZEI).
En l’espèce, lors de son adhésion à la garantie décès d'un contrat d'assurance sur la vie, le souscripteur avait désigné son fils, ou, à défaut, son épouse, comme bénéficiaire des sommes garanties ; il avait fait part à l'assureur, dans une lettre du 20 juin 1982, de la modification de la clause bénéficiaire en faveur de son épouse ; à la suite du décès de son époux survenu le 1er septembre 1990, cette dernière avait obtenu de l'assureur le règlement du capital garanti, qui lui avait été versé le 17 octobre 1991 ; se prévalant de l'intention de son père de le désigner en définitive comme unique bénéficiaire du contrat d'assurance, le fils avait assigné l’épouse survivante en restitution de ce capital.
Pour condamner l’épouse survivante à payer au fils du défunt la somme de 132 379,41 euros, la cour d’appel avait retenu que, par testament olographe en date du 10 août 1987, ce dernier avait révoqué toute donation faite au profit de son épouse, la privant de tout usufruit sur les biens de sa succession, et avait institué son fils légataire universel ; le 7 août 1987, le défunt avait écrit à son notaire pour désigner son fils comme seul et unique héritier. La cour d’appel avait retenu encore que le défunt avait expressément indiqué, dans un écrit daté du 29 juillet 1987 et signé, que le capital-décès de son assurance-vie revenait à son fils ; que ce document, de façon autonome par rapport au testament olographe du 10 août 1987, comportait incontestablement une intention révocatoire de la clause bénéficiaire et avait pour effet de détruire valablement l'attribution primitive du capital-décès à l’épouse, en lui substituant son fils ; selon la cour, ce document était cohérent, dans un contexte de séparation des époux, avec les autres dispositions testamentaires du défunt qui visaient à instituer son fils légataire de tous ses biens. Aussi, selon les juges, en conservant les fonds malgré la connaissance qu'elle avait de la lettre du 29 juillet 1987, l’épouse survivante avait commis une faute en contrevenant aux dernières volontés du défunt ; il résulte de cette faute un préjudice pour l'appelant équivalent au montant du capital-décès.
Le raisonnement est censuré par la Cour suprême qui, après avoir rappelé les règles précitées prévues par l’article L. 132-8 du Code des assurances, reproche à la cour de ne pas avoir tiré les conséquences légales de ses constations, alors qu'elle constatait que l'écrit daté du 29 juillet 1987 avait été envoyé à l'assureur le 18 octobre 1991, soit postérieurement au décès de l’assuré, ce dont il résultait que l'assureur n'en avait pas eu connaissance du vivant de l'assuré, et alors qu'elle n'avait pas caractérisé que cet écrit constituait un testament olographe dont le fils aurait été fondé à se prévaloir.
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