Réf. : Cass. soc., 10 avril 2019, n° 17-20.822, F-D (N° Lexbase : A1625Y93)
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par Blanche Chaumet
le 17 Avril 2019
► L'obligation à laquelle est tenu le nouvel employeur, en cas de transfert d'une entité économique, de maintenir au bénéfice des salariés qui y sont rattachés les droits qui leur étaient reconnus chez leur ancien employeur au jour du transfert, justifie la différence de
traitement qui en résulte par rapport aux autres salariés ;
► La différence de traitement entre les salariés dont le contrat de travail a été transféré en application d'une garantie d'emploi instituée par voie conventionnelle par les organisations syndicales représentatives investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote et les salariés de l'employeur entrant, qui résulte de l'obligation à laquelle est tenu ce dernier de maintenir au bénéfice des salariés transférés les droits qui leur étaient reconnus chez leur ancien employeur au jour du transfert, n'est pas étrangère à toute considération de nature professionnelle et se trouve dès lors justifiée au regard du principe d'égalité de traitement ;
► Les différences de traitement entre des salariés appartenant à la même entreprise de nettoyage mais affectés à des sites ou des établissements distincts, opérées par voie d'accords collectifs ou d'un protocole de fin de conflit ayant valeur d'accord collectif, sont présumées justifiées, de sorte qu'il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle.
Telles sont les solutions dégagées par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 10 avril 2019 (voir également Cass. soc., 30 mai 2018, n° 17-12.782, FP-P+B N° Lexbase : A1644XQX ; sur les différences de traitement justifiées, cf. l’Ouvrage «Droit du travail» N° Lexbase : E2592ET8).
En l’espèce, plusieurs salariés d’une société A, aux droits de laquelle vient la société B, laquelle relève de la Convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés, ont saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes en application du principe d'égalité de traitement.
1/ Sur la demande en paiement d'un rappel de majoration de salaire des dimanches travaillés
La cour d’appel les ayant déboutés de leurs demandes en paiement d'un rappel de majoration de salaire des dimanches travaillés, ces derniers se sont pourvus en cassation.
En énonçant la première règle susvisée, la Haute juridiction rejette le pourvoi sur ce point. Elle précise qu'ayant relevé que la majoration de 80 % pour les dimanches travaillés résultait de l'obligation pour le nouvel employeur de maintenir une majoration salariale qui avait été consentie à certains salariés par leur ancien employeur, la cour d'appel, qui n'a pas modifié l'objet du litige, a légalement justifié sa décision.
2/ Sur la demande des salariés en paiement d'un rappel de complément d'indemnité de transport
Pour faire droit à la demande des salariés en paiement d'un rappel de complément d'indemnité de transport, la cour d’appel retient que l'employeur fait valoir qu'il a maintenu ce complément à certains salariés dans le cadre d'une reprise de chantier en application de l'article 7 de la Convention collective nationale et que cet avantage constitue un remboursement de frais et non un complément de salaire, que la société ne peut justifier une inégalité de traitement en se fondant sur une reprise de contrats de travail qui ne résulte pas de l'application de la loi mais d'une convention collective alors qu'elle ne justifie pas d'une mesure destinée à compenser un préjudice spécifique à cette catégorie de travailleurs, qu'elle ne justifie pas plus d'éléments objectifs et pertinents, tels la prise en charge de frais de transport résultant d'un éloignement ou d'une sujétion particulière, qui légitimeraient cette différence de traitement entre salariés de sites distincts.
A la suite de cette décision, l’employeur s’est pourvu en cassation sur ce point.
En énonçant la deuxième règle susvisée, la Haute juridiction casse l’arrêt au visa de du principe d'égalité de traitement, ensemble l'accord fixant les conditions d'une garantie d'emploi et la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire du 29 mars 1990 annexé à la Convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 1er juillet 1994 et l'article 7 de la Convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011 (N° Lexbase : X0704AES).
3/ Sur la demande en paiement d'un rappel de prime dite de «salissure» ou «d'insalubrité»
Pour faire droit à la demande des salariés en paiement d'un rappel de prime dite de «salissure» ou «d'insalubrité», la cour d’appel retient :
- d'une part, que selon un protocole de fin de conflit du 18 mai 2001, les salariés de la société A travaillant sur les sites des cliniques résidence du Parc, Saint Roch et Beauregard bénéficiaient d'une prime de salissure d'un franc par heure travaillée à compter du 1 er juin 2001 afin de tenir compte des contraintes rencontrées sur les sites en matière de nettoyage des vêtements de protection,
- d'autre part, que l'employeur ne peut invoquer les dispositions de l'article 7 de la Convention collective nationale des entreprises de propreté ou de l'article L. 1224-3-2 du Code du travail (N° Lexbase : L6777K9U) créé par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 (N° Lexbase : L8436K9C), ou l'existence d'un accord collectif spécifique à certains sites, chantiers ou établissements, et qu'il ne justifie nullement d'éléments objectifs et pertinents, telle la prise en charge par leurs soins de l'entretien de la tenue de travail, qui légitimeraient cette différence de traitement entre salariés de sites distincts.
A la suite de cette décision, l’employeur s’est pourvu en cassation sur ce point.
En énonçant la troisième règle susvisée, la Haute juridiction casse l’arrêt d’appel sur ce point au visa du huitième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 (N° Lexbase : L6815BHU) et du principe d'égalité de traitement, ensemble l'accord fixant les conditions d'une garantie d'emploi et la continuité du contrat de travail du personnel en cas de changement de prestataire du 29 mars 1990 annexé à la Convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 1er juillet 1994 et l'article 7 de la Convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011.
Elle précise qu’en statuant ainsi, alors, d'une part que ne constitue pas une atteinte prohibée au principe d'égalité de traitement le maintien, au seul bénéfice des salariés dont le contrat de travail a été transféré en application des dispositions de la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés, d'une prime qui correspondait à un avantage dont les intéressés bénéficiaient chez leur précédent employeur, d'autre part, qu'elle avait constaté une différence de traitement résultant d'un accord collectif ou d'un protocole de fin de conflit ayant valeur d'accord collectif, ce dont elle aurait dû déduire que cette différence était présumée justifiée et qu'il appartenait à celui qui la contestait de démontrer qu'elle était étrangère à toute considération de nature professionnelle, la cour d'appel a violé les textes et le principe susvisés.
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