Réf. : CEDH, 28 février 2019, Req. 12267/16 (N° Lexbase : A2088YZD)
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par Marie Le Guerroué
le 13 Mars 2019
► L’absence de prise en charge d’un mineur isolé étranger de 12 ans dans la "Lande" de Calais a violé la Convention européenne des droits de l’Homme (CESDH, art. 3 N° Lexbase : L4764AQI).
La Cour européenne des droits de l'Homme, dans un arrêt du 28 février 2019, condamne donc à l’unanimité la France en raison de ses carences dans la prise en charge de ce mineur vulnérable (CEDH, 28 février 2019, Req. 12267/16 N° Lexbase : A2088YZD).
L’affaire concernait le défaut de prise en charge par les autorités françaises d’un mineur non accompagné étranger avant et après le démantèlement des camps de fortune installés dans la zone sud de la «Lande» de Calais. Bien que le juge des enfants ait désigné un administrateur ad hoc et ordonné que le mineur soit confié provisoirement à la direction de l’enfance et de la famille de Calais, le requérant signale n’avoir été mis à l’abri ni par le département, ni par les services préfectoraux.
La Cour relève que le requérant avait onze ans à son arrivée en France, qu’il a vécu environ six mois dans la «Lande» de Calais sans prise en charge des autorités, et que l’environnement était manifestement inadapté à sa condition d’enfant en raison de son insalubrité, sa précarité et son insécurité. Elle estime que le fait qu’il ait fallu attendre que le juge des enfants ordonne le placement du requérant pour que son cas soit effectivement considéré par les autorités conduit en lui-même à s’interroger sur le respect de l’obligation de protection et de prise en charge des mineurs isolés étrangers. Pour la Cour, les moyens mis en œuvre pour identifier les mineurs isolés étrangers présents sur la "Lande" étaient insuffisants.
La Cour indique, néanmoins, être consciente de la complexité de la tâche des autorités internes eu égard à la difficulté d’identifier les mineurs parmi les personnes présentes sur le site et à leur proposer des prises en charge adaptées alors qu’ils n’étaient pas toujours demandeurs. La Cour relève aussi l’ambiguïté de l’attitude du requérant, qui, s’il a saisi le juge des enfants d’une demande de placement provisoire, n’avait pas pour objectif de rester en France mais projetait de se rendre au Royaume-Uni. La Cour relève aussi que les autorités internes ne sont pas totalement restées inactives puisqu’elles ont effectué des démarches afin d’exécuter l’ordonnance du juge des enfants.
Toutefois, la Cour n’est pas convaincue qu’elles aient fait tout ce que l’on pouvait raisonnablement attendre d’elles pour répondre à l’obligation de prise en charge et de protection qui pesait sur elles s’agissant d’un mineur isolé étranger en situation irrégulière, c’est-à-dire d’un individu relevant de la catégorie des personnes les plus vulnérables de la société.
La Cour estime que ces circonstances particulièrement graves et l’inexécution de l’ordonnance du juge des enfants destinée à protéger le requérant, considérées ensemble, constituent une violation des obligations pesant sur l’Etat défendeur. Par la carence des autorités françaises, le requérant s’est trouvé dans une situation constitutive d’un traitement dégradant.
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