Réf. : Cass. crim., 23 janvier 2019, n° 18-82.833, FS-P+B (N° Lexbase : A3070YUA)
Lecture: 2 min
N7458BXI
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par June Perot
le 30 Janvier 2019
► L’emploi d’un stratagème destiné à dissimuler l’identité et les caractéristiques physiques de son auteur pour surprendre le consentement d’une personne et obtenir d’elle un acte de pénétration sexuelle constitue la surprise au sens de l’article 222-23 du Code pénal (N° Lexbase : L6217LLT).
Telle est la solution de principe énoncée par la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 23 janvier 2019 (Cass. crim., 23 janvier 2019, n° 18-82.833, FS-P+B N° Lexbase : A3070YUA).
Au cas de l’espèce, un homme avait été interpellé et placé en garde à vue pour des faits allégués de viols commis sur plusieurs femmes rencontrées sur un site de rencontre. Il procédait ainsi : il prenait contact via le site, instaurait par téléphone une relation amoureuse incitant ses victimes à avoir confiance à lui et les poussant à se confier. Il les invitait ensuite à son domicile pour une première rencontre. Conformément à sa demande, les victimes devaient se bander les yeux en entrant dans l’appartement sans l’avoir vu au préalable. Puis elles devaient se mettre nues et le rejoindre dans la chambre, guidées par sa voix. Après leur avoir attaché les mains au montant du lit, il avait alors une relation sexuelle consentie avec elles, à l’issue de laquelle, seulement, elles étaient autorisées à enlever le bandeau. Elles découvraient alors qu’il ne correspondait absolument pas au profil internet du site mais était «un vieil homme à la peau fripée et au ventre bedonnant». L’intéressé était d’ailleurs connu des services de police pour des affaires similaires mais classées sans suites.
En garde à vue, il avait reconnu les faits puis avait été mis en examen des chefs de viols aggravés commis sur plusieurs personnes. Il n’avait pas contesté que, sans les fausses données transmises à ces femmes, il n’aurait pu parvenir à ses fins. Au terme de l’information, le juge d’instruction a ordonné sa mise en accusation du chef de viols commis par surprise sur des victimes mises en contact avec l’auteur des faits grâce à l’utilisation d’un réseau de communication électronique. L’intéressé a interjeté appel de cette décision.
Pour infirmer l’ordonnance du juge d’instruction, l’arrêt a retenu notamment que si le stratagème utilisé avait pu incontestablement constituer un moyen pour amener les plaignantes à se présenter au domicile de l’auteur, elles avaient accepté d’avoir une relation sexuelle au domicile d’un nommé "Anthony Laroche", suivant un scénario élaboré par celui-ci, qu’elles étaient capables d’analyser une situation pour le moins “originale” et le cas échéant, de s’y dérober, aucune contrainte ou menace sérieuse n’étant exercées contre elles. La cour ajoute qu’à l’issue, elles savaient que le bandeau leur serait enlevé. Ils retiennent donc que la surprise ne pouvait être assimilée au sentiment d’étonnement ou de stupéfaction des plaignantes lors de la découverte des caractéristiques physiques de leur partenaire. Un pourvoi est formé par les parties civiles.
La Haute juridiction, énonçant la solution susvisée, censure l’arrêt. Elle retient en effet qu’en infirmant l’ordonnance de mise en accusation pour les motifs précités, alors qu’elle avait caractérisé l’emploi d’un stratagème, la chambre de l’instruction a méconnu l'article 222-23 du Code pénal (cf. l’Ouvrage «Droit pénal spécial», Les éléments constitutifs du viol N° Lexbase : E5268EXE).
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:467458