Réf. : Cass. com., 10 octobre 2018, n° 17-18.547, F-P+B (N° Lexbase : A3267YG4)
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N6039BXX
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par Vincent Téchené
le 17 Octobre 2018
► L'ouverture d'une procédure collective à l’encontre du maître d’ouvrage ne peut avoir pour effet de contraindre un entrepreneur ayant, avant cette ouverture, régulièrement notifié le sursis à l'exécution de ses travaux, à les reprendre sans obtenir la garantie financière édictée par l'article 1799-1 du Code civil (N° Lexbase : L2667IX3). Tel est l’enseignement d’un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 10 octobre 2018 (Cass. com., 10 octobre 2018, n° 17-18.547, F-P+B N° Lexbase : A3267YG4).
En l’espèce, un maître d’ouvrage, assisté notamment d’un architecte, maître d'oeuvre, a confié des travaux à un groupement d'entreprises dont une société (l’entrepreneur) était la mandataire. Faisant valoir des situations de travaux impayées depuis mars 2011 et l'absence de garantie conforme aux dispositions de l'article 1799-1 du Code civil, l’entrepreneur a mis en demeure le maitre de l’ouvrage, le 19 août 2011, de fournir la garantie et de régler les situations, sous peine de suspension des travaux à compter du 9 septembre 2011 puis, constatant la défaillance du maître d’ouvrage, a suspendu les travaux à la date notifiée. Le 24 novembre 2011, l’entrepreneur a assigné le maître de l’ouvrage en paiement des travaux et a demandé la résolution du contrat. Ce dernier ayant été mis en redressement judiciaire le 22 décembre 2011, l’entrepreneur a déclaré une créance. Les organes de la procédure collective du maître de l’ouvrage sont intervenus volontairement à l'instance et y ont appelé en intervention forcée l'architecte. Un plan de redressement a été arrêté le 12 juillet 2013.
Le débiteur maître d’ouvrage et le commissaire à l'exécution du plan de ce dernier ont formé un pourvoi en cassation reprochant, d’abord, aux juges du fond (CA Amiens, 28 février 2017, n° 15/00950 N° Lexbase : A5803TPM) de résilier le contrat de louage d'ouvrage conclu aux torts exclusifs du débiteur.
Sur ce point, la Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel. Elle relève que devant la carence persistante du maître d’ouvrage, l’entrepreneur a régulièrement sursis à l'exécution de ses prestations avant l'ouverture du redressement judiciaire. En outre, l'ouverture de la procédure collective interdisait au débiteur de payer les créances antérieures de l’entrepreneur, aucune disposition propre aux procédures collectives n'empêchait l'administrateur et le débiteur, s'ils voulaient que les travaux reprennent, d'effectuer les diligences nécessaires à l'obtention de la garantie financière manquante qui demeurait, quant à elle, exigible. Ainsi, la suspension des travaux, régulièrement acquise avant l'ouverture du redressement judiciaire, demeurait licite et exempte de tout abus de la part de l'entreprise. La cour d'appel, qui a, en conséquence, exclu toute faute de l’entrepreneur pour avoir maintenu la suspension des travaux après le jugement d'ouverture, a fait l'exacte application des textes d'ordre public invoqués, dès lors que, comme précité, l'ouverture d'une procédure collective ne peut avoir pour effet de contraindre un entrepreneur ayant, avant cette ouverture, régulièrement notifié le sursis à l'exécution de ses travaux, à les reprendre sans obtenir la garantie financière édictée par l'article 1799-1 du Code civil.
Le débiteur et le commissaire à l’exécution du plan reprochait ensuite à l’arrêt d’appel d’avoir condamné le débiteur à verser à l’architecte, maître d’œuvre, une certaine somme au titre de ses honoraires.
Sur ce point, l’arrêt d’appel est logiquement censuré au visa des articles L. 622-7 (N° Lexbase : L7285IZT) et L. 622-22 (N° Lexbase : L7289IZY) du Code de commerce : la créance de l'architecte, née antérieurement au jugement d'ouverture, faisait l'objet d'une instance en cours au jour de l'ouverture du redressement judiciaire, de sorte que la cour d'appel devait, une fois cette créance déclarée au passif de la société débitrice et les formalités de reprise d'instance accomplies, en fixer le montant au passif du redressement judiciaire pour la somme qu'elle retenait, sans pouvoir prononcer une condamnation en paiement contre l'association débitrice (cf. l’Ouvrage «Entreprises en difficulté» N° Lexbase : E0006EUR et N° Lexbase : E5119EU7).
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