Le Quotidien du 3 octobre 2018 : Droit pénal du travail

[Brèves] Absence d’éléments de fraude au détachement révélés dans l’enquête préliminaire : les juges n'ont pas à opérer de vérification relative aux certificats E101

Réf. : Cass. crim., 18 septembre 2018, n° 15-81.316, FS-P+B (N° Lexbase : A6475X7X)

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par Blanche Chaumet

le 02 Octobre 2018

►Dès lors que l’enquête n’a pas permis de constater les éléments d’une fraude, conformément à la doctrine de la Cour de justice de l’Union européenne, telle qu’elle a été fixée depuis par les arrêts du 27 avril 2017, aff. C-620/15 (N° Lexbase : A8174WAY), et du 6 février 2018, aff. C-359/16 (N° Lexbase : A6101XCX), les juges n'ont pas à opérer de vérification relative aux certificats E 101 qui sont produits. Telle est la solution dégagée par la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 18 septembre 2018 (Cass. crim., 18 septembre 2018, n° 15-81.316, FS-P+B N° Lexbase : A6475X7X).

 

En l’espèce, une société A de droit anglais, dont le siège social se trouve à Londres, a pour activité économique de mettre à la disposition de ses clients des avions leur permettant de se déplacer dans toute l'Europe, selon leur demande, par le biais d'un programme de propriété partagée d'avions d'affaire. Elle dispose à cette fin, notamment, d'une filiale B de droit portugais, basée à Lisbonne, et d'une filiale C de droit français, dont le siège est à Paris.

 

La société A, qui n'est pas immatriculée au registre du commerce et des sociétés, emploie des personnels navigants de différentes nationalités, notamment française, avec lesquels elle a conclu au cours des années 2006 à 2008, période de la prévention, des contrats de travail de droit anglais, lesdits personnels étant affiliés au régime de Sécurité sociale britannique et attributaires de certificats E 101 en application de l'article 14, paragraphe 2, sous a), du Règlement n° 1408/71 du 14 juin 1971 (N° Lexbase : L4570DLT), alors en vigueur.

 

La société B, outre qu'elle gère, par délégation de la société A, les contrats de travail des personnels navigants, assure leur recrutement et leur licenciement, leur formation, leur encadrement et organise leurs missions, détient la propriété de la flotte des aéronefs, lesquels sont immatriculés au Portugal, et assure la totalité des opérations de vol en Europe, en ce compris la maintenance et l'approvisionnement des avions.

 

La société C assure une fonction commerciale en France, sans lien hiérarchique avec le personnel navigant, et est dépourvue de tout pouvoir de représentation de la société A.

 

Les contrats de travail précités des membres d'équipage prévoyaient le rattachement de chaque salarié à un aéroport dit de passage («gateway»), qu'il devait pouvoir rejoindre en moins d'une heure et à partir duquel il était pris en charge pour être acheminé, par une ligne commerciale régulière et aux frais de l'employeur, vers l'avion à bord duquel il devait travailler. Ledit aéroport de passage devait être choisi au sein d'une liste de quarante-quatre aéroports situés en Europe tandis qu'il était loisible au salarié de modifier son choix régulièrement. Une clause contractuelle stipulait que l'aéroport de passage n'était pas considéré comme un lieu d'exercice de l'activité professionnelle du personnel navigant.

 

Le Procureur de la République, à la suite d'une enquête préliminaire, a fait citer directement devant le tribunal correctionnel la société A des chefs de travail dissimulé, prêt illicite de main d'oeuvre, marchandage, entrave à la libre désignation des délégués du personnel, et la société B, des chefs de prêt illicite de main d'oeuvre et marchandage, faits commis au Bourget et à Cannes entre 2006 et 2008.

 

Les premiers juges ont renvoyé les prévenues des fins de la poursuite.

 

Les parties civiles et le Ministère public ont alors interjeté appel, soutenant que la répartition des compétences entre les sociétés A et B ressortait d'une fraude tendant à permettre au groupe d'éluder le paiement des charges sociales dues en France, et a sollicité la requalification des faits de travail dissimulé, prêt illicite de main d'oeuvre et marchandage sous le seul chef de travail dissimulé par dissimulation d'activité et d'emplois salariés.

 

La cour d’appel a relaxé les prévenues, énonçant, notamment, que la société A ne s'est prévalue ni du régime du détachement de ses salariés prévu par l'article 14, § 1, du règlement CEE n° 1408/71, ni même de leur affectation à des missions temporaires, qu'elle n'est titulaire d'aucune licence de transport et n'est propriétaire ou locataire d'aucun avion, ne dispose d'aucune véritable emprise sur un aéroport français, n'y emploie aucun personnel au sol et n'a pas eu recours à la sous-traitance. Elle ajoute que la société ne dispose, faute d'une direction et d'un équipement lui permettant de négocier des affaires avec des tiers sans s'adresser à la maison mère, ni de succursale, ni de représentation permanente en France, en sorte qu'aucun des pilotes qu'elle emploie ne pouvait y être "occupé", qu'elle n'exerce pas son activité de manière prépondérante sur le territoire national où il n'est pas démontré que les pilotes soient "résidents". Elle conclut qu'il y a lieu de retenir que cette prévenue ne disposait pas d'une présence stable, continue et habituelle en France et que le personnel navigant visé par la prévention relevait, conformément à l'article 14, paragraphe 2, sous a), du règlement CEE n° 1408/71 du régime d'affiliation du Royaume Uni, pays du siège social de la société A.

 

A la suite de cette décision, un pourvoi en cassation a été formé.

 

En énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction rejette le pourvoi (cf. l’Ouvrage «Droit du travail» N° Lexbase : E7311ESL).

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