La lettre juridique n°451 du 1 septembre 2011 : Droit pénal fiscal

[Chronique] Chronique de droit pénal fiscal - Août 2011

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N7360BSE

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par Christian Lopez, Maître de conférences à l'Université de Cergy-Pontoise, Avocat fiscaliste

le 18 Février 2012

Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose de retrouver la chronique d'actualités en droit pénal fiscal réalisée par Christian Lopez, Maître de conférences à l'Université de Cergy-Pontoise, Avocat fiscaliste. Dans le cadre de cette chronique, notre auteur reviendra sur trois décisions rendues par le Conseil d'Etat : tout d'abord, une décision concernant l'obligation pesant sur l'administration de communiquer les documents dont elle a eu connaissance et qui ont fondé un redressement au contribuable qui en fait la demande. La Haute assemblée limite cette obligation en retenant que l'administration qui vérifie un contribuable dont une partie de la comptabilité a été saisie par l'autorité judiciaire n'a pas à l'inviter à assister à la consultation des documents conservés par le juge judiciaire, dès lors qu'elle les lui communique par la suite (CE 8° s-s., 16 juin 2011, n° 325382, inédit au recueil Lebon). Ensuite, une décision relative au champ d'application de la pénalité pour mauvaise foi sera étudiée par notre auteur. En effet, le juge suprême affirme que cette pénalité n'est pas applicable au co-débiteur solidaire appelé en paiement de la dette fiscale du débiteur initial (CE 9° s-s., 28 juillet 2011, n° 313279, mentionné aux tables du recueil Lebon). Enfin, sera analysée la décision rendue par le Conseil d'Etat par laquelle est validée l'application de la pénalité pour non révélation de l'identité du bénéficiaire de sommes réputées distribuées, même en cas de prononcé de l'irrégularité de la procédure de redressement. En effet, la pénalité est distincte de l'impôt sur les sociétés, les deux procédures sont donc indépendantes et la censure de l'une ne peut invalider l'autre (CE 9° et 10° s-s-r., 28 juillet 2011, n° 312582, mentionné aux tables du recueil Lebon).
  • L'administration qui vérifie un contribuable dont une partie de la comptabilité a été saisie par l'autorité judiciaire n'a pas à l'inviter à assister à la consultation des documents conservés par le juge judiciaire, dès lors qu'elle les lui communique par la suite (CE 8° s-s., 16 juin 2011, n° 325382, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A6424HT4)

Cette décision soulève l'un des plus épineux problèmes que rencontrent les vérificateurs lors d'un contrôle sur place, à savoir le respect des droits essentiels du contribuable vérifié et notamment le débat oral et contradictoire, et la communication des informations au contribuable. Il s'agit là de deux droits distincts souvent confondus.

La loi ne subordonne la régularité de l'exercice du droit de communication au respect d'aucune garantie pour le contribuable. Toutefois, l'administration est tenue de respecter le principe général des droits de la défense pour utiliser les renseignements recueillis auprès de tiers. Elle doit donc informer suffisamment le contribuable vérifié de la nature des renseignements qu'elle a recueillis, et le mettre ainsi à même de contester la portée de ces informations (1). En effet, lorsque l'administration se fonde, pour établir les redressements, sur des renseignements dont elle a pris connaissance en usant de son droit de communication auprès d'un tiers, elle doit informer le contribuable de la nature et de la teneur des documents en cause de façon à mettre l'intéressé à même de demander, avant la mise en recouvrement des impositions, la communication des pièces (2). Toutefois, elle n'est pas tenue à cette obligation si les renseignements obtenus dans le cadre du droit de communication n'ont pas été utilisés pour motiver les redressements (3). L'article 27 de l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005, codifié à l'article L. 76 B du LPF, consacre la jurisprudence du 3 décembre 1990, en précisant que "l'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76", à savoir la procédure contradictoire ou d'office. L'administration doit communiquer, avant la mise en recouvrement des impositions supplémentaires, une copie des documents précités aux contribuables qui en feront la demande. L'administration a donc l'obligation d'envoyer au contribuable qui en fait la demande une copie des documents.

Le Conseil d'Etat a toutefois précisé que l'invitation à consulter les documents dans les locaux du service des impôts ne peut être imposée que si la nature ou la valeur des documents en cause l'exigent (4).

Il convient, par ailleurs, de ne pas confondre cette obligation de transmission d'information au contribuable sur sa demande explicite et le respect du débat oral et contradictoire. C'est ainsi qu'il a été jugé que le contribuable, qui a été informé de l'utilisation par l'administration de renseignements fournis par des tiers, ne peut soutenir qu'il a été privé d'un débat oral et contradictoire dès lors que, dans sa réponse à la notification de redressement et dans un courrier ultérieur, il s'est borné à déplorer l'absence de présentation de ces éléments, sans en demander explicitement la communication au vérificateur qui n'avait pas l'obligation de les lui produire spontanément (5). Précisons que l'omission de communiquer les documents ou copies demandés constitue un vice substantiel de la procédure d'imposition (6).

Dans un avis du 21 décembre 2006, le Conseil d'Etat a précisé que cette obligation d'information, à laquelle est astreinte l'administration, ne s'applique pas seulement dans le cas où l'administration exerce son droit de communication (7).

La jurisprudence relative au respect du débat oral et contradictoire sur des pièces obtenues dans le cadre du droit de communication et utilisées durant la vérification de comptabilité peut paraître contradictoire. Mais cette apparente contradiction s'explique par la qualification comptable ou non comptable des pièces concernées. En effet, si, au cours d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale met en oeuvre son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire pour consulter des pièces comptables saisies, celles-ci devront être soumises à un débat oral et contradictoire avant l'envoi de la notification de redressement (8).

Lors de la mise en oeuvre d'une vérification de comptabilité, l'administration peut consulter, dans le cadre de son droit de communication, des documents ou pièces comptables détenus par un tiers. La juridiction d'appel a précisé que l'administration était alors tenue de soumettre l'examen de ces pièces à un débat oral et contradictoire avec le contribuable. A défaut, les impositions découlant de l'examen de ces pièces étaient entachées d'irrégularité. Cette garantie s'applique, notamment, aux factures obtenues auprès des fournisseurs du contribuable vérifié, et utilisées par le vérificateur pour déterminer les achats réalisés par l'entreprise et reconstituer son chiffre d'affaires (9). Dans cette affaire, le commissaire du Gouvernement avait fait valoir que la jurisprudence du 2 octobre 2002, rendue à propos de documents comptables appartenant au contribuable et saisis par l'autorité judiciaire, devait être étendue à tous les documents de nature comptable, quelle que soit leur origine. En effet, dans la mesure où les documents comptables, saisis chez le contribuable, par l'autorité judiciaire, sont soumis à un débat oral et contradictoire, alors que ces documents sont connus du contribuable, ce débat est a fortiori nécessaire pour des documents étrangers à la comptabilité du contribuable, détenus par des tiers, dont il n'a, a priori, pas connaissance. En l'espèce, les factures appartenant à des fournisseurs concernent directement le contribuable vérifié.

Mais le Conseil d'Etat a infirmé un tel raisonnement, en limitant aux seules pièces comptables de l'entreprise vérifiée la jurisprudence qui oblige l'administration à soumettre au débat oral et contradictoire l'examen des pièces comptables détenues par un tiers et qu'elle consulte dans l'exercice de son droit de communication en cours de vérification. Ainsi, le fait, pour l'administration, de ne pas opposer à une entreprise vérifiée des pièces comptables appartenant à un tiers, et obtenues dans le cadre du droit de communication, n'est pas susceptible d'entacher d'irrégularité la procédure de vérification pour absence de débat oral et contradictoire (10).

Si l'administration procède à des rehaussements en reconstituant les achats à partir de l'analyse des factures émises par les fournisseurs, et concernant le contribuable vérifié, les documents ainsi consultés par l'administration fiscale s'inscrivent pleinement dans les obligations relatives au respect du débat oral et contradictoire. La garantie du débat oral et contradictoire est propre à la vérification de la comptabilité, et non au droit de communication (11).

Cette garantie ne peut donc porter que sur des pièces comptables susceptibles d'entraîner des conséquences sur la comptabilité du contribuable vérifié, ce qui semblerait exclure les écritures comptables proprement dites des tiers, comme celles des fournisseurs, dont l'administration fiscale aurait eu connaissance lors de l'exercice d'un droit de communication, indépendamment du moment auquel cette procédure est intervenue.

Ainsi, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, notamment, jugé que l'administration qui obtient, en cours de vérification de comptabilité, et dans l'exercice de son droit de communication auprès de tiers, des documents ou pièces comptables étrangers à la comptabilité du contribuable vérifié, tels des extraits du grand livre fournisseurs d'une autre société, n'était pas tenue de soumettre ces pièces à un débat oral et contradictoire avec le contribuable (12). Les documents ne présentant pas un caractère comptable sont exclus du débat oral et contradictoire. Ainsi, tous les documents étrangers à la comptabilité du contribuable vérifié, comme les pièces de la comptabilité d'une autre entreprise, sont en dehors de la garantie du débat oral et contradictoire, puisque l'exploitation de ces documents comptables ne peut pas constituer un élément de la vérification de comptabilité du contribuable en cause (13). Ce n'est que si l'administration procède à une reconstitution du chiffre d'affaires de l'entreprise vérifiée, en utilisant des pièces comptables qui auraient dû figurer dans la comptabilité, que l'opposabilité de ces documents devra intervenir. La cour considère donc que cette opposabilité ne peut jouer lorsque le service obtient des pièces comptables d'une autre entreprise, même si les écritures obtenues retracent des opérations effectuées avec le contribuable vérifié.

Dans l'affaire ayant donné lieu à la décision commentée, il apparaît que le vérificateur s'était rendu dans les locaux professionnels du contribuable, qui l'avait informé que sa comptabilité avait été saisie par l'autorité judiciaire, et que les documents qui restaient en sa possession avaient fait l'objet d'un examen en sa présence dans ses locaux professionnels. Le vérificateur avait ensuite averti le contribuable de son intention de se rendre au bureau du juge d'instruction pour consulter et prendre copie des pièces comptables. Avant la fin de la vérification de comptabilité, l'agent des impôts avait transmis une copie de ces documents au contribuable en lui proposant plusieurs rendez-vous dans son bureau afin d'examiner les pièces saisies. L'intéressé n'avait donné suite à aucune de ces propositions. Dans le respect des textes qui entourent la mise en oeuvre d'une vérification de comptabilité, et de sa jurisprudence, le Conseil d'Etat précise que l'administration est tenue de soumettre l'examen des pièces comptables obtenues à un débat oral et contradictoire avec le contribuable. Il en est ainsi des documents obtenus auprès de l'autorité judiciaire dans le cadre de l'exercice du droit de communication, par le service des impôts. Par ailleurs, l'administration n'est pas tenue, à peine d'irrégularité de la procédure, d'inviter le contribuable à assister à la consultation, par le vérificateur, des pièces chez le juge judiciaire.

Il ressort de ce qui précède deux points essentiels : d'une part, que l'administration n'était pas tenue d'inviter le contribuable à assister à la consultation des pièces dans le bureau du juge d'instruction, et, d'autre part, que le contribuable n'avait pas été privé d'un débat oral et contradictoire.

  • La pénalité pour mauvaise foi n'est pas applicable au co-débiteur solidaire appelé en paiement de la dette fiscale du débiteur initial (CE 9° s-s., 28 juillet 2011, n° 313279, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8260HWT)

Cette décision trouve son intérêt dans la distinction opérée entre la solidarité invoquée par les textes, en paiement de la dette fiscale du débiteur initial, et celle susceptible de s'appliquer dans le cadre de la pénalité pour mauvaise foi.

En vertu de l'article 1684, 3 du CGI (N° Lexbase : L3267HMX), le propriétaire d'un fonds de commerce est solidairement tenu au paiement des impôts dus par le locataire de ce fonds, à raison de l'exploitation de l'entreprise, sans d'ailleurs qu'il y ait lieu de faire la distinction suivant que ces impôts ont été établis avant ou après l'expiration du contrat de gérance. Le propriétaire peut être mis en cause pour les mêmes impôts, aussi bien lorsque le fonds est encore exploité par le contribuable que lorsque, le contrat de gérance ayant pris fin, le fonds de commerce a cessé d'être exploité ou est exploité par le propriétaire lui-même ou par le titulaire d'un nouveau bail. La solidarité légale ainsi instituée a un caractère absolu et, aucun texte ne prévoyant de dérogation aux dispositions de l'article 1684, 3 du CGI, le propriétaire du fonds ne peut pas se soustraire aux obligations qui lui sont imposées.

Si la solidarité entre le propriétaire d'un fonds de commerce et le locataire de ce fonds ne semble pas poser de difficulté pour le paiement des impôts liés à l'exploitation, celle invoquée dans le cadre des pénalités attachées à ces impôts a été discutée dans cette décision.

De plus, la jurisprudence et la doctrine administrative ont déjà précisé qu'en l'absence de toute disposition contraire, la solidarité du propriétaire du fonds de commerce s'étend à la majoration de 10 % pour paiement tardif, celle-ci devant être considérée comme un accessoire de l'impôt, même si cette majoration est causée par un retard imputable à l'exploitant (14). A ce stade, il convient de souligner que la majoration de 10 % sanctionne le retard de paiement des impôts recouvrés par les comptables du Trésor. L'instruction précise également que le propriétaire est responsable des majorations pour défaut ou insuffisance de déclaration, mais seulement en ce qui concerne les majorations appliquées aux cotisations d'impôt sur le revenu (15).

Dans la décision du 28 juillet 2011, la société requérante soutenait devant la cour qu'en vertu du 3 de l'article 1684 du CGI, la solidarité de paiement prévue par ces dispositions ne pouvait s'appliquer qu'aux impôts directs et non aux pénalités et amendes.

En l'occurrence, il s'agissait d'une pénalité pour mauvaise foi. Au moment des rehaussements l'article 1729 du CGI, en vigueur à la date de l'infraction (N° Lexbase : L4733ICB), précisait que "lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 (N° Lexbase : L1715HNT) font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 (N° Lexbase : L1536IPL) et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie". Le Conseil d'Etat décide que la solidarité de paiement prévue par les dispositions précitées du 3 de l'article 1684 du CGI ne s'étend pas à la majoration pour mauvaise foi dont les impôts directs peuvent être assortis.

Il s'agit là d'une remise en cause de la doctrine administrative, en ce sens que la solidarité relative à des pénalités appliquées au débiteur principal ne se présume pas et doit être prévue par un texte.

  • L'irrégularité de la procédure de redressement n'atteint pas la pénalité pour non révélation de l'identité du bénéficiaire de sommes réputées distribuées, qui est distincte de l'impôt sur les sociétés (CE 9° et 10° s-s-r., 28 juillet 2011, n° 312582, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8259HWS)

La décision du Conseil d'Etat du 28 juillet 2011 affirme que l'irrégularité de la procédure de redressement n'atteint pas la pénalité pour non révélation de l'identité du bénéficiaire de sommes réputées distribuées. En l'espèce, un gérant de société a été poursuivi en paiement solidaire des pénalités mises à la charge de cette société sur le fondement de l'article 1763 A du CGI (N° Lexbase : L4402HMY). Précisons que cette disposition a été transférée, par l'ordonnance 2005-1512 du 7 décembre 2005, relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l'harmonisation et l'aménagement du régime des pénalités (N° Lexbase : L4620HDH), aux articles 1754 (N° Lexbase : L9525IQT) et 1759 (N° Lexbase : L1751HN8) du même code. Par jugement du tribunal administratif de Paris, confirmé sur ce point en appel (CAA Paris, 2ème ch., 26 mai 2010, n° 09PA00794, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A2446E3Y), la demande de décharge de la pénalité due au titre d'un exercice par le gérant a été rejetée. Ce dernier se pourvoit en cassation en soulevant comme moyen que les irrégularités invoquées devant les juges du fond susceptibles de vicier la procédure de vérification de comptabilité dont la société avait fait l'objet, devaient atteindre la pénalité pour non révélation de l'identité du bénéficiaire de la distribution.

Il convient tout d'abord de rappeler que l'article 116 du CGI (N° Lexbase : L2096HL9) prévoit que, pour chaque période d'imposition à l'impôt sur les sociétés, la masse des revenus distribués est considérée comme répartie entre les bénéficiaires, pour l'évaluation du revenu de chacun d'eux, à concurrence des chiffres indiqués dans les déclarations fournies par les sociétés dans les conditions prévues à l'article 223, 2-2° du CGI (N° Lexbase : L4728IC4). En principe, il doit y avoir concordance absolue, pour une période d'imposition donnée, entre la masse des revenus distribués et le total des revenus individuels déclarés par la personne morale, et si cette concordance fait défaut, il est fait appel aux dispositions de l'article 117 du CGI (N° Lexbase : L1784HNE). Cet article prévoit que, lorsque la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116 du CGI, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. L'article 117 du CGI précise qu'en cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759 du CGI (ancien 1763 A du CGI).

Au terme de l'article 1759 du CGI, les sociétés passibles de l'impôt sur les sociétés, qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240 du CGI, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une pénalité égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. Le texte légal ajoute cependant que le taux de la pénalité est ramené à 75 % lorsque l'entreprise a spontanément fait figurer le montant des sommes en cause dans sa déclaration de résultat.

Aux termes du texte légal, la pénalité ainsi prévue est calculée sur le montant des sommes versées ou distribuées par la société à des personnes dont elle ne révèle pas l'identité "contrairement aux dispositions des articles 117 et 240". Cette formule couvre en fait l'ensemble des distributions occultes et des rémunérations occultes qui sont soumises au même régime fiscal.

Ce rappel étant fait, le Conseil d'Etat précise que les dispositions concernant les distributions qualifiées d'irrégulières ou d'occultes par la doctrine instaurent une pénalité fiscale qui sanctionne le refus, par une personne morale, de révéler l'identité des bénéficiaires de la distribution, que cette pénalité est distincte de l'impôt sur les sociétés et ne peut être regardée comme une pénalité afférente à cet impôt. Selon la Haute juridiction, la personne sanctionnée par cette pénalité ne peut contester que son principe, son montant et la procédure propre à la pénalité. Elle ne peut, en revanche, utilement se prévaloir de moyens relatifs à la procédure d'imposition ayant conduit à mettre à sa charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés. Ainsi, l'irrégularité de la procédure d'imposition au terme de laquelle l'administration fiscale a établi des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés est sans incidence sur la régularité et le bien-fondé de la pénalité prévue par l'article 1759 du CGI. Par conséquent, les moyens soulevés par le gérant devant les juges du fond, tirés des irrégularités qui auraient vicié la procédure de vérification de comptabilité dont la société avait fait l'objet, étaient inopérants.

Avec la procédure prévue à l'article 117 du CGI, nous avons constaté que la pénalité de l'article 1759 du CGI est encourue en cas de défaut de réponse de la société à la demande qui lui a été adressée sur le fondement de l'article 117 du CGI. Afin de renforcer les moyens dont dispose l'administration pour le recouvrement de la pénalité visée à l'article 1759 du CGI, l'article 1754, V-3 du CGI (N° Lexbase : L9525IQT) prévoit que les dirigeants sociaux mentionnés à l'article 62 du CGI (N° Lexbase : L2354IBS) et aux 1°, 2° et 3° du b de l'article 80 ter du CGI (N° Lexbase : L1776HLD), ainsi que les dirigeants de fait, sont solidairement responsables du paiement de cette pénalité. L'article 1754, V-3 du CGI a donc pour objet de déclarer les dirigeants solidairement tenus au paiement de la pénalité instituée par l'article 1759 de ce même code. Il est vrai que la solidarité est fondée sur les fonctions exercées par les dirigeants au moment du fait générateur de la sanction. Elle n'est donc pas subordonnée à la preuve d'une faute des dirigeants. Elle constitue une garantie pour le recouvrement de la créance du Trésor public. Conformément aux règles de droit commun en matière de solidarité, le dirigeant qui s'est acquitté du paiement de la pénalité dispose d'une action récursoire contre le débiteur principal et, le cas échéant, contre les codébiteurs solidaires. Ainsi, cette solidarité ne revêt pas le caractère d'une punition au sens des articles 8 et 9 de la Déclaration de 1789 (N° Lexbase : L6813BHS) (16).

Par ailleurs, la cour administrative d'appel de Paris retient que la circonstance qu'une créance du Trésor à l'égard de la société redevable de pénalités pour distributions occultes soit éteinte du fait de sa production tardive au passif de la procédure collective n'a pas d'incidence sur l'obligation du dirigeant, débiteur solidaire, qui reste tenu au paiement de ces pénalités (17). Mais, à la différence d'un vice de procédure, susceptible d'entacher la régularité des impositions elle-même, la clôture pour insuffisance d'actif de la procédure collective, dont faisait l'objet la société, laisse subsister l'obligation distincte pesant sur le dirigeant, qui reste solidairement responsable du paiement des pénalités fiscales pour distributions occultes (18).

La pénalité instituée par l'article 1759 (ancien article 1763 A) du CGI a pour objet, d'une part, de réparer le préjudice pécuniaire subi par le Trésor du fait du refus de désigner les personnes bénéficiaires des distributions occultes et, d'autre part, d'instituer une sanction destinée à lutter contre la fraude fiscale, en incitant les personnes morales qu'elle vise à respecter leurs obligations déclaratives. La pénalité encourue par une société qui, bien que dûment informée de la sanction encourue, oppose un refus à la demande de l'administration fiscale est, dans son principe, en rapport direct avec l'objectif poursuivi. Toutefois, le rappel de ces principes fondamentaux ne saurait occulter l'importance des conséquences relatives aux nullités procédurales.


(1) CE 7° et 9° s-s-r., 31 octobre 1990, n° 51223, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A5318AQZ), RJF, 12/90, n° 1513 ; CE 8° et 3° s-s-r., 27 janvier 2010, n° 294784, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7546EQK), RJF, 4/10 n° 311.
(2) CE 8° et 7° s-s-r., 9 novembre 1990, n° 78795, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4827AQT), Rec. CE, 1990, tables, p. 731, RJF, 1/91, n° 56 ; règle jurisprudentielle, constamment réaffirmée et désormais codifiée au LPF, art. L. 76 B (N° Lexbase : L7606HEG), cf. CE 8° et 9° s-s-r., 3 décembre 1990, n° 103101, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A4680AQE), RJF, 2/91, n° 200, concl. Jean Arrighi de Casanova, Dr. fisc. 1991, n° 259 ; CE Section, 6 décembre 1995, n° 126826, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A6988AN7), RJF, 1/96, n° 61, chr. Goulard G., concl. Gilles Bachelier, BDCF 01/96 ; CE 8° et 9° s-s-r., 13 octobre 1999, n° 181010 et n° 181209, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5023AXC), RJF, 12/99, n° 1582.
(3) CE 8° et 9° s-s-r., 30 septembre 1996, n° 139846, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0756APP), concl. Gilles Bachelier, BDCF 6/96, p. 38 ; CE 10° et 9° s-s-r., 3 mai 2004, n° 236669, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0629DCB), RJF, 07/04, n° 773 ; CE 9° et 10° s-s-r., 23 avril 2008, n° 290466, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1718D87), RJF, 7/08, n° 865 ; CE 10° et 9° s-s-r., 5 mai 2008, n° 291229, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4279D8Y), RJF, 8-9/08, n° 988 ; CE 9° et 10° s-s-r., 6 août 2008, n° 293106, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A0715EAQ), RJF, 11/08, n° 1224; CE 8° et 3° s-s-r., 27 avril 2009 n° 295346, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6397EGZ), RJF, 07/09 n° 667.
(4) CE 9° et 10° s-s-r., 27 avril 2011 n° 320551, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A4322HPR), RJF, 07/11 n° 852.
(5) CE, 4 août 2006, n° 284026, RJF, 5/07, n° 593.
(6) CE 3° et 8° s-s-r., 31 juillet 2009, n° 297308, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1251EKK), RJF, 12/10, n° 1131.
(7) CE 8° et 3° s-s-r., avis, 21 décembre 2006, n° 293749, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1476DTT), RJF, 3/07, n° 314, conclusions du commissaire du Gouvernement Pierre Collin, BDCF 3/07 n° 32.
(8) CE 10° et 9° s-s-r., 2 octobre 2002, n° 224786, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9503AZY), Rec. CE, 2002, p. 324, RJF, 10/02, n° 1399, RJF, 1/03, p. 3, chr. Laurent Olléon ; cf. également, CE 8° et 9° s-s-r., 23 mars 1992, n° 99425 et n° 99426, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1040AID), Rec. CE, tables 1992, p. 870, RJF, 5/02, n° 704 ; CE 8° et 9° s-s-r., 13 novembre 1996, n° 148578, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1604AP4), Rec. CE tables 1996, p. 815, RJF, 1/97, n° 54 ; CE 8° et 3° s-s-r., avis, 25 avril 2003, n° 234812, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7683BSD), RJF, 7/03, n° 877.
(9) CAA Marseille, 4ème ch., 15 mars 2005, n° 99MA01835, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7143DHZ).
(10) CE 3° et 8° s-s-r., 22 novembre 2006, n° 280252, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5471DSG), RJF, 2/07, n° 180.
(11) CE 9° et 8° s-s-r., 6 juillet 1994, n° 120120, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0054AIT) ; CE 9° et 8° s-s-r., 6 juillet 1994, n° 120118, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A2021ASN), RJF, 10/94, n° 1113 ; CE Section, 6 décembre 1995, n° 126826, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A6988AN7), RJF, 1/96, n° 61, chron. Goulard G., BDCF 1/96, concl. Gilles Bachelier.
(12) CAA Bordeaux, 4ème ch., 12 mai 2005, n° 01BX01485, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A6936DIQ), RJF, 12/05, n° 1428 ; CE, 7 mars 2007 n° 282551, refus d'admission de pourvoi, RJF, 7/08, n° 815.
(13) Cass. crim., 22 février 2006, n° 05-85.092, F-P+F (N° Lexbase : A5137DNL), Bull. crim., n° 54.
(14) CE 7° s-s., 10 mai 1952 n° 13640 ; Inst. codificatrice CP 14 mars 1994, 94-030-A titre 2 chap. 3.
(15) Inst. codificatrice CP 14 mars 1994, 94-030-A titre 2 chap. 3 ; en ce sens : QE n° 2007 de M. Tailhade, JO Sénat 18 octobre 1950, p. 1700.
(16) Cons. const., 21 janvier 2011, n° 2010-90 QPC (N° Lexbase : A1523GQH).
(17) CAA Paris, 5ème ch., 4 novembre 1999 n° 97PA00767, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6469BMK).
(18) CAA Paris, 1ère ch., 16 novembre 2007 n° 06PA06277, inédit au recueil Lebon.

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