L'application rétroactive d'un revirement de jurisprudence à une procédure en cours ne porte pas en soi atteinte au droit à un procès équitable. Tel est le sens de la décision rendue par la Cour européenne des droits de l'homme dans un arrêt en date du 26 mai 2011 (CEDH, 26 mai 2011, Req. 23228/08
N° Lexbase : A4634HSG). Dans cette affaire, invoquant l'article 6 § 1 (droit à un procès équitable) de la Convention et l'article 1 du Protocole no 1 (protection de la propriété), les requérants, un couple de ressortissants français, se plaignaient de l'application rétroactive, en leur défaveur, d'un revirement de jurisprudence par la Cour de cassation, dans une procédure concernant la mise en jeu de la responsabilité professionnelle d'un médecin qu'ils estimaient responsable d'une infection nosocomiale contractée par la requérante en 1989. La CEDH réaffirme, d'abord, que le principe de sécurité des rapports juridiques constitue l'un des éléments fondamentaux de la prééminence du droit, et corrélativement du droit à un procès équitable. Toutefois, ce principe et l'exigence de protection de la confiance légitime n'impliquent aucun droit à une jurisprudence constante. S'agissant du cas de M. et Mme L., la Cour note qu'ils ne pouvaient pas se prévaloir d'un droit à réparation définitivement acquis après l'arrêt de la cour d'appel en leur faveur (CA Rouen, 28 juin 2006). Celui-ci était en effet susceptible de recours par le médecin, qui s'est au demeurant pourvu en cassation (Cass. civ. 2, 25 octobre 2007, n° 06-19.524, FS-P+B
N° Lexbase : A2533DZT). La Cour souligne également qu'il ne lui appartient pas de se prononcer sur l'opportunité du choix de la Cour de cassation d'appliquer un revirement de jurisprudence, ce choix relevant du droit interne. En tout état de cause, ce revirement (qui émanait de la formation la plus solennelle de cette juridiction) était connu de toutes les parties lorsque le médecin s'est pourvu en cassation, de sorte qu'il n'y avait pas d'incertitude sur l'état du droit lorsque la Cour de cassation a statué. Par ailleurs, l'arrêt de la Cour de cassation n'a pas eu pour effet de priver M. et Mme L. de leur droit d'accès à un tribunal, même rétroactivement. Il n'a pas remis en cause la saisine initiale du juge pénal, retenant uniquement qu'ils auraient dû soumettre à celui-ci l'ensemble des moyens tendant visant l'indemnisation de leur préjudice. Le désistement des époux L. de leur appel au pénal pour poursuivre le médecin au civil relève d'un choix procédural personnel, et il appartient avant tout aux juges internes d'en apprécier la portée. Dans ces conditions, M. et Mme L. n'ont subi aucune atteinte à leur droit à un procès équitable, en particulier dans leur droit d'accès à un tribunal.
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