Le Quotidien du 29 mai 2018 : État civil

[Brèves] Changement de nom : motifs d’ordre affectif caractérisant un intérêt légitime

Réf. : CE 2° et 7° ch.-r., 16 mai 2018, deux arrêts, n° 409656 (N° Lexbase : A4687XNW) et n° 408064 (N° Lexbase : A4677XNK), mentionnés dans les tables du recueil Lebon

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par Anne-Lise Lonné-Clément

le 23 Mai 2018

Aux termes de l'article 61 du Code civil (N° Lexbase : L3182ABH) : "Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom. / Le changement de nom peut avoir pour objet d'éviter l'extinction du nom porté par un ascendant ou un collatéral du demandeur jusqu'au quatrième degré. / Le changement de nom est autorisé par décret".

 

Des motifs d'ordre affectif peuvent, dans des circonstances exceptionnelles caractériser l'intérêt légitime requis par l'article 61 du Code civil pour déroger aux principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi. Tel est le rappel opéré par le Conseil d’Etat dans deux arrêts rendus le 16 mai 2018, dont il ressort, d’une part dans la première affaire, que l’abandon du père peut constituer des circonstances exceptionnelles de nature à caractériser l’intérêt légitime requis pour faire droit à la demande de l’intéressé qui ne souhaite plus porter le nom de son père et se voit attribuer celui de sa mère ; d’autre part dans la seconde affaire, et en revanche, que le seul souhait du demandeur (qui porte le nom de sa mère) de prendre le nom de son père ne peut suffire à caractériser un tel intérêt (première affaire : CE 2° et 7° ch.-r., 16 mai 2018, n° 409656 N° Lexbase : A4687XNW, déjà en ce sens, CE 2° et 7° ch.-r., 31 janvier 2014, n° 362444 N° Lexbase : A9264MDH ; seconde affaire : CE 2° et 7° ch.-r., 16-05-2018, n° 408064 N° Lexbase : A4677XNK).

 

Dans la première affaire, iI ressortait des pièces du dossier que Mme A, dont les parents s’étaient séparés peu après sa naissance, avait été abandonnée par son père à l'âge de quatre ans et n'avait plus eu aucun contact avec lui depuis lors ; en dépit des prescriptions de l'ordonnance du 20 janvier 1994 du juge aux affaires matrimoniales, celui-ci n'avait plus participé à son éducation, subvenu à son entretien et exercé le droit de visite et d'hébergement qui lui avait été reconnu ; Mme A souhaitait ne plus porter le nom de son père et se voir attribuer celui de sa mère, qui l'avait élevée. Selon le Conseil d’Etat, ces circonstances exceptionnelles sont de nature à caractériser l'intérêt légitime requis pour changer de nom ; par suite, en lui déniant un tel intérêt, le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, a fait une inexacte application des dispositions de l'article 61 du Code civil.

 

En revanche, dans la seconde affaire, il ressortait des énonciations de l'arrêt attaqué que M. B A, né le 13 mai 1988, avait saisi le ministre de la justice, en juin 2011, sur le fondement de l'article 61 du Code civil, d'une demande tendant à adjoindre à son nom celui de son père.

La cour administrative d'appel de Paris, pour rejeter l'appel formé par le garde des sceaux, ministre de la justice contre le jugement par lequel le tribunal administratif de Paris avait annulé le refus opposé à la demande de M. A, avait relevé que M. C, père de M. A, vivait maritalement avec la mère de ce dernier avant sa naissance le 13 mai 1988 mais, étant marié par ailleurs, n'avait reconnu son enfant qu'en mai 1990, de sorte que le jeune B avait reçu le nom de sa mère, première à l'avoir reconnu ; la cour avait aussi retenu que M. C et Mme A s'étaient mariés le 21 mai 2011, sans que ce mariage n'ait d'incidence sur le nom de M. A qui était alors âgé de 21 ans, et que M. C et Mme A avaient vécu et élevé ensemble leur enfant. Pour juger que, contrairement à ce qu'avait retenu le Garde des Sceaux, M. A justifiait d'un intérêt légitime pour changer de nom, la cour administrative d'appel s’était fondée sur la double circonstance que des témoignages produits devant les premiers juges établissaient que M. A et son père souhaitaient porter le même nom et que M. A, affecté par le décès de son père le 18 décembre 2012, faisait état de troubles psychologiques liés au refus du garde des sceaux de l'autoriser à adjoindre le nom de son père au nom de sa mère. A tort, selon le Conseil d’Etat qui retient que, en reconnaissant ainsi l'existence d'un intérêt légitime au sens de l'article 61 du Code civil, alors que le seul souhait de prendre le nom de son père ne peut suffire à caractériser un tel intérêt et que les troubles psychologiques relevés étaient postérieurs à la demande de changement de nom, la cour administrative d'appel a inexactement qualifié les faits de l'espèce. Réglant l’affaire au fond, la Haute juridiction administrative relève que, si M. A manifestait son souhait de changer de nom et faisait valoir que son père souhaitait qu'ils puissent porter le même nom, alors même qu'aucune démarche n'avait été engagée à cette fin tant qu'il était mineur et qu'il n'avait pas fait usage du nom de son père, et s'il alléguait de troubles que lui causait le refus opposé par le Garde des Sceaux, il ne faisait état d'aucune circonstance exceptionnelle qui serait susceptible de faire regarder le motif affectif qui soutient sa demande comme caractérisant l'intérêt légitime requis par l'article 61 du Code civil pour déroger aux principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi.

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