Réf. : Cass. soc., 3 mai 2018, n° 16-25.067, FS-P+B (N° Lexbase : A4426XMU)
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par Blanche Chaumet
le 16 Mai 2018
Ressortit à la compétence de la juridiction prud’homale la demande présentée par le salarié qui sollicite le bénéfice de la rémunération supplémentaire pour invention en revendiquant l’application de l’article 75 de la Convention collective nationale du personnel des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987 (Syntec) (N° Lexbase : X0585AEE), ce qui n'impliquait l’examen, ni de l'existence ou de la méconnaissance d'un droit attaché à un brevet, non plus que d’un droit patrimonial sur un logiciel ou sa documentation. En application de ce même texte, lorsque l’invention du salarié n’est pas brevetable ou constitue une innovation utilisée par l’entreprise, le versement d’une prime est laissé à la libre appréciation de l’employeur. N’est pas assimilable à une clause de non-concurrence et n’ouvre pas droit au paiement d’une contrepartie financière l’engagement du salarié, après la rupture du contrat de travail, à ne déposer aucun brevet pour des créations inventées pendant l’exécution de son contrat ainsi que son engagement à ne publier aucun article scientifique et à ne diffuser aucune information commerciale ni aucun renseignement technique, relatifs à la société qui l’employait. Telles sont les solutions dégagées dans un arrêt rendu le 3 mai 2018 par la Chambre sociale de la Cour de cassation (Cass. soc., 3 mai 2018, n° 16-25.067, FS-P+B N° Lexbase : A4426XMU).
En l’espèce, engagé à compter du 1 mai 1999 par la société Ilog, aux droits de laquelle se trouve la société Compagnie IBM France, en qualité d'ingénieur "recherche et développement télécom", un salarié a été licencié pour faute grave par une lettre du 17 avril 2000. Contestant le bien-fondé de ce licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir le paiement de diverses sommes.
Sur le premier moyen, l'employeur fait grief à la cour d’appel (CA Paris, Pôle 6, 10ème ch., 14 septembre 2016, n° 15/11267 N° Lexbase : A5743R34) de dire le pôle social de la cour d'appel compétent pour connaître de la demande de rémunération supplémentaire pour invention présentée par le salarié.
Sur le deuxième moyen, pour condamner l'employeur à payer une somme au salarié à titre de rémunération pour invention, la cour d’appel énonce que même si cette invention n'était pas forcément brevetable, l'article 75 de la Convention collective Syntec prévoit qu'une invention ou une innovation émanant d'un salarié et utilisée par l'entreprise peut donner lieu à l'attribution de primes, et que compte tenu de la rémunération habituelle du salarié, du contexte dans lequel cette invention a vu le jour, des difficultés de communication avec les partenaires, du fait que le développement a été assuré pour l'essentiel par le successeur du salarié, la rémunération de ce dernier pour l'invention en cause sera fixée à la somme de 100 000 euros.
Sur le troisième moyen, pour condamner l'employeur au paiement d'une somme au titre de la clause de non-concurrence outre une somme «en lien avec le préjudice résultant de l'interdiction contractuelle de déposer des brevets pendant cinq ans, d'utiliser les connaissances acquises pour écrire et publier des articles», la cour d’appel énonce que l'article 6.3 du contrat de travail interdit au salarié pendant la durée du contrat et pendant les cinq ans qui suivent la rupture de celui-ci de procéder en son nom ou au nom d'un tiers, sauf accord d'Ilog, à tout dépôt ou formalités auprès des registres de marques, dessins et modèles, brevets pour des créations inventées pendant l'exécution de son contrat, qu'interdiction lui était également faite pendant un délai de trois ans à compter de la résiliation du contrat de publier des articles scientifiques, de diffuser des informations commerciales, des renseignements techniques relatifs à Ilog, qu'il est avéré que ces clauses ont pour objet et pour conséquence de limiter la liberté d'utilisation du savoir acquis par le salarié auprès de la société Ilog, qu'elles sont en conséquence assimilables à une clause de non-concurrence et supposaient une contrepartie financière particulière, qu'à défaut d'une telle contrepartie financière, ces clauses contractuelles sont, au moins, abusives, et que le salarié est fondé à obtenir une indemnisation pour une perte de chance d'obtention d'une contrepartie financière.
A la suite de ces décisions, la société Compagnie IBM France s’est pourvue en cassation.
En énonçant les règles susvisées, la Haute juridiction rejette le premier moyen du pourvoi mais casse l’arrêt de la cour d’appel sur les deuxièmes et troisièmes moyens (cf. l’Ouvrage «Droit du travail N° Lexbase : E0777ETX).
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