"L'immunité du prétoire" (loi du 29 juillet 1881, art. 41
N° Lexbase : L7589AIW) n'est pas applicable dans le cadre d'une instance disciplinaire et les écrits contenus dans une requête en récusation sont étrangers à une procédure pénale et ne relèvent pas de la protection du droit à la liberté d'expression. Tel est l'un des apports d'un arrêt de la cour d'appel de Paris, rendu le 8 septembre 2016 (CA Paris, Pôle 2, 1ère ch., 8 septembre 2016, n° 15/15222
N° Lexbase : A7707RZH). En l'espèce, il était reproché à un avocat d'avoir manqué aux obligations de délicatesse, de modération, de courtoisie et de dignité qui régissent la profession d'avocat tels que rappelés à l'article 1.3 du RIN (
N° Lexbase : L4063IP8) ainsi qu'à l'honneur de sa profession en portant par les écrits contenus dans sa requête en récusation d'un magistrat une atteinte inacceptable à la dignité et à l'intégralité morale de ce dernier et d'avoir contrevenu aux dispositions de l'article 3.1.5 du règlement intérieur du barreau de Lyon selon lesquelles l'avocat doit également s'abstenir : "
de toute attaque personnelle superflue ou termes inutilement blessants" dans ses écritures et à l'article 3.1.3 du même règlement qui rappelle que l'avocat "
réserve aux juges, dans l'indépendance et la dignité, le respect dû à leur fonction". En effet, la requête en récusation présentée par l'avocat expliquait le ressenti de sa cliente, partie civile, notamment lié à des constatations d'ordre patronymique et prénonymique, sur la base d'un rapprochement entre le nom de famille du juge et le prénom du père de la prévenue de nature à mettre en cause l'impartialité du juge en raison de son appartenance supposée au "peuple juif" tout comme le père de la prévenue. Pour la cour, un tel raisonnement à l'appui d'une requête en récusation d'un magistrat constitue de la part d'un avocat un manquement grave aux principes essentiels de délicatesse, courtoisie et dignité qui régissent la profession d'avocat à l'honneur de laquelle il porte atteinte puisqu'il laisse entendre que l'appartenance supposée d'un magistrat à la même confession juive que le père d'un prévenu est de nature à mettre en doute son impartialité en raison de la dite appartenance. Il porte ainsi atteinte à la dignité et à l'intégrité morale du magistrat concerné dont la judaïcité supposée est considérée comme ayant des conséquences néfastes sur l'exercice de ses fonctions. La cour conclut à la radiation de l'avocat (cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E9173ETW et N° Lexbase : E1684EUW).
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