La charge de la preuve des griefs invoqués à l'appui d'un licenciement pour faute grave incombe à l'employeur. Ainsi, celui-ci ne peut l'inverser au motif qu'il ne peut démontrer un fait négatif. Tel est le sens d'un arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 9 juin 2010 (CA Paris, 9 juin 2010, Pôle 6, 9ème ch., n° 07/08707, SAS Félix
N° Lexbase : A5686E3Y).
Dans cette affaire, M. X, engagé par la société Y à compter du 1er décembre 1998 en tant que représentant statutaire, avait vu son contrat de travail transféré à la société Z, à la suite de la cession de la société Y dans le cadre d'une procédure de liquidation judiciaire. Alors qu'il venait de saisir la formation de référé du conseil de prud'hommes de Paris, M. X avait été convoqué à un entretien préalable, puis licencié pour faute grave le 30 août 2005. L'employeur lui reprochait, ainsi, son refus de se présenter à la nouvelle direction à la suite de la reprise du fonds de commerce, une absence totale d'activité et un refus de prospection, ainsi que sa volonté systématique de créer des incidents, afin de masquer ses manquements contractuels, par l'envoi de courriers fantaisistes et provocateurs. La juridiction prud'homale ayant dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse, la société Z avait interjeté appel du jugement du 31 mai 2007. La cour retient, dans un premier temps, que l'employeur, à qui incombe la charge de la preuve, n'apporte aucun élément démontrant le fait que le salarié ne s'est pas présenté à la direction. Ainsi, elle considère que l'employeur ne peut inverser la charge de la preuve motif pris de ce qu'il ne peut démontrer un fait négatif. La cour considère, ensuite, que l'employeur, qui ne reproche pas au salarié le non-respect de son obligation d'adresser des rapports écrits d'activités et de communiquer ses itinéraires de tournées, mais une absence totale d'activité et un refus de prospection, n'apporte là encore pas la preuve de tels manquements. Elle relève, au contraire, que le salarié produit ses relevés de chiffre d'affaires et de commissions et établit que l'employeur a modifié immédiatement et unilatéralement son contrat de travail en le privant de son véhicule de fonctions, ce qui l'a empêché de prospecter. Enfin, la cour considère que les courriers du salarié, qui font état du retrait injustifié de son statut de cadre, de sa prévoyance et de sa mutuelle, du non remboursement de ses frais professionnels, du fait que le salarié quittait le bureau à la demande de la direction commerciale tout en demeurant à sa disposition pour reprendre ses fonctions dans la limite des moyens qui lui sont accordés, ou encore du non paiement de ses salaires de juin et juillet 2005, ne sont ni fantaisistes, ni provocateurs, et ne témoignent ni de la volonté du salarié de créer des incidents, ni d'un abandon de poste. Elle confirme, alors, que le licenciement sans cause réelle et sérieuse (sur la preuve de la faute grave, cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E9189ES7).
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