Par un important avis rendu le 1er avril 2010, le Conseil d'Etat écarte la règle de l'estoppel en matière fiscale (CE 9° et 10° s-s-r., 1er avril 2010, n° 334465, publié au recueil Lebon
N° Lexbase : A4210EUH). Le tribunal administratif de Dijon souhaitait savoir s'il existe, en contentieux fiscal, une règle générale de procédure en vertu de laquelle une partie ne pourrait, après avoir adopté une position claire ou un comportement non ambigu sur sa future conduite à l'égard de l'autre partie, modifier ultérieurement cette position ou ce comportement d'une façon qui affecte les rapports de droit entre les parties et conduise l'autre partie à modifier à son tour sa position ou son comportement, règle relevant dans certains systèmes juridiques du principe dit de l'estoppel, issu à l'origine du droit anglais. La réponse du Haut Conseil est claire : la position ou le comportement de l'administration avant la procédure contentieuse, lors de l'instruction de la réclamation ou en cours d'instance devant le juge de l'impôt, quelles que soient leurs évolutions ou contradictions éventuelles, ne peuvent faire obstacle à l'application par le juge de l'impôt de la loi fiscale, dans le cadre des moyens soulevés par chacune des parties et de ceux qu'il est tenu de relever d'office. Autrement dit, les obligations des contribuables résultant de textes législatifs et réglementaires, à l'application desquels l'administration ne peut renoncer, et le cadre légal strict qui entoure, à la fois, la perception de l'impôt et le contentieux fiscal, obligent, dans le respect des garanties du contribuable, à une application de la norme fiscale quelle que soit la prise de position de l'administration. Les Sages tempèrent, aussitôt, la rudesse de leur position en rappelant que les comportements de l'administration qui pourraient être qualifiés de changement de position sont encadrés par des garanties au bénéfice du contribuable, dont le juge de l'impôt assure le respect. Et, de citer, au nombre de ces garanties, les articles L. 80 A (
N° Lexbase : L4634ICM) et L. 80 B (
N° Lexbase : L9343IER) du LPF qui permettent au contribuable, dans les conditions et limites qu'ils fixent, d'opposer à l'administration l'interprétation d'un texte fiscal qu'elle a formellement admise ou une prise de position formelle de sa part sur une situation de fait au regard du texte fiscal ; la règle
non bis in idem ; et les règles entourant la substitution de base légale.
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