Dans un arrêt rendu le 15 janvier 2009, la Cour européenne des droits de l'Homme a conclu, à l'unanimité, à la violation de l'article 10 de la Convention, relatif à la liberté d'expression (
N° Lexbase : L4743AQQ), à raison de la condamnation des requérants pour apologie de crimes de guerre à la suite de la publication du livre
Services Spéciaux Algérie 1955-1957 (CEDH, 15 janvier 2009, Req. 20985/05, Orban et autres c/ France
N° Lexbase : A4032ECC). D'abord, elle a estimé que cette condamnation s'analysait en une ingérence dans le droit à la liberté d'expression des requérants, ingérence qui était prévue par la loi française et avait pour buts légitimes la défense de l'ordre et la prévention du crime. Puis, la Cour a indiqué que le témoignage d'un ancien officier des services spéciaux missionné en Algérie, directement impliqué dans des pratiques telles que la torture et les exécutions sommaires dans l'exercice de ses fonctions, s'inscrivait indubitablement dans un débat d'intérêt général d'une singulière importance pour la mémoire collective. Le fait que l'auteur ne prenne pas de distance critique par rapport à ces pratiques atroces et que, au lieu d'exprimer des regrets, il indique avoir agi dans le cadre de la mission qui lui avait été confiée, était un élément à part entière de ce témoignage. Par ailleurs, la Cour a précisé que bien que les propos litigieux n'aient pas perdu leur capacité à raviver des souffrances, il n'était pas approprié de les juger avec le degré de sévérité qui pouvait se justifier dix ou vingt ans auparavant ; il fallait au contraire les aborder avec le recul du temps. En conséquence, les juges strasbourgeois ont déclaré que les motifs retenus par les juridictions françaises ne suffisaient pas pour les convaincre que la condamnation des requérants était "
nécessaire dans une société démocratique".
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