Le Quotidien du 14 mai 2002 : Experts-comptables

[Jurisprudence] Quand les experts-comptables rédigent des actes juridiques...

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le 07 Octobre 2010

Les textes ne permettent aux experts-comptables de rédiger pour autrui des actes juridiques que dans la mesure où ceux-ci constituent "l'accessoire direct" de la prestation principale fournie. Voilà ce que rappelle la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt du 11 avril 2002 (N° Lexbase : A5618AYQ), relançant le débat sur le périmètre du droit. La Haute juridiction précise que la cour d'appel est tenue d'expliquer les raisons qui l'ont décidée à nier aux actes incriminés le caractère d'accessoire direct de la prestation. En l'espèce, deux sociétés d'expertise comptable avaient fait insérer dans des journaux d'annonces légales divers avis : constitution, fusion et dissolution de sociétés, transfert de siège social, changement de dirigeants, modification d'objet social, cessions de parts, diminution ou augmentation de capitaux. Le barreau de Lille avait alors cité les deux experts-comptables devant le tribunal correctionnel, soutenant qu'ils avaient établi eux-mêmes tous ces actes en violation de la loi du 31 décembre 1971 modifiée par la loi de 1990. Après une relaxe, la bataille judiciaire s'est poursuivie : confirmation de la cour d'appel, cassation (Cass. crim. 13 mars 1996 N° Lexbase : A9011ABD), confirmation du rejet des demandes des parties civiles, nouvelle cassation et infirmation de la seconde cour d'appel de renvoi.

Enfin, la Chambre criminelle de la Cour de cassation, dans son arrêt du 11 avril 2002, considère que la cour d'appel ne l'avait pas mise en mesure d'exercer son contrôle de la légalité sur sa décision. Mais elle ne se prononce pas sur la licéité des actes accomplis par les deux sociétés d'expertise-comptable. La Haute juridiction indique en effet que la cour a statué "de manière abstraite sans mieux s'expliquer sur les éléments de fait lui permettant d'énoncer que les actes sous seing privé en cause ne pouvaient constituer l'accessoire direct de la prestation fournie". Elle avait d'ailleurs déjà tenu ce raisonnement pour casser la décision de la première cour d'appel désignée (N° Lexbase : A9011ABD).

Les avocats se sont toujours opposés à l'exercice du droit par les experts-comptables . Redoutant une concurrence dans le domaine du conseil aux entreprises, ils ont réussi à limiter les activités juridiques des professionnels du chiffre à la portion congrue. En effet, ces derniers ne sont autorisés à "donner des consultations juridiques " que lorsqu'elles relèvent de "leur activité principale" et à "rédiger des actes sous seing privé" que lorsqu'ils constituent "l'accessoire direct de la prestation fournie" (loi du 31 décembre 1990 N° Lexbase : L7803AIT). Comme le démontre un arrêt du 11 avril 2002 (N° Lexbase : A5618AYQ), cette règle est toujours d'actualité devant les juridictions (pour un autre exemple récent, Cass. crim, 15 fevrier 2000 N° Lexbase : A6235AYL).

Ainsi, la pratique du droit par d'autres professionnels que les avocats est strictement encadrée. Elle est régie par l'article 59 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée en 1990 (N° Lexbase : L6343AGZ). Ce texte autorise les "personnes exerçant une activité professionnelle réglementée" à exercer le droit à titre accessoire et " dans les limites autorisées par la réglementation qui leur est applicable". La réglementation applicable aux experts-comptables est contenue dans l'ordonnance du 19 septembre 1945 (N° Lexbase : L8059AIC). Elle autorise ces derniers à donner des consultations juridiques à deux conditions. D'abord, ces consultations doivent s'adresser à des entreprises qui leur confient des missions comptables de façon permanente et habituelle. Ensuite, les "consultations, études, travaux ou avis" doivent être directement liés aux travaux comptables dont ils sont chargés. Notons que le texte n'évoque pas la rédaction d'actes...

Est-ce à dire que la rédaction d'acte est purement et simplement interdite d'une façon générale aux experts-comptables ? L'arrêt commenté ne répond pas à la question mais pour la même espèce, dans sa décision du 23 mars 1999 précitée, la Cour de cassation a considéré qu'un acte de constitution de société n'entrait pas "dans les limites de l'activité professionnelle permise aux experts-comptables". Dans son ouvrage Déontologie de l'Avocat, Raymond Martin exprime le même avis : "le texte spécial (ordonnance de 1945) prévalant sur le texte général de l'article 59 de la loi du 31 décembre 1971, la rédaction d'actes paraît bel et bien interdite" (Raymond Martin, Déontologie de l'Avocat, éd. Litec, 2001).

En tout état de cause, en dehors du cadre légal résultant des dispositions combinées de la loi de 1971 et de l'ordonnance de 1945, l'exercice du droit par les experts-comptables est un délit. La peine encourue est une amende de 30.000 F (60.000 F en cas de récidive), et un emprisonnement de six mois ou de l'une de ces deux peines seulement. La loi ajoute que les organisations professionnelles représentatives et les organismes chargés de représenter les avocats, les avoués, les notaires, les huissiers de justice, les commissaires-priseurs, les administrateurs judiciaires et les mandataires-liquidateurs peuvent se constituer partie civile. Il appartient donc aux Ordres et aux syndicats de déclencher l'action pénale. Cela n'est pas surprenant : ces professions disposent concurremment du droit de donner des consultations juridiques et de rédiger des actes sous seing privé pour autrui à titre principal (article 56 de la loi de 1971 précitée).

C. D. 


Pour aller plus loin :

Saisi par l'Ordre des experts-comptables en juillet 1996, le Conseil de la concurrence a rendu un avis éclairant sur la restriction d'exercice de l'activité professionnelle des experts-comptables dans le domaine juridique.

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