La lettre juridique n°386 du 11 mars 2010 : Pénal

[Textes] Publication de la loi relative à la protection du secret des sources des journalistes

Réf. : Loi n° 2010-1 du 4 janvier 2010, relative à la protection du secret des sources des journalistes (N° Lexbase : L1938IGU)

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N4807BND

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par Jacques Bruneau, Avocat général près la cour d'appel de Paris, Maître de conférences associé à la Faculté de droit de Nantes

le 07 Octobre 2010

La loi relative à la protection du secret des sources des journalistes a été publiée au Journal officiel su 5 janvier 2010. D'application immédiate, cette loi comporte 7 articles. La loi contient en premier lieu des dispositions consacrant le principe général de protection du secret des sources journalistiques de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse (N° Lexbase : L7589AIW), en deuxième lieu des dispositions sur les conséquences du principe du secret des sources dans le Code de procédure pénale, en troisième lieu des dispositions introduisant dans le Code de procédure pénale de nouvelles garanties pour les journalistes, et, enfin, des dispositions relatives au recel de violation du secret professionnel ou de l'instruction en cas de poursuites pour diffamation.
  • Dispositions concernant le principe général de protection du secret des sources journalistiques dans la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse

L'article 1er, dans son alinéa 1er, modifie l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse (N° Lexbase : L7588AIU). Cet article pose le principe de la protection du secret des sources des journalistes "dans l'exercice de leur mission d'information du public".

Dans son rapport sur ce projet de loi, la commission des lois du Sénat a indiqué que "l'expression 'mission d'information du public' laisse supposer qu'un minimum de hauteur de vue de l'information est requis pour prétendre au secret des sources" (session 2007-2008, rapport n° 420, p. 15). Un journaliste ne peut donc bénéficier de la protection due au secret des sources lorsqu'il a obtenu une information dans un cadre autre que celui de l'exercice de sa profession.

Le même article, dans son alinéa 4, indique qu'il ne peut être porté atteinte à ce secret, que ce soit de manière directe ou indirecte. L'atteinte indirecte est définie comme "le fait de chercher à découvrir les sources d'un journaliste au moyen d'investigations portant sur toute personne qui, en raison de ses relations habituelles avec un journaliste, peut détenir des renseignements permettant d'identifier ces sources".

La loi, dans son article 2, définit le journaliste comme "une personne qui, exerçant sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse, de communication au public en ligne, de communication audiovisuelle ou dans une ou plusieurs agences de presse, y pratique à titre régulier et rétribué le recueil d'informations et leur diffusion au public". Cette définition est plus large que celle du Code du travail (C. trav., art. L. 7111-3 N° Lexbase : L3072H9N) qui considère comme journaliste "toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises de presse et qui en tire le principal de ses ressources".

Le secret des sources étant le principe, l'article 1er précise dans quelles conditions il peut être porté atteinte au principe du secret des sources. Exceptionnellement, il pourra être porté atteinte directement ou indirectement à ce secret uniquement si les deux conditions suivantes sont cumulativement réunies :

- un impératif prépondérant d'intérêt public le justifie ;
- les mesures envisagées sont strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi.

La notion d'"impératif prépondérant d'intérêt public" est une application de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme (voir, par exemple, CEDH, 27 mars 1996, Req. 16/1994/463/544, Goodwin c/ Royaume-Uni N° Lexbase : A8390AWN ; CEDH, 25 février 2003, Req. 51772/99, Roemen et Schmit N° Lexbase : A3073A7X). Lorsque cette atteinte interviendra au cours d'une procédure pénale, la nécessité de la mesure envisagée devra s'apprécier au regard de la gravité  du crime ou délit, de l'importance de l'information recherchée par la répression ou la prévention de cette infraction et du caractère indispensable de cette mesure pour la manifestation de la vérité.

  • Dispositions relatives aux conséquences du principe du secret des sources dans le Code de procédure pénale

Les articles 5 et 6 du la loi du 4 janvier 2010 modifient les articles 60-1 (N° Lexbase : L3499IGP), 77-1 (N° Lexbase : L7136A43), 99-3 (N° Lexbase : L3519IGG) et 100-5 (N° Lexbase : L3498IGN) du Code de procédure pénale en interdisant de verser au dossier des éléments obtenus par une réquisition judiciaire prise en violation du nouvel article 2 de la loi du 29 juillet 1881, comme de transcrire les correspondances avec un journaliste obtenus par des interceptions judiciaires, dès lors qu'elles permettent d'identifier une source.

  • Dispositions introduisant dans le Code de procédure pénale de nouvelles garanties pour les journalistes

L'article 2 modifie les dispositions de l'article 56-2 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3573IGG).

Avant l'entrée en vigueur de la loi, les perquisitions effectuées dans les entreprises de presse ou de communications audiovisuelles devaient déjà être réalisées par un magistrat qui devait veiller à ce que ces investigations ne portent pas atteinte à la diffusion de l'information.

De nouvelles garanties pour les journalistes sont introduites.

L'article 2 étend, tout d'abord, les lieux soumis à des règles spécifiques de perquisition afin de protéger le secret des sources des journalistes. Outre les entreprises de presse ou de communication audiovisuelle sont également visées les agences de presse, les véhicules professionnels des entreprises ou agences de presse et les domiciles des journalistes lorsque les investigations sont liées à leur activité professionnelle.

L'article 2 de la loi qui est calquée sur les dispositions de l'article 56-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3557IGT ; perquisitions en cabinet d'avocats) soumet ces perquisitions à des règles spécifiques.
Tout d'abord, elles doivent être précédées d'une décision écrite et motivée du magistrat indiquant la nature de l'infraction ou des infractions sur laquelle portent les investigations et les raisons de la perquisition.
Le magistrat doit, en outre, veiller à ce que cette perquisition respecte le libre exercice de la profession de journaliste, ne porte pas atteinte de manière injustifiée au principe du secret des sources et ne constitue pas un obstacle ou n'entraîne pas un retard injustifiée à la diffusion de l'information.

Par ailleurs, cet article instaure une procédure d'opposition à la saisie de documents au cours de la perquisition similaire à celle prévue par l'article 56-1 du Code de procédure pénale. Le journaliste, son représentant, ou à défaut un des témoins requis par le magistrat durant la perquisition, peut s'opposer à la saisie d'un document. En cas d'opposition, le juge des libertés et de la détention statue dans les cinq jours et apprécie si le document saisi porte atteinte au libre exercice de la profession de journaliste ou au secret des sources. Si la perquisition a pour objet d'identifier une source journalistique, le juge des libertés vérifie que les conditions posées par l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sont remplies. Compte tenu de sa décision, il ordonne la restitution du document ou le versement du scellé à la procédure.

Etant donné l'organisation de la profession de journaliste, qui ne connaît pas d'ordre professionnel, et contrairement aux dispositions applicables aux perquisitions chez les avocats, la présence d'un représentant de la profession durant la perquisition n'est pas prévue.

L'article 4 de la loi permet aux journalistes entendus comme témoin devant la cour d'assises ou le tribunal correctionnel de ne pas révéler l'origine des informations recueillies dans l'exercice de leur activité.

  • Dispositions relatives au recel de violation du secret professionnel ou de l'instruction en cas de poursuites pour diffamation

Le 3 de l'article 1er de la loi complète l'article 35 de la loi du 29 juillet 1881 et indique qu'une personne poursuivie pour diffamation et devant établir sa bonne foi ou apporter la preuve de la véracité de ses propos ne pourra être poursuivie pour violation du secret de l'instruction ou du secret professionnel si la preuve qu'elle apporte est issue de la violation de ce secret.

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