La lettre juridique n°369 du 29 octobre 2009 : Éditorial

La suppression de la taxe professionnelle ou les raisins de Zeuxis...

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

le 27 Mars 2014


"La réforme fiscale, c'est quand vous promettez de réduire les impôts sur les choses qui étaient taxées depuis longtemps et que vous en créez de nouveaux sur celles qui ne l'étaient pas encore".

Mais, depuis Edgar Faure, il faut dire que nos gouvernants ont appris l'art de faire passer des vessies pour des lanternes ! Plus besoin de taxer ce qui ne l'était pas encore, à l'oraison funèbre d'un impôt, il suffit d'en changer la dénomination honnie et d'en modifier quelque peu l'assiette, et tel le chevalier d'Eon, plus personne, pas même le Prince, ne sait plus à quel "sein" se vouer...

Annoncée à grand renfort de tambour communicatif en février dernier, la suppression de la taxe professionnelle, impôt souvent raillé comme "complexe", "contre-productif" et finalement "stupide" -si tant est qu'un impôt puisse être intrinsèquement intelligent-, n'aura pas, sans surprise, emporté l'adhésion de tous.

Au premier rang des mécontents, les élus locaux craignent, à juste titre, une paupérisation des finances de leurs communes, intercommunalités, départements et autres régions. En effet, la taxe décriée avait cette particularité d'innerver l'ensemble des collectivités territoriales, liant intimement l'entreprise à un territoire administratif. Avec la "suppression", il s'agit de compenser les 18 milliards d'euros de ressources manquantes en sus des 10 milliards déjà distribués au titre des différentes exonérations et allégements votés depuis trente ans, afin de corriger les effets anti-investissements de la taxe. On rappellera, à titre subsidiaire, que certaines collectivités ont maille à partir avec les effets de la crise financière, du fait de placements hasardeux : le moment de cette suppression est donc bien choisi ! L'arlésienne aurait pu tenir la dragée haute encore quelques temps...

Suivent assurément les entreprises non concernées par cette "suppression" ! Cette fois, la démarche du Gouvernement n'est pas entravée par le caractère symbolique de la suppression de la taxe professionnelle, comme cela put être le cas avec la "suppression" des droits de successions -qui n'en est pas une, car sauf abattements les droits demeurent-. La dotation des collectivités locales ou territoriales n'est effectivement pas un sujet fort mobilisateur au sein de l'opinion publique, plus attachée à la symbolique de l'égalitarisme des droits de successions. A cette heure, la taxe professionnelle est bien supprimée (article 2 du projet de loi de finances pour 2010)... elle est remplacée par une contribution économique territoriale composée d'une cotisation locale d'activité et d'une cotisation complémentaire. La première cotisation serait assise sur des bases foncières et la seconde sur une fraction de la valeur ajoutée des entreprises... Etant entendu, d'après les derniers débats parlementaires, que seules les entreprises réalisant un chiffre d'affaires annuel inférieur à 500 000 euros seraient exonérées de la seconde cotisation... Toutes les entreprises étant, de droit commun, assujetties à la première ! Plus qu'une suppression, c'est une mitochondrie à laquelle nous invite le Gouvernement : une séparation des bases d'imposition de la taxe professionnelle actuelle au profit de deux taxes assises l'une sur le foncier et l'autre sur l'investissement, afin d'encourager l'investissement des PME et de ne pas pénaliser les entreprises industrielles "riches" d'équipements et d'immobilisations.

Et, l'on aurait dû se douter qu'avec un expert en génétique comme le Président de la République, accélérateur de cette réforme "urgente", l'on se retrouve face à un gène récessif : le régime dérogatoire des professions libérales. En effet, le dispositif actuel de la taxe professionnelle prévoit un régime dérogatoire applicable aux professionnels libéraux soumis au régime d'imposition des bénéfices non commerciaux et employant moins de cinq salariés : ceux-ci ne sont imposés que sur la valeur locative foncière, mais pour compenser l'absence de double imposition, ils sont taxés à hauteur de 6 % de leurs recettes. Ce dispositif entraîne, finalement, une imposition plus forte que celle fixée par le droit commun à la charge des professionnels concernés. Or, comme le souligne, cette semaine, dans nos colonnes, Maître Jean-Yves Mercier, avocat associé de CMS Bureau Francis Lefebvre, le projet de loi de finances pour 2010 envisage de maintenir ce régime dérogatoire. Les professionnels libéraux répondant aux critères susvisés seraient dispensés de la cotisation complémentaire, mais seraient redevables de la cotisation locale d'activité à hauteur de 6 % de leurs recettes. Un tel dispositif reviendrait à les imposer systématiquement plus lourdement que l'ensemble des autres assujettis.

Au final ? Et bien à l'heure de la régionalisation européenne, les régions semblent être les parents pauvres de la territorialisation de la nouvelle cotisation obtenue de haute lutte par les députés face au Gouvernement plus enclin à la péréquation. Si Clemenceau, à travers l'un de ses traits d'esprit, pouvait faire rire en clamant que "la France est un pays extrêmement fertile : on y plante des fonctionnaires et il y pousse des impôts", désormais la suppression de postes de fonctionnaires ne garantie pas la suppression d'impôt... tout juste un découpage dentellier.. Enfin, il semble que le dispositif promis à la publication au Journal officiel compte encore de ces inégalités contre productives, alors que les professions libérales représentent 640 000 entreprises, 1,7 millions d'emplois, 190 milliards de chiffre d'affaires et 65 000 entreprises crées en 2007, comme nous le rappelait Brigitte Longuet, la semaine dernière, dans notre édition professions. Gageons qu'elle prendra, avec d'autres, ce problème d'équité à bras le corps, dans le cadre de sa récente mission.

Reste à savoir si cette suppression emportera les raisins de la colère ou servira de trompe l'oeil...

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