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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication
le 27 Mars 2014
Résumons bien : la fiducie-sûreté consiste, pour le débiteur-fiduciant, à transférer la propriété d'un ou plusieurs biens ou titres pour garantir une créance auprès d'un créancier-fiduciaire ; charge à ce dernier d'en restituer la propriété -et non la possession- au débiteur lorsque la créance a été entièrement recouvrée. A priori, le mécanisme a tout l'air d'être d'une simplicité liturgique ! La propriété s'accommode très bien, depuis des années, de la cession Dailly, du gage avec ou sans dépossession, ou encore de la clause de réserve de propriété... Mais alors, pourquoi fondre sur la fiducie-sûreté ?
D'abord, parce que, bien qu'introduite en France par la loi du 19 février 2007 et aménagée, dernièrement, par l'ordonnance du 18 décembre 2008, la fiducie, et plus singulièrement la fiducie-sûreté, est un instrument de garantie des crédits depuis... Rome. Alors, rien d'étonnant à ce que la fiducia cum creditore du droit romain ait hautement inspiré, depuis de nombreuses années, la sicherungstreuhand, et plus globalement le régime fiduciaire allemand : droit romano-germanique oblige. Plus étonnant, ou presque, est l'essor de ce même mécanisme en pays de droit anglo-saxon ; la common law ayant parfaitement intégré, dans son système juridique, cette importation continentale venue avec les vaisseaux de Guillaume le Conquérant. Alors, exception culturelle oblige, on s'étonnera moins qu'un pays de droit romano-germanique et de droit coutumier, comme la France, choisisse de... s'en détourner au nom du sacro-saint principe de la Propriété : il n'y a qu'à lire la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen, ou Frédéric Bastiat avant elle -"La propriété est un droit antérieur à la loi, puisque la loi n'aurait pour objet que de garantir la propriété"- pour se convaincre que l'on n'attente pas à un droit fondamental indivisible comme cela...
Pourtant, l'heure de la mondialisation économique aura sonné le carillon de la mondialisation juridique. La France ne pouvait rester à l'écart d'un instrument juridique de garantie des crédits aussi performant -du moins dans les pays l'ayant, jusque-là, adopté- ; qui plus est en période de méfiance entre les acteurs économiques.
Ainsi, outre la facilité de sa constitution au regard des mesures de publicité, la responsabilité éprouvée de ces acteurs-fiduciaires (établissements de crédits, avocats...), l'absence de dépossession des biens dont la propriété est transférée, la fiducie-sûreté résiste surtout aux fourches caudines des procédures collectives, comme le souligne, cette semaine, dans nos colonnes, Maître Reinhard Dammann, avocat associé du cabinet Clifford Chance, à qui la mission avait été confiée de proposer la rédaction des articles de l'ordonnance du 18 décembre 2008 ; ce qui n'en représente pas moins l'un de ses attraits les plus évidents.
Alors, on aura beau gloser sur les conflits de sûretés nés de l'absence de publicité ou de dépossession, attributs de la fiducie-sûreté ; sur les dangers d'une disparition de l'actif réel des entreprises, notamment, du fait d'une globalisation de la fiducie-sûreté sur l'ensemble du patrimoine du débiteur ; ou sur l'inutilité de l'aliénation d'un bien corporel au profit d'un fiduciaire qui n'a que faire, le plus souvent, de ce bien, en cas de non-recouvrement de sa créance ; il n'en demeure pas moins que la fiducie-sûreté doit permettre d'établir, si ce n'est la confiance entre prêteurs et investisseurs, du moins une assurance-recouvrement qui en constituerait un placebo aux effets tout aussi bénéfiques pour le développement des entreprises françaises.
Lichtenberg n'écrivit-il pas, dans le miroir de l'âme que "la mouche qui veut échapper au piège ne peut être plus en sûreté que sur le piège même" ?!
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