La lettre juridique n°351 du 21 mai 2009 : Immobilier - Bulletin d'actualités n° 3

[Jurisprudence] Bulletin de droit immobilier - Cabinet Peisse Dupichot Zirah Bothorel & Associés - Mai 2009

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le 07 Octobre 2010

Tous les deux mois, le Cabinet Peisse Dupichot Zirah Bothorel & Associés, en partenariat avec les éditions juridiques Lexbase, sélectionne l'essentiel de l'actualité relative au droit immobilier. A noter, entre autres, ce mois-ci, un arrêt rendu le 24 mars 2009, par la troisième chambre civile, duquel il résulte que la réception tacite ne peut être constatée qu'en présence du paiement intégral des travaux et de la prise de possession concomitante des lieux ; en matière de bail d'habitation est à relever un arrêt du 29 avril 2009 qui rappelle que l'obligation du bailleur d'assurer au preneur une jouissance paisible de la chose louée ne cesse qu'en cas de force majeure ; enfin, l'on peut mentionner, en matière d'agent immobilier, un arrêt du 8 avril 2009 qui énonce qu'en présence d'un mandat irrégulier, l'offre de vente effectuée par un agent immobilier n'engage pas le vendeur. I - Droit de la construction
  • La réception tacite de l'ouvrage résulte du paiement intégral des travaux et de la prise de possession de l'ouvrage (Cass. civ. 3, 24 mars 2009, n° 08-12.663, F-D N° Lexbase : A2124EEE)

Dans un arrêt du 24 mars 2009, la Cour de cassation rappelle que la réception tacite d'un ouvrage ne peut être retenue dès lors que le maître d'ouvrage s'est opposé au paiement du solde des travaux en raison de défectuosités affectant des parties d'ouvrage, et ce, même s'il est constaté une prise de possession des lieux et une signature par le maitre d'ouvrage de la déclaration d'achèvement des travaux.

Cette solution n'est pas nouvelle.

S'il est désormais bien acquis que l'article 1792-6 du Code civil (N° Lexbase : L1926ABX), encadrant le régime de la réception de l'ouvrage, n'exclut pas que la réception soit tacite (Cass. civ. 3, 12 octobre 1988, n° 87-11.174, Société anonyme Seli c/ Union des assurances de Paris et autres N° Lexbase : A2721AHA, Bull. civ. III, n° 137) c'est à la condition que soit constatée la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage d'accepter ledit ouvrage (Cass. civ. 3, 3 mai 1990, n° 88-19.301, Compagnie Le Continent c/ M. Lombre et autre N° Lexbase : A4041AH7, Bull. civ. III, n° 104).

Il a ainsi été jugé que la réception tacite peut résulter de la prise de possession de l'ouvrage jointe au paiement intégral (Cass. civ. 3, 16 mars 1994, n° 92-10.957, Société Davesne frères c/ Société mutuelle d'assurance du bâtiment et de travaux publics et autres N° Lexbase : A6761ABZ, Bull. civ. III, n° 50).

L'arrêt du 24 mars 2009 s'inscrit donc dans ce courant jurisprudentiel duquel il résulte que la réception tacite ne peut être constatée qu'en présence du paiement intégral des travaux et de la prise de possession concomitante des lieux.

  • Pour être prononcée, la réception judiciaire implique que l'immeuble soit en état d'être habité (Cass. civ. 3, 27 janvier 2009, n° 07-17.563, F-D N° Lexbase : A6968EC3)

Dans un arrêt du 27 janvier 2009, la Cour de cassation rappelle que, pour qu'il y ait réception judiciaire, il faut que soit constaté que l'ouvrage d'habitation est en état d'être habité.

Elle censure donc les juges d'appel qui avaient prononcé la réception judiciaire après avoir constaté l'abandon du chantier par le constructeur, la réalisation, consignée par les experts dans leur rapport, de la quasi-totalité des prestations du marché, le paiement de l'essentiel des travaux et la volonté du maître d'ouvrage de les recevoir.

En effet, dès lors qu'il n'est pas constaté que l'ouvrage d'habitation était en état d'être habité, la réception judiciaire ne pouvait intervenir.

Il s'agit là d'une solution constante (voir, notamment, Cass. civ. 3, 30 octobre 1991, n° 88-15.305, M. Jean-Claude Frère et autres c/ Société coopérative d'HLM 'La Maison familiale' et autres N° Lexbase : A5814C7H ; Cass. civ. 3, 21 mai 2003, n° 02-10.052, Société anonyme Garantie financière de l'immobilier (GFIM) c/ M. Daniel Taillade, FS-P+B N° Lexbase : A1543B9Z).

II - Bail d'habitation

  • L'obligation du bailleur d'assurer au preneur une jouissance paisible de la chose louée ne cesse qu'en cas de force majeure (Cass. civ. 3, 29 avril 2009, n° 08-12.261, FS-P+B N° Lexbase : A7543EGH)

En vertu de l'article 1719 du Code civil (N° Lexbase : L8079IDL), le bailleur est, notamment, obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, d'entretenir la chose louée en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée, et d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail.

Ces obligations constituent des obligations de résultat dont le bailleur ne peut se décharger qu'en présence d'un cas de force majeure.

C'est ce que rappelle la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 29 avril 2009.

En l'espèce, des locataires avaient assigné leur bailleur en paiement de dommages intérêts invoquant un défaut d'entretien et de jouissance paisible. Ils arguaient, notamment, de l'encombrement du sous-sol, de remontées de mauvaises odeurs et de la défectuosité de la pompe électrique du chauffe-eau.

Pour rejeter cette demande, les premiers juges avaient constaté que le bailleur avait autorisé ses locataires à se débarrasser des effets entreposés dans le sous-sol et qu'il avait, également, mandaté une entreprise pour faire procéder à la réparation des désordres. Selon le bailleur, suivi par les juges du fond, seule l'incapacité de l'entreprise à faire procéder à une réparation immédiate des désordres serait à l'origine de la persistance du trouble invoqué par les locataires.

La Cour de cassation censure cette analyse et rappelle que l'obligation du bailleur d'assurer au preneur une jouissance paisible de la chose louée ne cesse qu'en cas de force majeure (voir, déjà en ce sens, Cass. civ. 3, 9 octobre 1974, n° 73-11.721, Epoux Sennes c/ Epoux Duprat N° Lexbase : A6993AG4).

Rappelons que l'obligation pour le bailleur d'assurer une jouissance paisible au preneur de la chose louée pendant la durée du bail n'est pas de l'essence du contrat et les parties sont donc libres de la restreindre.

Il a ainsi été jugé qu'est valable la clause par laquelle le bailleur et le locataire de locaux à usage de bureaux situés dans une copropriété en cours de rénovation sont convenus que le locataire ne pourrait être indemnisé des troubles subis dans le cadre de cette rénovation (Cass. civ. 3, 30 mai 1996, n° 94-15.828, Société civile immobilière (SCI) des Bourdonnais c/ Société Bernard Paoli Conseil et autres N° Lexbase : A4419C7S).

  • Droit de préemption du locataire fondé sur l'article 10 de la loi du 31 décembre 1975 (Cass. civ. 3, 1er avril 2009, n° 08-11.305, FP-P+B N° Lexbase : A1084EGA)

L'article 10 de la loi du 31 décembre 1975 (loi n° 75-1334, relative à la sous-traitance N° Lexbase : L5130A8I) aménage le droit de préemption ouvert aux locataires dans l'hypothèse d'une vente portant sur un local d'habitation ou mixte consécutive à la mise en copropriété de l'immeuble. Il est, notamment, prévu que, dans ce cas, le bailleur doit, à peine de nullité de la vente, faire connaître par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à chacun des locataires ou occupants de bonne foi, l'indication du prix et des conditions de la vente projetée pour le local qu'il occupe. Cette notification vaut offre de vente au profit de son bénéficiaire.

La Cour de cassation, dans un arrêt du 1er avril 2009, vient préciser le champ d'application de cette disposition estimant que le droit de préemption est ouvert aux locataires des deux appartements constituant l'un des deux lots issus de la division d'une maison d'habitation.

En l'espèce, en 1981, une maison d'habitation a été divisée en deux lots distincts. En 2001, le propriétaire de l'un des deux lots, composé de deux appartements, signait une promesse de vente portant sur son lot. Faisant application de l'article 10-1 de la loi du 31 décembre 1975 susvisé, l'un des locataires s'est porté acquéreur.

Le bénéficiaire de la promesse de vente l'assignait alors pour voir juger que l'exercice de ce droit soit déclaré abusif et obtenir l'exécution forcée de la promesse de vente. Ses demandes furent rejetées par les premiers juges. Au soutien de son pourvoi, il faisait notamment valoir que l'article 10 de la loi précitée ne s'appliquerait pas aux ventes portant sur un bâtiment entier. Or, en l'espèce, le bailleur vendait son lot et la totalité de celui-ci, sans le diviser en lots distincts. En conséquence, selon l'auteur du pourvoi, le droit de préemption ne serait pas applicable dans la mesure où le propriétaire du lot vendait un seul lot et l'ensemble de celui-ci sans vendre l'immeuble par lots distincts.

Il cherchait donc à faire l'application de la solution jurisprudentielle constante selon laquelle le droit de préemption du locataire ne joue qu'en présence de vente d'appartement et non pas en présence de la vente d'un immeuble dans sa totalité (voir, notamment, Cass. civ. 3, 5 mars 1986, n° 84-16.525, Rostagnat c/ La Distillerie coopérative intercommunale La Varoise et autres N° Lexbase : A3196AAM).

La Cour de cassation rejette le pourvoi et approuve les juges du fond d'avoir estimé que l'article 10 de la loi du 31 décembre 1975 s'appliquait, en l'espèce, dès lors qu'ils avaient constaté qu'après division de la maison d'habitation en deux lots par acte notarié du 21 avril 1981, la propriétaire du lot n° 2 le vendait pour la première fois.

Rappelons qu'il est, désormais, acquis que seule la première vente par lots postérieure à l'établissement de l'état descriptif de division et du règlement de copropriété permet au locataire de se prévaloir du droit de préemption (Cass. civ. 3, 16 novembre 2005, n° 04-12.563, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A5373DLL, Bull. civ. III, n° 223).

En l'espèce, il s'agissait bien de la première vente consécutive à la division de l'immeuble. Il était donc logique que le droit de préemption s'applique.

III - Agents immobiliers

  • En présence d'un mandat irrégulier, l'offre de vente effectuée par un agent immobilier n'engage pas le vendeur (Cass. civ. 3, 8 avril 2009, n° 07-21.610, FS-P+B N° Lexbase : A1012EGL)

Les mandats conclus avec un agent immobilier doivent respecter un formalisme strict énoncé à l'article 72 du décret du 20 juillet 1972 (décret n° 72-678, fixant les conditions d'application de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce N° Lexbase : L8029AI9) et doivent, notamment, être mentionnés par ordre chronologique sur un registre des mandats, le numéro d'inscription sur le registre des mandats étant reporté sur celui des exemplaires du mandat qui reste en la possession du mandant. Ce formalisme doit être respecté à peine de nullité absolue du mandat et donc d'absence d'engagement corrélatif du mandant par le mandataire dont le mandat est nul. C'est ce que rappelle la Cour de cassation dans un arrêt du 8 avril 2009.

En l'espèce, un vendeur avait transmis à un agent immobilier une offre de vente portant sur un local commercial et un appartement. Le locataire, soutenant qu'il avait accepté l'offre de vente, assignait le propriétaire en réalisation forcée, lequel arguait, en réplique, de la nullité du mandat donné à l'agent immobilier. Les juges d'appel rejetaient la demande du locataire aux motifs de l'irrégularité du mandat conclu entre l'agent et le vendeur. Le locataire faisait alors valoir, à l'appui de son pourvoi, que l'irrégularité du mandat affecterait les seules relations entre le mandat et l'agent immobilier et demeurerait sans conséquence sur la réalité de la vente conclue par l'intermédiaire dudit agent.

Rejetant le pourvoi, la Cour de cassation rappelle que le mandat donné à l'agent immobilier doit impérativement revêtir les conditions de forme prescrites par l'article 72 du décret du 20 juillet 1972 à peine de nullité absolue qui peut être invoquée par toute partie y ayant intérêt.

En conséquence, dès lors que les premiers juges avaient relevé que l'agence immobilière n'avait pas mentionné le mandat sur le registre des mandats et porté le numéro d'inscription sur l'exemplaire du mandat remis au mandant, ils pouvaient à bon droit retenir que le mandant n'était pas engagé envers le locataire par l'offre formulée en son nom par l'agence immobilière en application d'un mandat irrégulier.

La vente ne pouvait donc pas avoir été conclue et la demande devenait sans objet.

Cette solution n'est pas nouvelle et permet de rappeler la rigueur du formalisme édictée par le décret du 20 juillet 1972 et son application stricte par les tribunaux (voir, notamment, Cass. civ. 1, 26 novembre 1996, n° 93-19.917, M. Sandre de Soubeyran de Saint-Prix c/ Société International Home Investments N° Lexbase : A9443ABD).

James Alexandre Dupichot,
Avocat associé

Contact :
SELARL Peisse Dupichot Zirah Bothorel & Associés,
22 avenue de Friedland
75008 Paris

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