La lettre juridique n°339 du 26 février 2009 : Éditorial

Loi de modernisation de l'économie et matriochkas : entre habilitations et censures

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Loi de modernisation de l'économie et matriochkas : entre habilitations et censures. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3211518-loi-de-modernisation-de-leconomie-et-i-matriochkas-i-entre-habilitations-et-censures
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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

le 27 Mars 2014


La loi de modernisation de l'économie ("LME") n'en finit pas d'irriguer l'actualité juridique française ! Par un premier battement de coeur, le 4 août 2008, toutes les branches du droit des affaires connurent, connaissent ou vont connaître une réforme. On se souvient que la "LME" a profondément amendé le droit commercial en simplifiant le statut des entrepreneurs individuels, en réduisant les délais de paiement ou, encore, en facilitant la transmission des entreprises. En droit de la concurrence, la loi a simplifié l'installation des grandes surfaces, a introduit davantage de négociation entre producteurs et fournisseurs, et a assoupli le régime des soldes, puis a créé une Autorité de la concurrence. Par ailleurs, le législateur a souhaité renforcer l'attractivité du territoire en améliorant le régime applicable aux impatriés ou, encore, en valorisant l'installation du très haut débit en fibre optique. Enfin, la "LME" améliore le financement de l'économie (généralisation de la distribution du livret A et modernisation de la place de Paris). Cette liste à la Prévert n'est pas exhaustive et ne peut, d'ailleurs, pas l'être ; et ce pour deux raisons. La première raison tient à en ce que la loi prévoit, elle-même, l'habilitation du Gouvernement à réformer, par voie d'ordonnances, les procédures collectives, les instruments financiers, ou encore la fiducie... La seconde raison tient à ce que, décidément, cette loi procède des poupées russes : si l'on s'attend à ce qu'elle renferme un certain nombre de réformes, on n'en connaît pas le nombre exact, et on ne sait pas qu'elle va être leur ampleur... La mise en application de la "LME", comme des ordonnances qui en découlent, pourrait bien réserver quelques surprises à moyen terme, nécessitant de nouvelles mesures législatives ou réglementaires.

Parmi les réformes que les professionnels juridiques attendaient, la réforme du droit des entreprises en difficulté, en date 18 décembre 2008, et son décret d'application du 12 février 2009, sur lesquels est revenu, la semaine dernière, dans nos colonnes, Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, sont au programme de l'ordonnance anticrise prescrite par le Gouvernement et qu'il convenait d'adopter rapidement. Et Gaël Piette, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Membre du CERDAC, nous propose, afin de compléter une première approche de cette réforme, de revenir sur les aspects relatifs au droit des sûretés, branche civile du droit, souvent négligée par les procédures collectives, et pourtant si complémentaire.

L'ordonnance du 8 janvier 2009, relative aux instruments financiers, refond, quant à elle, entièrement les dispositions de la partie législative du Code monétaire et financier, afin de rendre le droit des instruments financiers plus simple, lisible et sûr. Jean-Baptiste Lehnof, Maître de conférences à l'Ecole Normale Supérieure de Cachan, analyse, notamment, cette semaine, la notion de "titres financiers", introduite par le texte, qui permet de regrouper au sein d'une même catégorie juridique des instruments financiers présentant des caractéristiques identiques (dématérialisation, inscription en compte) et de les soumettre à des règles communes (tenue de compte, droits du titulaire du compte, négociabilité...).

L'ordonnance du 30 janvier 2009, portant diverses mesures relatives à la fiducie, qu'Alexandre Bordonave, Avocat au Barreau de Paris, Chargé d'enseignement à l'Ecole Normale Supérieure de Cachan, vous propose de commenter, affiche des mesures complémentaires afin d'étendre aux avocats la qualité de fiduciaire et de permettre aux personnes physiques de constituer une fiducie à titre de garantie ou à des fins de gestion, à l'exclusion de la fiducie constituée à titre de libéralité, dans le respect des règles applicables aux successions et aux libéralités, et des régimes de protection des mineurs et des majeurs.

Enfin, Vincent Téchené, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition privée générale, vous présente l'ordonnance du 30 janvier 2009, relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, adaptant la législation au droit communautaire, lui permettant, notamment, de rendre plus efficace la législation relative à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, ainsi que de faciliter la mise en oeuvre des mesures de gel des avoirs non terroristes.

Un programme chargé, par conséquent, et dont la qualité n'entend pas s'amoindrir dans les prochaines semaines. Nos éditions ne manqueront pas de vous présenter et d'analyser les prochaines ordonnances tapies dans les cartons du Gouvernement. Le record de l'année 2005 et de ses 93 ordonnances (contre 744 entre 1958 et 2004) reste à battre ! Mais, il faut dire que le retard de transposition des Directives européennes y avait amplement contribué. Plus sérieusement, si la pratique des ordonnances gouvernementales a longtemps constitué un palliatif à l'engorgement du Parlement, force est de constater que les sujets profondément réformés directement par le Gouvernement sont, d'une part, de plus en plus nombreux et, d'autre part, de plus en plus fondamentaux. A l'heure où l'on crie à l'abandon des prérogatives du Parlement, une réflexion globale sur l'urgence et le consentement national aurait besoin d'être menée. Et ce, d'autant que la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 prévoit que les ordonnances doivent être ratifiées par une loi expresse dans un délai précis sous peine de perdre toute valeur législative ; et que ce n'est qu'à l'occasion de cette ratification a posteriori que le Conseil constitutionnel pourra se prononcer sur les mesures les plus discutées. Par conséquent, il est à prévoir que certaines mesures issues d'une ordonnance fassent l'objet d'une application alors qu'elles pourraient ne pas être ratifiées par le Parlement (à la suite d'un changement de majorité ou d'une fronde parlementaire) ou être déclarées inconstitutionnelles. Précipitation n'est pas mère de sûreté... Et se souvenir qu'un grand nombre d'ordonnances a trait à l'adaptation du droit métropolitain aux particularismes de l'outre-mer : là aussi, le consentement national aurait beau jeu.

Mais peut-on changer les habitudes françaises de légiférer ? La nuit du 4 août 1789 signait la fin de l'Ancien régime, et abandonnait le régime des Ordonnances (royales) pour la "Loi" (nationale) ; le 4 août 2008 voit ressurgir cette vieille habitude française du "juge" unique de l'urgence (cf. le régime des ordonnances de référé) habilité à prendre toutes les mesures utiles avant d'appréhender le fond. Et l'ordonnance de Louppy-le-Châtel du 26 mai 1445 de créer les Compagnies de l'ordonnance, instaurant la première armée permanente française : la problématique de centralisation du pouvoir et la problématique guerrière ne sont pas si éloignées que cela de notre actualité...

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