La lettre juridique n°286 du 20 décembre 2007 : Éditorial

Maternité pour autrui : une reconnaissance à pas forcés

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Maternité pour autrui : une reconnaissance à pas forcés. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3209610-maternite-pour-autrui-une-reconnaissance-a-pas-forces
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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction

le 27 Mars 2014


En vertu des principes de confiance et de réciprocité sur lesquels se fondent les relations internationales, les actes de l'état civil étrangers produisent leurs effets de plein droit en France, qu'ils concernent des Français ou des étrangers, à la triple condition d'avoir été établis conformément à la loi locale, traduits et authentifiés. Cependant, ils ne peuvent être mentionnés en marge d'un acte français qu'avec l'autorisation du procureur de la République territorialement compétent. La preuve du respect de la loi locale incombe à la personne qui produit une copie ou un extrait de l'acte étranger. Elle est le plus souvent établie par un certificat de coutume, attestation délivrée par toute personne paraissant posséder une connaissance juridique suffisante.

Le service civil du parquet du tribunal de grande instance de Nantes assure un contrôle rigoureux de la validité non seulement des actes de l'état civil établis par le service central et les postes diplomatiques ou consulaires français, mais aussi des actes de l'état civil étrangers. Le contrôle de la validité des actes de l'état civil étrangers occupe une part croissante de l'activité de ce tribunal, qu'il s'agisse du service civil du parquet ou de la première chambre civile. Le parquet du tribunal de grande instance de Nantes est saisi par les consulats pour valider ou invalider leurs décisions de refus de transcription fondées sur l'irrégularité d'actes de l'état civil étrangers, leur caractère apocryphe, ou l'inexactitude des événements d'état civil qu'ils relatent. Il a ainsi reçu environ 1 500 dossiers de ce type en 2006, qui concernaient pour la plupart des actes de naissance. Ces dossiers sont complexes.

En témoigne encore, cette décision fortement médiatisée, rendue le 25 octobre 2007 par la cour d'appel de Nantes, qui ouvre une brèche et apporte une première solution au douloureux problème de l'interdiction de recourir, en France, à la maternité pour autrui. En effet, comme l'analyse, cette semaine Nathalie Baillon-Wirtz, Maître de conférences à l'université de Reims Champagne Ardenne, la cour accepte de transcrire dans les registres de l'état civil français, une décision de justice américaine conférant à des époux français la qualité de père et mère de deux enfants à naître portés par la gestatrice et issus d'une fécondation in vitro des gamètes de celle-ci et de l'époux, après avoir constaté que les énonciations des actes transcrits sont exactes au regard des termes du jugement étranger. La cour relève, en outre, que la non-transcription des actes de naissance aurait des conséquences contraires à l'intérêt supérieur des enfants qui, au regard du droit français, se verraient priver d'actes d'état civil indiquant leur lien de filiation, y compris à l'égard de leur père biologique.

Exit la loi bioéthique du 29 juillet 1994 instaurant une prohibition de la maternité de substitution et de la gestation pour le compte d'autrui au sein du Code civil ? Exit la décision de l'Assemblée du 31 mai 1991, par laquelle une convention qui prévoit l'accueil à son foyer d'un enfant conçu en exécution d'un contrat tendant à l'abandon à sa naissance par sa mère porte atteinte au principe d'ordre public de l'indisponibilité du corps humain et à celui de l'état des personnes et constitue un détournement de l'institution de l'adoption ?

Certes, pas encore. Mais, l'intérêt supérieur de l'enfant, consacré par la Convention de La Haye, obligerait, ainsi, le législateur français à se confronter non seulement aux droits internationaux de l'enfant, mais, de manière plus pragmatique, le confronterait à son isolement progressif sur cette question. A partir du moment où, mondialisation aidant, des candidats à "l'expatriation gestatrice" se rendent aux Etats-Unis, en Grèce, en Israël, en Russie, en Argentine, au Chili ou au Canada, et recourent à la maternité pour autrui, pour avoir, enfin, un enfant, et peuvent voir leur parenté reconnue en Afrique du Sud, en Australie, au Brésil, en Belgique, au Danemark et aux Pays-Bas... Quelle force et quelle légitimité internationale peut bien recouvrir la prohibition française du recours aux mères porteuses (terme impropre, mais ainsi communément admis) ?

"La mère porteuse ne prostitue pas plus son corps que la nourrice ne prostitue son lait", avait déclaré la pédiatre et psychanalyste française Françoise Dolto en 1984. Face à un défaut congénital (comme dans le syndrome de Rokitansky), à une hystérectomie, à un syndrome d'Asherman ou à des léiomyomes, comment empêcher des couples de recourir à cette voie de procréation et comment leur dénier tout lien de parenté/filiation avec l'enfant tant désiré et qui vit, au terme d'une procédure contentieuse longue, depuis des années avec les parents qu'une autorité légale étrangère a reconnus comme tels ?

Le débat entre intérêt supérieur de l'enfant menacé "d'amatrie", à l'image de ses apatrides dépourvus de Mère-Patrie, et marchandisation du corps humain risque d'alimenter, encore, la société et les prétoires en attendant une prochaine loi bioéthique prévue en 2009 ?

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