La lettre juridique n°262 du 31 mai 2007 : Habitat-Logement

[Textes] Commentaire de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable

Réf. : Loi n° 2007-290, du 5 mars 2007, instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale (N° Lexbase : L5929HU7)

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[Textes] Commentaire de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3209147-textes-commentaire-de-la-loi-du-5-mars-2007-instituant-le-droit-au-logement-opposable
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le 07 Octobre 2010

La loi n° 2007-290 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale (1) a été adoptée, dans le cadre d'une procédure d'urgence, le 5 mars 2007. Ce texte comporte soixante-quinze articles regroupés en deux chapitres ; l'un consacré au droit au logement, l'autre à des dispositions en faveur de la cohésion sociale. La loi garantit à toute personne qui réside sur le territoire français de façon régulière et stable le droit à un logement décent et indépendant.
La loi du 5 mars 2007 instaure une procédure spécifique de mise en oeuvre du droit au logement opposable. Cette procédure ouvre, dans un premier temps, des voies de recours amiables devant une commission de médiation puis, dans un second temps, des voies de recours contentieuses, devant le tribunal administratif. Ne pourront, toutefois, s'en prévaloir que les demandeurs, de bonne foi, qui justifient d'une absence de réponse, de la part des bailleurs, tenant compte de leur situation familiale et de leurs ressources. Les personnes visées, dont le nombre est estimé par le ministre du Logement et de la Cohésion sociale entre 300 et 400 000, pourront saisir, sans condition de délai, la commission de médiation départementale. I. La notion de droit au logement opposable et le rôle prééminent de l'Etat en tant que garant de ce droit

A. La notion de droit au logement opposable

1) Un droit qui doit être distingué du droit à l'hébergement

Les contours du droit au logement opposable doivent être précisés. Il s'agit du droit à obtenir un logement décent et indépendant ou à se maintenir dans un tel logement et non pas simplement, comme dans la loi "Besson" (loi n° 90-449 du 31 mai 1990 N° Lexbase : L2054A4T), à obtenir une aide à cet effet ou pour y disposer de la fourniture d'eau, d'énergie et de services téléphoniques. En outre, une distinction claire doit être établie entre le droit à un logement et le droit à l'hébergement, plus précisément le droit à un accueil dans une structure d'hébergement, un établissement ou logement de transition ou un logement-foyer. Le droit à l'hébergement constitue, en fait, le premier niveau du droit au logement.

2) Un droit "opposable"

Sur un plan purement juridique, la terminologie utilisée peut d'abord surprendre. En effet, si l'expression de "droit opposable" présente un sens apparemment fort dans le langage courant et bénéficie, donc, d'une "légitimité extra-juridique" (2). La connotation de cette opposabilité renvoie pour tout un chacun, en effet, à la possibilité de réclamer l'application du droit. Au sens juridique cependant, on aurait tendance, soit à considérer la notion d'opposabilité comme complètement inutile, puisque liée à la notion même de droit, soit à la considérer comme détournée, car non utilisée à propos stricto sensu (3). La difficulté vient de ce que ce droit constitue un droit fondamental, qu'il convient de rendre effectif. La loi du 5 mars 2007 tend, d'ailleurs, à préciser cette notion d'opposabilité par l'idée d'efficacité dans son chapitre premier.

Pour autant, c'est bien l'approche sociologique du terme "opposable" qui est ici essentielle. La loi du 5 mars 2007, en instituant un droit au logement qui est opposable, signifie, ainsi, que ce droit doit recevoir application et que l'Etat (en général) devra assumer la conséquence juridique, financière et morale de l'irrespect de l'ordre légal. Il y a donc, en quelque sorte, une obligation de résultat pour la puissance publique. Ainsi que l'écrit J. Monéger, "Le détour du raisonnement par l'opposabilité se veut explicatif du caractère ultime du recours à la solidarité quand les mécanismes normaux du droit civil des contrats ou du droit administratif des réquisitions et des attributions de logement ne permettent pas la satisfaction de la prérogative fondamentale de l'être humain selon la Constitution. [...] Il faut donc comprendre cette opposabilité comme un recours indispensable dans un ordre juridique de droit constitutionnel social et non comme un droit subjectif au sens classique du terme". Le droit au logement opposable s'apparente ainsi à un droit créance (à la différence d'un droit de créance) (4).

B. Le rôle prééminent de l'Etat en tant que garant du droit au logement opposable

1) L'autorité garante du droit au logement

En vertu de l'article L. 300-1 du Code de la construction et de l'habitation, l'Etat s'engage à garantir à toute personne qui réside sur le territoire français de façon régulière et stable le droit à un logement décent et indépendant. Il est cependant possible, à titre expérimental et pour une durée de six ans, que la garantie de ce droit soit dévolue à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre si celui-ci conclut une convention avec l'Etat, ses communes membres et les départements concernés (5). La convention aura pour objet de déléguer au président de cet établissement tout ou partie du contingent de logements réservés au préfet ainsi que la mise en oeuvre des procédures de lutte contre l'insalubrité, la ruine des immeubles et la présence de plomb. Parallèlement, la loi précise les conditions de mise en oeuvre du droit au logement opposable, à savoir les dates d'entrée en vigueur, la procédure à respecter et les dispositifs visant à accroître le parc locatif.

Le droit à un logement décent et indépendant mentionné à l'article 1er de la loi "Besson", reconnu à toute personne qui, résidant sur le territoire français de façon régulière et stable, n'est pas en mesure d'y accéder par ses propres moyens ou de s'y maintenir, tend donc à devenir une obligation de résultat incombant à l'Etat à l'égard de toute personne résidant sur le territoire français de façon régulière et dans des conditions de permanence qui seront définies par voie de décret. De même, toute personne accueillie dans une structure d'hébergement d'urgence doit pouvoir y demeurer, dès lors qu'elle le souhaite, jusqu'à ce qu'une orientation lui soit proposée. Cette orientation est effectuée vers une structure d'hébergement stable ou de soins, ou vers un logement, adaptés à sa situation. Il est à noter qu'il est fait une distinction importante entre l'hébergement (qui évoque une situation temporaire), et le logement.

Le principal instrument dont dispose l'Etat pour s'acquitter de cette obligation de résultat, et non plus de moyens, est le contingent de droits à réservation de logements locatifs sociaux dont dispose chaque préfet de département. Ce "contingent préfectoral" est fixé, par l'article R. 441-5 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L9259ABK), à 30 % du patrimoine du bailleur, dont 5 % pour les fonctionnaires et 25 % pour les personnes défavorisées (6). Le droit de réservation reconnu au préfet est, généralement, mis en oeuvre par convention avec les bailleurs sociaux, ce qui permet d'aboutir à une gestion concertée du parc social de logement. Sur le contingent ainsi réservé, le préfet dispose d'un droit de proposition, les bailleurs sociaux pouvant refuser les candidats qui leur sont présentés pourvu que leur refus soit motivé. Le préfet dispose, toutefois, d'un pouvoir de coercition en cas de blocage. Ajoutons que la loi n° 2004-809, du 13 août 2004, relative aux libertés et responsabilités locales (N° Lexbase : L0835GT4), a permis au préfet de déléguer au maire ou, avec l'accord de celui-ci, au président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'habitat, tout ou partie des droits à réservation de logements dont il bénéficie (7).

2) Un droit qui sera garanti progressivement

Les principales dispositions du chapitre 1er de la loi du 5 mars 2007 seront applicables à compter du 1er décembre 2008, pour les catégories les plus prioritaires, à savoir les personnes privées de logement, menacées d'expulsion sans relogement, accueillies dans des structures d'hébergement d'urgence, logées dans des habitations présentant un caractère insalubre ou dangereux, voire manifestement sur-occupées ou indécentes, lorsqu'il s'agit d'une famille avec au moins un enfant mineur, d'un demandeur qui présente un handicap au sens de l'article L. 114 du Code l'action sociale et des familles (N° Lexbase : L8905G8C) ou qui a à charge au moins une personne présentant un tel handicap. Ces dispositions seront, cependant, applicables à compter du 1er janvier 2012 seulement pour toutes autres personnes dont la situation répond aux conditions d'accès à un logement locatif social restées sans réponse au-delà d'un délai anormalement long.

Il faut, néanmoins, s'interroger sur la date à partir de laquelle les décisions de la commission de médiation pourront être considérées comme créatrices de droit, et par conséquent susceptibles de recours. Dans la mesure où l'article 7 de la loi du 5 mars 2007 (relatif au recours amiable et au recours juridictionnel) entrera en vigueur de manière graduée, pour certains demandeurs à compter du 1er décembre 2008 et pour certains autres à compter du 1er janvier 2012, ce n'est qu'à compter de ces dates que les décisions des commissions de médiation seront créatrices d'un droit au recours devant le juge administratif. Cependant, dans la mesure où l'obligation de loger les personnes reconnues prioritaires par la commission de médiation est une obligation qui pèse sur le représentant de l'Etat dans le département depuis la publication du projet de loi, les tribunaux administratifs ont à connaître, depuis le début de l'année 2007, du contentieux de l'annulation des décisions des commissions de médiation départementales.

II. La procédure de mise en oeuvre du droit au logement opposable

A. L'intervention préalable d'une commission de médiation

La loi du 5 mars 2007 ouvre la possibilité de saisir sans délai la commission de médiation prévue aujourd'hui dans les départements au profit des demandeurs de logements sociaux n'ayant pas obtenu d'offre de logement à deux nouvelles catégories de personnes défavorisées : les personnes dépourvues de logement (autrement dit, les "sans-abri") ; les familles avec enfants logées dans des logements indécents ou vivant en situation de sur-occupation.

1) La composition et le mode de saisine de la commission de médiation

Cette commission, dont la composition a été modifiée, devra être créée au plus tard le 1er janvier 2008 dans chaque département. Présidée par une personnalité qualifiée désignée par le préfet de département, elle comprendra à parts égales : des représentants de l'Etat, des représentants du département, des établissements publics de coopération intercommunale, visés à l'article L. 441-1 du Code de la construction et de l'habitation, et des communes, des représentants des bailleurs sociaux et des organismes chargés de la gestion d'une structure d'hébergement, d'un établissement ou d'un logement de transition, d'un logement-foyer ou d'une résidence hôtelière à vocation sociale et, enfin, des représentants des associations de locataires et des associations agréées dont l'un des objets est l'insertion ou le logement des personnes défavorisées oeuvrant dans le département. Cette commission pourra obtenir des bailleurs concernés toute information qui expliquerait l'absence de réponse à la demande qui leur a été présentée.

La commission de médiation pourra être saisie par toute personne qui, satisfaisant aux conditions réglementaires d'accès à un logement locatif social, n'a reçu aucune proposition adaptée en réponse à sa demande de logement dans le délai fixé en application de l'article L. 441-1-4 (N° Lexbase : L2007HPZ). En principe, la commission ne pourra donc être saisie qu'en l'absence de proposition de logement locatif social dans un délai anormalement long, fixé par arrêté préfectoral. Les délais en vigueur s'échelonnent de 6 mois à 36 mois en région parisienne. Elle pourra, toutefois, être saisie sans condition de délai lorsque le demandeur, de bonne foi, est dépourvu de logement, menacé d'expulsion sans relogement, hébergé ou logé temporairement dans un établissement ou un logement de transition, logé dans des locaux impropres à l'habitation ou présentant un caractère insalubre ou dangereux (8). Elle pourra également être saisie, sans condition de délai, lorsque le demandeur est logé dans des locaux manifestement sur-occupés ou ne présentant pas le caractère d'un logement décent, s'il a, au moins, un enfant mineur, s'il présente un handicap ou s'il a, au moins, une personne à charge présentant un tel handicap. Le demandeur pourra être assisté (et non représenté) par une association dont l'un des objets est l'insertion ou le logement des personnes défavorisées ou une association de défense des personnes en situation d'exclusion et agréée par le représentant de l'Etat dans le département.

2) Le rôle de la commission de médiation

Dans un délai qui sera fixé par décret, la commission de médiation désignera les demandeurs qu'elle reconnaît prioritaires et auxquels un logement doit être attribué en urgence. Elle détermine pour chaque demandeur, en tenant compte de ses besoins et de ses capacités, les caractéristiques de ce logement. Elle notifie par écrit au demandeur sa décision qui doit être motivée. Elle peut faire toute proposition d'orientation des demandes qu'elle ne juge pas prioritaires. La commission de médiation transmet au représentant de l'Etat dans le département la liste des demandeurs auxquels doit être attribué en urgence un logement. Le demandeur qui a été reconnu par la commission de médiation comme prioritaire et comme devant être logé d'urgence et qui n'a pas reçu, dans un délai fixé par décret, une offre de logement tenant compte de ses besoins et de ses capacités peut introduire un recours devant la juridiction administrative tendant à ce que soit ordonné son logement ou son relogement.

Lorsque la commission considèrera que la demande n'est pas prioritaire, elle pourra faire toute proposition d'orientation de cette demande. Lorsqu'elle la qualifiera de prioritaire, deux options seront ouvertes : ou bien la commission estime qu'une offre de logement n'est pas adaptée à la demande et elle indique au préfet qu'un accueil dans une structure d'hébergement, un logement de transition, un logement-foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale doit être proposé, ou bien une offre de logement est adaptée et la commission transmet au préfet la liste des demandeurs auxquels doit être attribué en urgence un logement. Après avis des maires des communes concernées, et en respectant les objectifs de mixité sociale, le préfet désignera chaque demandeur à un organisme bailleur disposant de logements adaptés à la situation de celui-ci. Il fixera, également, le délai dans lequel l'organisme devra formuler une proposition de logement. La loi précise que cette attribution s'imputera sur les droits à réservation du préfet dans le département.

B. L'intervention du juge administratif

1) Un recours et une procédure spécifiques

Le recours sera ouvert contre l'Etat (9). Il s'agira d'un recours sui generis consistant en une action en déclaration de droit, ce qui est différent d'un recours en indemnité ou d'un recours pour excès de pouvoir, même s'il ne sera pas éloigné d'un recours de "plein contentieux d'urgence", dans la mesure où le juge se voit confier des pouvoirs considérables d'injonction et d'astreinte. Le demandeur pourra être assisté (et non représenté) par une association dont l'un des objets est l'insertion ou le logement des personnes défavorisées ou une association de défense des personnes en situation d'exclusion et agréée par le représentant de l'Etat dans le département (10). Ce recours sera ouvert à compter du 1er décembre 2008 pour les cinq catégories de personnes les plus prioritaires (11). A compter du 1er janvier 2012, le recours sera ouvert pour les autres personnes éligibles au logement social qui n'ont pas reçu de réponse à leur demande de logement après un délai anormalement long. En l'absence de commission de médiation dans le département, le demandeur pourra exercer le recours juridictionnel si, après avoir saisi le représentant de l'Etat dans le département, il n'a pas reçu une offre tenant compte de ses besoins et de ses capacités dans un délai fixé par voie réglementaire (12).

En l'absence d'offre tenant compte des besoins et des capacités du demandeur dans un délai fixé par décret, celui-ci pourra donc exercer un recours devant le tribunal administratif. Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il désigne, statuera en urgence, dans un délai de deux mois à compter de sa saisine. Sauf renvoi à une formation collégiale, l'audience se déroulera sans conclusions du commissaire du Gouvernement (13). Le président du tribunal administratif, ou le juge qu'il désigne, lorsqu'il constatera que la demande a été reconnue comme prioritaire par la commission de médiation et doit être satisfaite d'urgence et que n'a pas été offert au demandeur un logement tenant compte de ses besoins et de ses capacités, pourra alors ordonner, sous astreinte, un logement, un relogement ou le cas échéant un accueil en structure adaptée par la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale selon la situation du requérant (14).

Précisons que le juge administratif n'aura pas à se préoccuper de savoir si le demandeur aurait dû ou non être considéré comme prioritaire par la commission de médiation. Cette question devra, en effet, être examinée dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dont pourront faire l'objet les décisions de la commission. Le juge administratif n'aura pas non plus à rechercher si une autre offre de logement, de relogement ou d'accueil dans une structure adaptée aurait pu être faite au demandeur. Il devra simplement dire si l'offre présentée tient compte de ses besoins et de ses capacités.

Le produit de l'astreinte sera reversé au fonds d'aménagement urbain de la région (15) où est située la commission de médiation saisie par le demandeur. Sachant que ce fonds a pour objet de redistribuer ces sommes aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale pour des actions foncières et immobilières en faveur du logement social, le caractère incitatif de cette mesure s'en trouve quelque peu réduit. Il est, toutefois, surprenant qu'une partie au moins du produit de l'astreinte ne soit pas versé au demandeur : cela revient à mettre en place un mécanisme où l'Etat finance, par le produit d'astreinte résultant de sa carence à proposer une solution de logement ou de relogement de personnes prioritaires, la construction de logements sociaux.

2) Une intervention dont l'efficacité est incertaine...

Si l'on évalue à près de 100 000 le nombre de personnes sans domicile fixe et à près de 700 000 le nombre de personnes confrontées à une grande précarité en matière de logement, cela représente déjà un stock potentiel de demandes considérable. Certes, il faut espérer que la plupart des demandes qui seront déposées par ces personnes pourront être satisfaites. Mais, même avec un taux marginal de recours contentieux, le nombre de requêtes qui devront être examinées et jugées par les magistrats administratifs sera sans doute très significatif. L'importance de ce nouveau contentieux est, d'ailleurs, à mettre en regard du nombre d'affaires jugées annuellement par les tribunaux administratifs, qui est actuellement de l'ordre de 166 000.

Il est difficile de comprendre comment, sans création massive de nouveaux logements, le juge administratif pourra ordonner le logement ou le relogement par l'Etat : si des solutions n'ont pu être mises en oeuvre préalablement par la commission de médiation et/ou par le préfet, quelles solutions s'offriront au juge administratif ? Ce recours sera-t-il suivi d'effet ? La menace d'une astreinte est-elle réellement contraignante ? D'autant que le produit de l'astreinte est versé par l'Etat à un fonds d'aménagement urbain... Ce fonds, institué dans chaque région, pourra ainsi subventionner toute action foncière ou immobilière en faveur du logement locatif social.

Si la loi met l'accent sur la médiation qui sera un préalable incontournable du recours à la voie contentieuse (excepté dans les régions où une commission de médiation n'aurait pas été créée, malgré l'obligation légale mise à la charge des régions...), il n'en demeure pas mois que l'une des réelles nouveautés instituées par ce texte est le recours devant le juge administratif en cas d'avis favorable de la commission de médiation non suivi d'effet dans un délai raisonnable.

Il est regrettable que les personnes en situation précaire ne puissent se faire représenter par des associations (seul un mécanisme d'assistance étant prévu), et que l'astreinte qui peut être ordonnée par le juge administratif ne leur bénéficie pas en partie, ce qui leur aurait peut être permis de s'acquitter, ne serait-ce que temporairement, du paiement d'un loyer. Il est, également, indispensable que l'Etat garantisse la création de nouveaux logements sociaux permettant d'accueillir les sans-abris ou les "mal-logés". Au-delà de ces mesures, la loi prévoit donc de nouvelles dispositions pour accroître l'offre de logements.

3) ... et sera elle-même créatrice d'autres contentieux

Les demandeurs qui n'auront pas été considérés comme prioritaires par la commission de médiation pourront former un recours pour excès de pouvoir, dans les conditions de droit commun, soit dans un délai de deux mois après notification de la décision de celle-ci (16). En outre, les demandeurs ayant été jugés prioritaires par la commission, et n'ayant obtenu du préfet l'attribution d'un logement, pourront former un recours en responsabilité contre l'Etat. Ce contentieux, outre son effet sur le volume d'activité des juridictions administratives, aura sans doute également un coût pour l'Etat. Ce coût ne peut, cependant, être chiffré, car il dépendra à la fois du nombre de requêtes et de la jurisprudence qui sera dégagée par le juge, selon qu'il considérera que la responsabilité de l'Etat peut en l'espèce être engagée uniquement pour faute lourde, pour faute simple, ou sans faute.

Dès lors, l'article 7 de la loi du 5 mars 2007, qui ne crée à proprement parler qu'une seule nouvelle voie de recours contentieux, suscitera l'apparition de contentieux périphériques tout aussi importants en volume..

Conclusion

Il faut d'abord souligner qu'une partie notable des personnes pas ou mal logées ne bénéficiera pas du droit au logement opposable. En effet, ce droit ne vaut que pour les nationaux et les détenteurs d'un titre de séjour. En sont, en revanche, exclus les étrangers en situation irrégulière, les demandeurs d'asile en attente de décision, les "touristes" ainsi que certains étudiants. Or, corrélativement, selon une étude de l'INSEE (17), parmi les 86 000 sans logis, le taux d'étrangers est 4 fois supérieur à la moyenne nationale (l'étude reposant sur le fait de parler la langue française, il est probable que le chiffre réel soit encore plus élevé). Sachant que le taux d'étrangers est de 5,5 % dans la population générale, on peut sans doute l'évaluer à 20 à 30 % des sans abris, ce qui signifie qu'une proportion importante de ces derniers ne pourra revendiquer le bénéfice d'un logement.

Par ailleurs, nous l'avons vu, le but poursuivi par le Gouvernement est d'aboutir, par la voie du recours juridictionnel exercé, à ce que le demandeur, ayant dûment justifié de ses droits, bénéficie effectivement d'un logement grâce à une décision juridictionnelle déclarant son droit personnel au logement, prononçant une injonction et soumettant l'autorité en charge de la politique de l'Etat à une astreinte. Cette ambition, certes légitime, laisse cependant en suspens plusieurs questions. Ainsi, en cas d'absence de logement, si la décision envisagée tend à rendre effectif le droit reconnu du fait de l'astreinte, se pose la question du logement du titulaire de ce droit pendant le délai d'exécution ? Celui-ci, s'il n'est pas immédiatement satisfait, ne sera-t-il pas tenté de former un nouveau recours ? N'y a-t-il pas ainsi le risque que la décision juridictionnelle reste finalement, pendant un certain temps, un voeu pieux ? Par ailleurs, au cas où existent des logements vides, quelle pourra être la démarche du juge ? N'y aura-t-il pas la possibilité d'un nouveau recours ou de l'invocation d'un tel fait en cas de demande d'exécution ?

Frédéric Dieu
Commissaire du Gouvernement près le tribunal administratif de Nice (1ère ch.)


(1) JO n° 55 du 6 mars 2007, p. 4190, texte n° 4.
(2) J. Monéger, Regards sur le projet de loi relatif au droit opposable au logement, JCP éd. G du 24 janvier 2007, actualité n° 40.
(3) Cf. à cet égard J. Moreau, Vous avez dit : opposable ?, JCP éd. A du 15 janvier 2007, actualité n° 39.
(4) Soulignons d'ailleurs que le droit positif reconnaît déjà à ce droit au logement une substance juridique opposable. Mieux, le droit positif en fait un droit effectif dans les relations locatives sous de multiples facettes. Ainsi, l'attribution des logements sociaux suit, en principe, des normes précises au motif qu'elle participe à la mise en oeuvre du droit au logement et de la mixité sociale (CCH, art. L. 441 et s. N° Lexbase : L2003HPU). Si les critères étaient bien respectés, les plus démunis seraient les attributaires qui viendraient remplacer ceux qui restent locataires pour améliorer leur pouvoir d'achat. Il en est de même des dispositions régissant l'éviction d'un logement. Le représentant de l'Etat joue un rôle dans le contrôle de l'éviction comme dans celui de l'expulsion. Il est même une sorte de garant du paiement d'une partie du loyer impayé s'il refuse de prêter main forte à l'expulsion en temps approprié. On sait, en effet, que la loi n'autorise pas l'expulsion pendant l'hiver. La même idée est aujourd'hui sous-jacente à la réquisition de logement vacant.
(5) CCH, art. L. 301-5-1 (N° Lexbase : L8291HWY).
(6) Aux termes de cet article : "Le préfet peut exercer le droit de réservation qui lui est reconnu par l'alinéa 3 de l'article L. 441-1 lors de la première mise en location des logements ou au fur et à mesure qu'ils se libèrent. La réservation donne lieu à une convention avec l'organisme d'habitations à loyer modéré. A défaut, elle est réglée par arrêté du préfet. Le total des logements réservés par le préfet au bénéfice des personnes prioritaires ne peut représenter plus de 30 % du total des logements de chaque organisme, dont 5 % au bénéfice des agents civils et militaires de l'Etat. Un arrêté du préfet peut, à titre exceptionnel, déroger à ces limites pour une durée déterminée, pour permettre le logement des personnels chargés de mission de sécurité publique ou pour répondre à des besoins d'ordre économique".
(7) Aux termes de l'article L. 441-1 du Code de la construction et de l'habitation : "Le représentant de l'Etat dans le département peut, par convention, déléguer au maire ou, avec l'accord du maire, au président d'un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'habitat tout ou partie des réservations de logements dont il bénéficie, au titre du précédent alinéa, sur le territoire de la commune ou de l'établissement".
(8) Rappelons que la loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement (N° Lexbase : L2466HKK) avait déjà permis à trois catégories de demandeurs de saisir la commission de médiation sans condition de délai : les personnes menacées d'expulsion sans relogement, les personnes hébergées temporairement et les personnes logées dans un "taudis" ou une habitation insalubre. La loi du 5 mars 2007 remplace la catégorie des personnes "logées dans un taudis ou une habitation insalubre", par celle des personnes "logées dans des locaux impropres à l'habitation ou présentant un caractère insalubre ou dangereux".
(9) Un débat important a eu lieu au Sénat pour savoir, dans le cas où le contingent de réservation de logements sociaux préfectoral (prévu par l'article L. 441-1 du Code de la construction et de l'habitation N° Lexbase : L2004HPW) est délégué par le préfet à une commune ou un établissement public de coopération intercommunale, à qui dans les faits incomberont les obligations de logement. Contrairement aux dispositions du texte initial du projet de loi, le Sénat a décidé qu'en tout état de cause, qu'il y ait ou non délégation du contingent, c'est toujours le préfet qui assumerait cette responsabilité.
(10) Ce dernier devra assurer aux demandeurs concernés l'accès aux informations relatives à la mise en oeuvre du droit au logement.
(11) Il s'agit des personnes dépourvues de logement, des personnes menacées d'expulsion sans relogement, des personnes hébergées temporairement, des personnes logées dans des locaux impropres à l'habitation ou présentant un caractère insalubre ou dangereux, des ménages avec enfants mineurs ne disposant pas d'un logement décent ou en sur-occupation et, enfin, des personnes handicapées ou vivant avec une personne handicapée.
(12) Le syndicat de la juridiction administrative (SJA) n'a pas été entendu sur ce point puisqu'il contestait la possibilité de saisine directe du juge administratif dans les départements non dotés d'une commission départementale de médiation. Selon le SJA, la loi du 29 juillet 1998 impose la création d'une telle commission dans tous les départements : il appartiendrait, donc, aux préfets d'assurer l'application de cette loi sur l'ensemble du territoire.
(13) Ici encore, les observations du syndicat de la juridiction administrative n'ont pas été prises en compte : ce dernier critiquait le recours à un juge unique sans commissaire du Gouvernement pour une procédure de fond.
(14) La commission départementale de médiation n'émet qu'un avis ; elle n'est pas une autorité ; par ailleurs, les motifs de refus peuvent être variés, qu'ils soient liés au logement (absence de logement, absence de logement adapté), au choix préférentiel d'un autre demandeur, ou à la personne elle-même (critères non remplis, éventuellement motifs de forme). Cependant, le tribunal administratif ne sera pas saisi dans les seuls cas où la commission a émis un avis déclarant prioritaire le requérant.
(15) Ces fonds, déjà destinataires de recettes prélevées sur le produit de la taxe foncière sur les propriétés bâties, de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, de la taxe d'habitation et de la taxe professionnelle, financent pour les communes et les EPCI des actions foncières et immobilières en faveur du logement social.
(16) En effet, dans la mesure où la décision positive de la commission de médiation sera créatrice de droits, les personnes n'obtenant pas une telle décision pourront exercer un recours contre la décision de la commission de médiation.
(17) Economie et Statistique n° 391-392, 2006.

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