La lettre juridique n°216 du 25 mai 2006 : Fonction publique

[Evénement] LOLF, rémunération, mobilité : quelle contribution à la performance publique ?

Réf. : Loi organique n° 2001-692, 1er août 2001, relative aux lois de finances (N° Lexbase : L1295AXA)

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le 07 Octobre 2010

Le 16 mai dernier, les Echos consacraient une conférence annuelle GRH et fonction publique à la LOLF (loi organique relative aux lois de finances) et son impact sur la rémunération et la mobilité des fonctionnaires. Articulée autour de plusieurs interventions et tables rondes, la conférence s'est, notamment, efforcée de rationaliser l'impact de la LOLF sur la gestion des ressources humaines de la fonction publique en s'interrogeant sur les moyens pour l'adapter à la culture de résultats. Adoptée en 2001, la nouvelle loi organique relative aux lois de finances (loi organique n° 2001-692, 1er août 2001 N° Lexbase : L1295AXA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2006. En modifiant les règles budgétaires de l'Etat, elle a nécessairement un impact sur les modalités de gestion des ressources humaines de l'Etat, dont le plus évident est la consécration d'une administration de résultats, appelée à suppléer progressivement l'administration de moyens existante. Ainsi, le "management par la performance", tel qu'il existe dans le secteur privé, tendrait à devenir également une réalité dans le secteur public. La mutation risque, cependant, de ne pas s'effectuer sans heurts et impose une nécessaire modernisation de la fonction publique qui va progressivement devoir s'adapter à une logique de résultats. La difficulté principale va, ainsi, être d'apprendre à la fonction publique un nouveau langage, s'articulant autour de termes qui, s'ils sont courants dans le secteur privé, pourraient heurter la sensibilité linguistique de certains agents publics. "Management", "performance", "objectifs", "mérite", autant de néologismes publicistes qui, pourtant, ont été mis en place bien avant l'entrée en vigueur de la LOLF. Mais, si les outils existent, certains ont vieilli. La difficulté risque, donc, d'être plus culturelle que proprement méthodologique, tant concernant l'évaluation (1), que la rémunération (2) ou encore la mobilité (3) des agents publics.

1. Comment évaluer les fonctionnaires ?

Les articles 2 et 3 du décret n° 2002-682 du 29 avril 2002, relatif aux conditions générales d'évaluation, de notation et d'avancement des fonctionnaires de l'Etat (N° Lexbase : L0969G8E), disposent que les fonctionnaires font l'objet d'une évaluation, qui comporte un entretien et qui donne lieu à un compte rendu. Cet entretien est conduit par le supérieur hiérarchique direct du fonctionnaire et porte, principalement, sur les résultats professionnels obtenus par le fonctionnaire au regard des objectifs qui lui ont été assignés et des conditions d'organisation et de fonctionnement du service dont il relève, sur ses besoins de formation compte tenu, notamment, des missions qui lui sont imparties et sur ses perspectives d'évolution professionnelle en termes de carrière et de mobilité, et peut, également, porter sur la notation.

- Rappel historique

Les objectifs d'évaluation sont, selon Jean-Luc Placet, président-directeur général d'IDRH, variés : manager la performance, donner du feed back au collaborateur, gérer l'emploi et les compétences, les carrières, la mobilité, identifier et gérer les potentiels, gérer l'évolution des rémunérations fixes et attribuer des rémunérations variables. Autant d'objectifs auxquels répondent des modalités d'évaluation multiples : évaluation du potentiel, évaluation à 180° et à 360°, entretien de carrière et entretien annuel managerial. Progressivement, donc, ont été mis en place des entretiens d'évaluation qui, selon les cas, remplacent ou se superposent à la notation.

Si l'on compare avec le secteur privé, à l'heure actuelle, comme le remarque le même intervenant, les différences portent essentiellement sur la sophistication des dispositifs mis en oeuvre. Le secteur privé recourt, par exemple, davantage à d'autres modalités que l'évaluation hiérarchique, la différence la plus marquante concernant les "people review" et l'évaluation par le chef de projet. En revanche, cette différence est moins évidente concernant l'évaluation collective. Au final, les difficultés ressenties dans la mise en oeuvre du dispositif sont partagées, qu'il s'agisse du manque de retombées pratiques dans la gestion des ressources humaines ou du sentiment d'essoufflement du système et de lassitude des acteurs.

- Que va-t'il changer avec la LOLF ?

Dans un souci de culture d'objectifs et de performance, avec l'entrée en vigueur de la LOLF, l'évaluation devient obligatoire avec un entretien pour définir les objectifs individuels (voir décret n° 2002-682 susmentionné). Si la nouvelle loi organique relative aux lois de finances peut, de prime abord, apparaître comme établissant un système bureaucratique, elle a, cependant, le mérite, comme le souligne Jean-Luc Placet, de mettre en place certains challenges, telle la prise de conscience par l'encadrement de ses responsabilités manageriales ou, encore, la professionnalisation des managers sur ce nouveau rôle.

Quatre modèles, selon le même intervenant, peuvent être suivis pour construire l'évaluation des personnels :

- une gestion de l'emploi et de la mobilité ;

- une gestion des carrières et des potentiels ;

- une mise sous tension manageriale ;

- une orientation résultats prépondérante, le collaborateur étant acteur de sa carrière.

Dans tous les cas, les conditions de la réussite sont les mêmes : il s'agit, notamment, d'appliquer les principes de la conduite du changement, c'est-à-dire favoriser le partage par tous du bien-fondé du principe et des modalités de l'évaluation ; former le management, les acteurs RH et les collaborateurs ; soigner la communication d'accompagnement ; veiller à l'exemplarité ; être clair sur les incidences de l'évaluation sur les processus ressources humaines (rémunération, promotion, formation...) et sur les marges de manoeuvre des managers.

2. Rémunération, primes individuelles et collectives : quelles marges de manoeuvre ? Quelle contribution à la performance ?

La rémunération des fonctionnaires est définie par l'article 20 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires (N° Lexbase : L5215AHM), qui dispose que les fonctionnaires ont droit après service fait à une rémunération, comprenant :

- le traitement de base (appelé aussi "traitement indiciaire"), fixé en fonction du grade de l'agent et de l'échelon auquel il est parvenu ou de l'emploi auquel il a été nommé ;

- l'indemnité de résidence, dont le montant est calculé en appliquant au traitement brut un taux variable selon la zone territoriale dans laquelle est classée la commune où l'agent exerce ses fonctions ;

- le supplément familial de traitement (SFT), attribué aux agents publics ayant au moins un enfant à charge au sens des prestations familiales. Le SFT comprend un élément fixe et un élément proportionnel au traitement brut, qui varie en fonction du nombre d'enfants à charge ;

- les primes et indemnités diverses (régime indemnitaire). Le ministère de la Fonction publique souligne, à cet égard, que "la complexité des régimes indemnitaires constituent en effet un obstacle à la transparence des rémunérations, à la mobilité, à l'égalité de traitement et à la qualité du dialogue social. La reconnaissance de la performance individuelle et collective est également un axe de cette refondation".

Plusieurs questions, concernant la mise en oeuvre d'une rémunération à la performance, peuvent se poser : la nécessité d'introduire une part variable dans la rémunération des fonctionnaires est-elle un pur effet de mode ? Quelle place accorder à cette part variable ? Comment l'attribuer ? Selon quels critères (intéressement, comme dans le secteur privé) ? Selon quelle procédure ?

Tous les intervenants s'accordent à reconnaître, tout d'abord, que la rémunération à la performance n'est pas un simple effet de mode. Ainsi, Jean-Jacques François, trésorier-payeur général à l'Agence centrale du Trésor, souligne le fait que la modulation des primes est ancienne et nécessaire. Il précise, en revanche, qu'elle ne doit pas être entendue comme une solution miracle mais davantage être considérée comme un outil parmi d'autres. Joël Fily, directeur de la Direction de l'administration de la police nationale, note, concernant la police, que le système est en place depuis 1926 ; et, depuis la loi n° 2002-1094 du 29 août 2002, d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, la culture du résultat est effective, notamment, au travers de la prime au mérite (N° Lexbase : L6285A4K). Enfin, Jean-Jacques Reynaud, directeur des ressources humaines de la ville d'Aix-en-Provence, s'aligne, également, sur ces positions : si les collectivités territoriales ne s'inscrivent pas dans le cadre de la LOLF, pour autant, la rémunération au mérite y est assez ancienne (notamment, avec les lois de décentralisation), même si la fonction publique territoriale a connu une longue période égalitariste marquée par des rémunérations liées au grade. Progressivement, donc, se mettent en place des dispositifs de gestion venant compléter le cadre statutaire existant, la nouveauté résidant essentiellement dans cette capacité à formaliser les choses.

La culture égalitariste est, ainsi, en pleine évolution et la fonction publique est, globalement, plutôt favorable à cette évolution tendant à valoriser la performance, qu'elle soit individuelle ou collective. La solution résiderait peut-être, comme le souligne Jean-Jacques Reynaud, à associer primes liées au grade et primes liées au niveau de responsabilité : des agents ayant le même grade mais pas les mêmes responsabilités n'auraient, ainsi, pas les mêmes primes. Cette nécessité de différencier le niveau de responsabilité des grades est essentielle.

Il faut, cependant, éviter de tomber dans un écueil, celui de croire que la prime au mérite est le seul moyen de reconnaître la performance des agents. Il existe d'autres outils, comme le bilan d'objectifs ou, encore, celui de compétence. La fonction publique n'est, en effet, pas prête, selon Jean-Jacques François à adopter un système de stimulation financière.

Enfin, il faut noter que la mise en place d'un tel système ne pourra se faire, d'une part, sans qu'il y ait de véritable transparence et une certaine objectivité, même s'il y a une dimension humaine à prendre en compte et, d'autre part, sans cultiver la logique de carrière propre à la fonction publique française.

3. Mobilité dans les fonctions publiques : comment la mettre en place ? comment l'intégrer dans les carrières ?

L'article 14 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires (N° Lexbase : L6938AG3), dispose que l'accès des fonctionnaires de l'Etat, territoriaux et hospitaliers aux deux autres fonctions publiques, ainsi que leur mobilité au sein de chacune de ces trois fonctions publiques, constituent des garanties fondamentales de leur carrière. Il précise qu'à cet effet, l'accès des fonctionnaires de l'Etat, territoriaux et hospitaliers aux deux autres fonctions publiques s'effectue par voie de détachement, suivi ou non d'intégration.

La mobilité, comme la rémunération, est un thème débattu de longue date. La LOLF a, cependant, permis, comme le remarque Yves Chevalier, chef de service à la Direction générale de l'administration et de la fonction publique, une certaine évolution du contexte.

Sur le plan statutaire, l'article 14 de la loi du 13 juillet 1983 dispose que la mobilité constitue une garantie fondamentale de la carrière de tout fonctionnaire (N° Lexbase : L5207AHC). Et la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005, portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique (N° Lexbase : L7061HEA), pose comme principe général l'ouverture de tous les corps et cadres d'emplois. Mais, au-delà de ces principes, il existe plusieurs obstacles :

- une multiplicité de corps d'état dans la fonction publique engendrant des difficultés pour y procéder. Selon le même intervenant, pour y remédier, l'effort volontariste de fusion de corps doit être poursuivi.

- un décalage indemnitaire important. Il faudrait, dans ce cas, selon Yves Chevalier, réexaminer au cas par cas les régimes indemnitaires, afin que le fixe ne diverge pas trop d'une administration à l'autre.

Surtout, cette mobilité doit être accompagnée et reconnue. Deux dispositifs doivent, à ce titre, être mis en place ou renforcés : l'institution d'un droit individuel à la formation dans les trois fonctions publiques (avec comme modèle le secteur privé) et la reconnaissance des acquis de l'expérience professionnelle (RAEP).

Enfin, comme le souligne Philippe Lottiaux, directeur général des services de la ville de Levallois-Perret, la mobilité est nécessaire dans la mesure où elle rend la fonction publique attractive et permet un redéploiement des agents. Pourtant, force est de constater qu'elle est, aujourd'hui, peu convoitée. Et de distinguer la mobilité interne, la mobilité externe et la mobilité public/privé :

- la mobilité interne : c'est-à-dire la mobilité au sein d'une même collectivité, d'un même corps ou d'une même filière, mais sur un autre poste, n'est pas si simple qu'elle peut paraître. Le même intervenant souligne, en effet, la lourdeur des procédures pour passer, dans la fonction publique territoriale, d'une filière à l'autre et l'inadéquation quantitative (la fonction publique manque de certaines compétences et regorgent d'autres) et qualitative (de plus en plus de bac + 5 pour des concours de catégorie C) des concours. Par ailleurs, outre des difficultés proprement organisationnelles, il existe un réel problème de mobilité verticale induit par un système de promotion et d'avancement de grade "archaïque", selon les propres termes de Philippe Lottiaux, rendant quasi impossible pour l'employeur de reconnaître ses agents les plus méritants. La "solution" consisterait à poursuivre la simplification dans les corps.

- la mobilité externe : c'est-à-dire la mobilité d'une fonction publique à l'autre ou entre collectivités. L'intervenant souligne, une nouvelle fois, plusieurs difficultés : si l'aspect psychologique ne doit pas être écarté, pas plus que les disparités financières et l'absence d'anticipation, il existe surtout un problème afférent aux mutations dont les employeurs se méfient, dans la mesure où elles sont définitives. Philippe Lottiaux se propose, afin d'y pallier, d'instaurer, concernant les mutations, une période d'essai, telle qu'elle existe dans le privé.

- la mobilité secteurs public/privé : cette mobilité induit plusieurs difficultés liées, essentiellement, à la règle du concours, à la limitation de la durée des contrats des non titulaires et à la méfiance persistance entre les secteurs public/privé. Elargir les possibilités de recourir aux contractuels et inciter les entreprises à accueillir des fonctionnaires pour permettre, ainsi, aux agents publics d'aller dans le privé, permettraient d'y remédier.


Compte-rendu réalisé par Fany Lalanne
SGR-Droit public

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