La lettre juridique n°191 du 24 novembre 2005 : Taxes diverses et taxes parafiscales

[Jurisprudence] Conformité de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat au droit communautaire

Réf. : CJCE, 27 octobre 2005, aff. C-266/04, Nazairdis SAS, devenue Distribution Casino France SAS c/ Caisse nationale de l'organisation autonome d'assurance vieillesse des travailleurs non salariés des professions industrielles et commerciales (N° Lexbase : A0982DLX).

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par Valérie Le Quintrec, Université de Bourgogne

le 07 Octobre 2010

Par un arrêt en date du 27 octobre 2005, la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) a jugé que les articles 87, § 1, du Traité CE et 88, § 3, du même Traité devaient être interprétés en ce sens qu'ils ne s'opposent pas à la perception d'une taxe, telle que la taxe française d'aide au commerce et à l'artisanat (TACA). En d'autres termes, la perception de la taxe française d'aide au commerce et à l'artisanat est autorisée par le droit communautaire. En l'espèce, plusieurs sociétés exploitantes de magasins de la grande distribution avaient chacune formé un recours dirigé contre l'Organic (Organisation Autonome d'Assurance Vieillesse des Travailleurs non salariés des professions Industrielles et Commerciales) devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Saint-Etienne, afin d'obtenir le remboursement des sommes qu'elles avaient versées au titre de la TACA.

Elles estimaient que cette taxe avait été instituée en violation des dispositions des articles 87, §1 et 88, § 3, du Traité CE.

Dans les affaires C-321/04 à C-325/04, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Saint-Etienne avait rejeté les recours des sociétés demanderesses. La cour d'appel de Lyon avait été, alors, saisie, mais avait décidé de surseoir à statuer. Par un arrêt du 24 février 2004, celle-ci avait, alors, demandé à la CJCE qu'elle se prononce sur la qualification en aide d'Etat ou non, au sens de l'article 87 du Traité CE, de la TACA recouvrée sur les parties demanderesses (CA Lyon, 24 février 2004, n° 03/03383, La société Casino France c/ Organic de recouvrement N° Lexbase : A8505DBM).

Dans les affaires C-266/04 à C-270/04, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Saint-Etienne avait décidé, également, de surseoir à statuer pour le même motif.

Par décisions du 5 avril 2004 (affaires C-266/04 à C-270/04 et C-276/04), le tribunal des affaires de sécurité sociale de Saint-Etienne avait posé à la CJCE la question préjudicielle suivante :

"L'article 87 du Traité CE doit-il être interprété en ce sens que les concours publics versés par la France dans le cadre du comité professionnel de la distribution des carburants (CPDC), du Fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce (Fisac), de l'aide au départ des artisans et commerçants et de la dotation aux régimes d'assurance vieillesse des travailleurs non salariés des professions industrielles et commerciales, ainsi qu'à celui des travailleurs non salariés des professions artisanales, constituent des régimes d'aide d'Etat ?"

Par ordonnance du président de la Cour du 24 septembre 2004, les présentes affaires ont été jointes.

Aux questions préjudicielles portant sur l'interprétation des articles 87 et 88 du Traité CE, la  Haute cour communautaire a conclu à la légalité de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat (TACA) au regard du droit communautaire et a, notamment, relevé l'absence de lien d'affectation contraignant entre la TACA et les régimes d'assurance vieillesse des artisans et des commerçants, ainsi qu'entre la TACA et les mesures financées par le Fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce (Fisac) et le Comité professionnel de la distribution des carburants (CPDC).

A titre liminaire, il est utile de préciser que la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat, créée par l'article 4 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés (N° Lexbase : L9212AZ9), est une taxe progressive, ayant pour finalité de financer une aide spéciale accordée aux commerçants impécunieux qui ont cessé toute activité et destinée à compenser de façon partielle la perte de leur fonds de commerce ou artisanal.

Elle est supportée directement par les magasins de détail situés en France, disposant d'une surface de vente supérieure à 400 m², et réalisant un chiffre d'affaires annuel supérieur à 460 000 euros. Les taux d'imposition sont progressifs en fonction du montant du chiffre d'affaires annuel par m².

Finançant, dans un premier temps, une aide spéciale compensatrice de départ en faveur de certains commerçants et artisans, cette dernière ayant été remplacée, par la suite, par une indemnité de départ, la TACA a permis de financer, également, les régimes d'assurance vieillesse de base des travailleurs non salariés des professions artisanales et des travailleurs non salariés des professions industrielles et commerciales, le Fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce (Fisac) et le Comité professionnel de la distribution des carburants (CPDC).

Dans l'affaire commentée, la TACA était perçue par la Caisse nationale de l'organisation autonome d'assurance vieillesse des travailleurs non salariés des professions industrielles et commerciales (Organic).

Les sociétés de la grande distribution, parties à la procédure, considéraient que les exonérations de taxe accordées à certains commerçants et artisans et la distribution d'"indemnité de départ" faisaient de ce régime une aide d'Etat non autorisée par la Commission, à défaut de notification préalable.

Il convient de rappeler que l'article 87 § 1 du Traité CE dispose que, sauf dérogations prévues par le présent Traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.

Par ailleurs, l'article 88 § 2 et 3, du Traité CE précise que si, après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations, la Commission constate qu'une aide accordée par un Etat ou au moyen de ressources d'Etat n'est pas compatible avec le marché commun aux termes de l'article 87 ou que cette aide est appliquée de façon abusive, elle décide que l'Etat intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu'elle détermine. La Commission doit, alors, être informée en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale.

Au vu des dispositions susvisées, les sociétés, parties à la procédure, estimaient que, dans la mesure où seuls les magasins de détail situés en France disposant d'une surface de vente supérieure à 400 m² et réalisant un chiffre d'affaires annuel supérieur à 460 000 euros sont assujettis à la TACA et que le paiement de cette taxe permet de financer le régime d'indemnité de départ à la retraite des commerçants et artisans, la légalité d'une telle taxe au titre du droit communautaire et, plus particulièrement, au regard des articles 87 et 88 du Traité CE doit être remise en cause.

Leur position était compréhensible dans la mesure où certains grands commerces non alimentaires voient leur imposition majorée dans des proportions considérables.

Or, dans un contexte de budgétisation de la TACA et du maintien de la dotation budgétaire du FISAC, il est aisé de comprendre que certains représentants du commerce estiment, aujourd'hui, que cette augmentation des taux rompt avec le principe de solidarité et d'entraide entre les professionnels du commerce qui fondait la création de cette taxe en 1972 et qui, pourtant, s'impose plus que jamais.

A l'opposé, la caisse, dans l'affaire en cause, estimait que le régime de retraite financé par la taxe d'entraide ne pouvait pas être une aide d'Etat déguisée, car, d'une part, l'aide est accordée à des commerçants ou artisans âgés ou invalides, aux revenus modestes, sous conditions préalables d'une cessation d'activité. Elle ne s'adresserait, donc, qu'à des particuliers. D'autre part, les cas d'exonération de la taxe ne seraient pas de nature à fausser le jeu normal de la concurrence entre les entreprises, car comme tout système de protection sociale fondée sur la solidarité professionnelle, cette taxe peut parfaitement être assise en fonction des capacités contributives de chaque entreprise et donner lieu au versement d'une aide au profit de non cotisants.

Les juridictions nationales ayant choisi de surseoir à statuer, il appartenait, dès lors, à la CJCE de trancher le différend opposant la caisse aux sociétés de la grande distribution, à savoir de déterminer si la TACA est une aide d'Etat légale au regard du droit communautaire.

Il convient de rappeler que constitue une aide d'Etat toute mesure nationale procurant un avantage à une entreprise ou à une ou plusieurs catégories d'entreprises (caractère sélectif de l'aide), accordé directement ou indirectement au moyen de ressources d'Etat et imputable à l'Etat (voir en ce sens, CJCE, 16 mai 2002, aff. C-482/99, République française c/ Commission des Communautés européennes N° Lexbase : A6926AY8). Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, la notion d'aide comprend les avantages consentis par les autorités publiques qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui, normalement, grèvent le budget d'une entreprise. A titre d'exemple, un dégrèvement partiel des charges sociales incombant aux entreprises d'un secteur industriel et commercial particulier constitue une aide au sens de l'article 87 §1, du Traité CE, si cette mesure est destinée à exempter partiellement ces entreprises des charges pécuniaires découlant de l'application normale du système général de prévoyance sociale, sans que cette exemption se justifie par la nature ou l'économie de ce système (voir en ce sens, CJCE, 5 octobre 1999, aff C-251/97, République française c/ Commission des Communautés européennes N° Lexbase : A0510AWS).

En revanche, la CJCE, dans un arrêt en date du 20 novembre 2003, a considéré que la taxe d'équarrissage mise en place en 1996, afin de financer le service public de collecte et d'élimination des cadavres d'animaux et des déchets d'abattoirs (service public d'équarrissage), participait d'un dispositif instaurant une aide d'Etat incompatible avec le droit communautaire (CJCE, 20 novembre 2003, aff. C-126/01, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ Gémo SA N° Lexbase : A1832DA4) ; J.-P. Lehman, La taxe d'équarrissage contraire au droit communautaire, Lexbase Hebdo n° 96 du 26 novembre 2003 - édition fiscale N° Lexbase : N9563AAG). Ce service étant gratuit pour les éleveurs et les abattoirs, ainsi que pour les petits détaillants, la CJCE a jugé que cette taxe constituait une aide d'Etat contraire au droit communautaire. A l'instar de la jurisprudence communautaire sur la taxe d'équarrissage, il était tout à fait possible de penser que la Cour allait suivre la même position quant à la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat. La Cour aurait, ainsi, pu considérer comme illégal au regard du droit communautaire le régime d'aide accordé aux petites surfaces financé par la TACA perçue auprès des grandes surfaces. En effet, il est patent que le but même du financement du régime de retraite susvisé est de soutenir les petits commerçants et artisans face aux grandes surfaces (lire Fabien Girard de Barros, Taxe d'entraide au commerce et à l'artisanat : la "théorie des dominos" en action ?, Lexbase Hebdo n° 118 du 29 avril 2004 - édition fiscale (N° Lexbase : N1378ABH).

Toutefois, la Cour a estimé que la perception de la TACA ne venait pas fausser le jeu de la concurrence entre les grandes et petites surfaces. Estimant qu'il n'existe pas de lien d'affectation contraignant entre la TACA et les différentes autre mesures financées par l'excédent du produit de cette taxe, la CJCE n'a pas condamné ce régime d'aide et la taxe y afférente. C'est pourquoi, elle n'a pas accueilli la demande de remboursement de la TACA payée par les sociétés de la grande distribution.

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