La lettre juridique n°184 du 6 octobre 2005 : Droit financier

[Textes] Parlez-vous prospectus ?

Réf. : Arrêté du 1er septembre 2005, portant homologation de modifications du règlement général de l'Autorité des marchés financiers (N° Lexbase : L9585HBM)

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le 07 Octobre 2010

L'obligation, pour les émetteurs, de faire traduire l'intégralité du prospectus dans toutes les langues officielles, décourage les offres au public et les négociations multinationales. Pour faciliter les offres transfrontalières, la directive Prospectus (1) a cherché à favoriser la reconnaissance des prospectus rédigés dans "une langue usuelle dans la sphère financière internationale" (2). De manière à se conformer au cadre normatif institué par le texte communautaire, les modifications du Règlement général de l'AMF liées à la transposition de la directive Prospectus introduisent, notamment, l'obligation de faire figurer un résumé au début du prospectus. Ce résumé présente les principales caractéristiques de l'émetteur, de l'opération envisagée ainsi que les facteurs de risques. Conformément aux dispositions de l'article 5 de la directive, le prospectus pourra, selon les cas, être rédigé en anglais avec un résumé traduit en français (1). Doit-on s'en réjouir (2) ? 1. Une transposition fidèle de la directive

La mise en place du système de passeport européen a conduit à la suppression des dispositions relatives aux demandes de reconnaissance de prospectus (3). Le résumé et la langue du prospectus sont désormais régis par les articles 212-7 (N° Lexbase : L5272G8R) et 212-8 (N° Lexbase : L5273G8S) du Règlement général de l'AMF.

Ce dernier article dispose que le prospectus visé par l'AMF est rédigé en français quand est "réalisée uniquement en France ou dans un ou plusieurs autres Etats membres de la Communauté européenne ou parties à l'accord sur l'Espace économique européen, y compris en France", une cession ou une émission portant sur :

- des titres de capital ;
- des titres donnant accès au capital au sens de l'article L. 212-7 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L9859GQ9) ;
- des titres de créance dont la valeur est inférieure à 1 000 euros et dont l'échéance est inférieure à 12 mois ;
- des instruments financiers autres que ceux mentionnés aux I et II de l'article L. 621-8 du Code monétaire et financier (4) (N° Lexbase : L8005HB4).

Le prospectus peut, néanmoins, être rédigé en anglais avec une traduction française du résumé :

- lorsque l'offre porte sur les titres de créance suivants :

  • les titres de créance dont le nominal est supérieur ou égal à 1 000 euros et l'échéance est inférieure à 12 mois, 
  • les warrants, 
  • les titres de créance ne donnant pas accès au capital de l'émetteur ;

- lorsque l'émetteur a son siège dans un pays non partie à l'accord sur l'Espace économique européen et que l'offre est réservée aux salariés des filiales françaises.

Lorsque l'admission sur un marché réglementé est prévue uniquement en France ou dans un ou plusieurs autres Etats membres de la Communauté européenne ou parties à l'accord sur l'Espace économique européen, y compris en France, le prospectus visé par l'AMF est rédigé en français ou en anglais avec un résumé traduit en français. En revanche, aucune traduction n'est requise lorsque l'admission concerne des titres de créance dont le nominal est supérieur à 50 000 euros ou à la contre-valeur de ce montant en devises.

Enfin, lorsque l'AMF n'est pas l'autorité compétente pour viser le prospectus mais que l'opération est prévue en France, le prospectus est rédigé et publié en français ou dans une autre langue usuelle en matière financière. Dans ce dernier cas, le résumé doit être traduit en français.

2. Une protection efficace de l'investisseur ?

La possibilité de demander une traduction a été mise en place dans un souci évident de protection des investisseurs non professionnels. A ce titre, MM. les professeurs Mousseron rappellent, à juste titre, que "l'enjeu de la langue tient en effet, à la protection effective des consommateurs". Ceci explique pourquoi cette faculté n'a pas été prévue pour les valeurs mobilières dont la valeur unitaire est au moins égale à 50 000 euros. S'agissant des valeurs mobilières négociées par des professionnels, une protection semble, en effet, inutile.

On peut, cependant, s'interroger sur la protection effective de l'investisseur non-professionnel en présence d'une traduction du résumé. On ne saurait perdre de vue que le résumé est limité à 2 500 mots et qu'il indique uniquement les principales caractéristiques et les principaux risques. En pratique, il semble vraisemblable que l'investisseur non professionnel fondera sa décision de souscrire à des titres sur les informations fournies par le résumé et donc, d'une certaine façon, sur "un prospectus au rabais" (5). En cas de contestation, ce dernier se verrait qualifié de négligeant puisque le résumé ne constitue qu'"une introduction au prospectus" (6) et que "toute décision d'investir dans les instruments financiers qui font l'objet de l'opération doit être fondée sur un examen exhaustif du prospectus" (7). Ce raisonnement, qui ne manquera pas d'être développé, est-il susceptible de "renforcer, conjointement aux règles de conduite, la protection des investisseurs" (8) ? On peut en douter, d'autant que l'objection consistant à soutenir que l'investisseur non professionnel ne consulte de toute manière pas le prospectus est critiquable : une absence fréquente de consultation ne justifie en rien une complication de la tâche, pour ceux souhaitant procéder à ce type d'examen.

En tout état de cause, en autorisant l'établissement du prospectus en anglais, sans qu'une traduction soit nécessaire, le Règlement général de l'AMF aboutit à mettre les "risques linguistiques" (9) à la charge de l'investisseur. Ces risques comprennent, notamment, les divergences d'interprétation de certains termes anglais dans différents pays ou plus simplement, l'absence d'équivalents de certains mécanismes anglo-saxon en droit français (10). Notons, enfin, que la responsabilité de l'émetteur ne pourra être recherchée que dans des hypothèses exceptionnelles, puisque l'article 212-8 du Règlement général de l'AMF (N° Lexbase : L5273G8S) précise que "les personnes qui ont présenté le résumé, y compris le cas échéant sa traduction et en ont demandé la notification au sens de l'article 212-42, n'engagent leur responsabilité civile que si le contenu du résumé est trompeur, inexact ou contradictoire par rapport aux autres parties du prospectus".

Aurait-il pu en être autrement ? Rien n'est moins sûr pour autant. On se souvient que la décision "Géniteau" (11) avait entraîné, selon un rapport du Sénat, une diminution par 3 ou 4 du nombre d'émissions réalisées à Paris (12). La compétitivité de la place financière française mérite, sans doute, quelques entorses aux velléités protectrices de l'AMF.

Guilain Hippolyte
Avocat à la cour


(1) Directive 2003/71/CE du 4 novembre 2003 concernant le prospectus à publier en cas d'offre au public de valeurs mobilières ou en vue de l'admission de valeurs mobilières à la négociation (N° Lexbase : L4456DMY) et modifiant la directive 2001/34/CE (N° Lexbase : L8094AUC )
(2) Considérant 18 de la directive dite "prospectus". La COB avait indiqué, dès 1997, que la langue usuelle en matière financière ne saurait être que l'anglais (Les entretiens de la COB, Table ronde, 1997).
(3) En présence d'une demande de reconnaissance d'un prospectus pour l'admission de titres aux négociations, l'ancien article 211-20 du Règlement général de l'AMF, désormais supprimé, disposait que "le prospectus peut, dans ce cas, être rédigé dans une langue usuelle en matière financière autre que le français, à condition qu'il soit accompagné d'un résumé en Français". Exactement la même réglementation s'appliquait, en présence d'une demande de reconnaissance d'un prospectus, pour une offre faite au public en France aux termes de l'ancien article 214-18 du Règlement général de l'AMF (N° Lexbase : L5287G8C), désormais supprimé.
(4) Les titres donnant le droit d'acquérir ou de vendre tout autre titre ou donnant lieu à un règlement en espèces, notamment les warrants, seraient exclus.
(5) L. Ruet, L'usage du français n'est-il plus obligatoire en France s'agissant des marchés réglementés ?, Bulletin Joly Bourse, mars-avril 2001, p.145.
(6) RG AMF, art. 212-8, III, 1° (N° Lexbase : L5273G8S).
(7) RG AMF, art. 212-8, III, 2°.
(8) Considérant 18 de la directive dite "prospectus".
(9) J.M. et P. Mousseron, La langue du Contrat, Mélanges Cabrillac, Dalloz-Litec, 1999, p. 218.
(10) J.M. et P. Mousseron, précités. Ils citent à titre d'exemple le terme "termination" généralement traduit par résiliation mais qui pourrait tout aussi bien viser d'autres hypothèses de fin de contrat.
(11) CE, 20 décembre 2000, n° 213415, M. Géniteau (N° Lexbase : A1940AIP). Le Conseil d'Etat avait été saisi par un épargnant qui estimant que les dispositions des règlements violaient la loi n° 94-665 du 4 août 1994, relative à l'emploi de la langue française (N° Lexbase : L5290GUH), en ce qu'elles ouvraient la possibilité aux émetteurs de rédiger leurs prospectus dans une langue financière usuelle en matière financière et leur permettaient de n'établir qu'un résumé en langue française. Or, l'article 2 de la loi "Toubon" dispose que, "dans la désignation, l'offre, la présentation, le mode d'emploi ou d'utilisation, la description de l'étendue et des conditions de garantie d'un bien ou d'un service [...] l'emploi de la langue française est obligatoire". Plus loin, l'article 4 dispose que dans tous les cas où les mentions, annonces et inscriptions prévues, notamment à l'article 2 "sont complétées d'une ou plusieurs traductions, la présentation en français, doit être aussi lisible, audible ou intelligible que la présentation en langue étrangère" Sans qualifier précisément la nature du prospectus, le Conseil d'Etat avait estimé qu'il tombait sous le coup de cet article 2. Afin de se conformer à cet arrêt, la COB avait logiquement indiqué "qu'elle n'apposerait désormais plus son via sur des prospectus établis par des émetteurs tant français qu'étrangers que s'ils ne sont rédigés intégralement en Français". Un prospectus pouvait donc, suivant la jurisprudence du Conseil d'Etat, être rédigé en version bilingue français/anglais, sous réserve que la version française soit aussi lisible et intelligible que la version anglaise. Face aux risques de pertes de compétitivité du marché parisien en raison d'un surcoût et d'une perte de temps liés à la traduction, le législateur avait ainsi complété l'article L. 412-1 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L8024HBS) : "ce document doit être rédigé en français ou, dans les cas définies par le règlement mentionné ci-dessus, dans une autre langue usuelle en matière financière. Il doit alors être accompagné d'un résumé rédigé en français dans les conditions déterminées par le même règlement" (loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 dite "Murcef" N° Lexbase : L0256AWE).
(12) Voir H. de Vauplane et J.-J. Daigre, MURCEF, Prospectus, Utilisation de la langue Française, Banque et Droit, janvier-février 2002.

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