Comment concilier les impératifs de santé publique et le respect des libertés individuelles en matière de tabagisme ? Au vu d'un arrêt de la Cour de cassation rendu le 29 juin 2005, il semble que la question ne se pose plus en ces termes et que prime, désormais, par dessus tout, la protection des non-fumeurs. En effet, la Cour de cassation impose désormais à l'employeur une "
obligation de sécurité de résultat vis-à-vis de ses salariés en ce qui concerne leur protection contre le tabagisme dans l'entreprise". L'apposition de panneaux d'interdiction de fumer dans le bureau ne suffit pas. Il faut qu'effectivement, l'exposition des travailleurs aux fumées de tabac cesse. Peu importent, alors, les mesures utilisées par l'employeur pour parvenir à cet objectif : de l'interdiction totale de fumer dans l'entreprise à la mise en oeuvre d'un plan d'aménagement, en passant par les aides psychologiques à l'arrêt du tabac, on peut tout imaginer pourvu que les non-fumeurs soient effectivement à l'abri des fumées de tabac. En négligeant cette obligation, l'employeur commet une faute justifiant la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié. Cette solution s'inscrit dans le cadre d'une jurisprudence très protectrice des non-fumeurs. La cour d'appel de Rennes avait déjà considéré, le 16 mars 2004, que le salarié pouvait exercer son droit de retrait, prévu par l'article L. 231-8 du Code du travail, dès lors que les mesures prises pour aménager des espaces non fumeurs dans l'entreprise étaient nettement insuffisantes. Le tabac constitue donc bel et bien un "
danger grave et imminent pour la vie ou la santé". Aujourd'hui sanctionné parce qu'il n'avait pas efficacement répondu aux demandes d'une salariée, l'employeur pourrait demain être poursuivi parce qu'il n'aurait pas pris les devants pour prévenir le tabagisme passif, indépendamment même de toute réclamation d'un de ses employés. Et si l'on allait plus loin, on pourrait imaginer, un jour, voir un employeur condamné au titre de la législation sur les maladies professionnelles s'il n'avait pas protégé les salariés, atteints de pathologies liées au tabac, contre les émanations toxiques de leurs collègues fumeurs... Les éditions juridiques Lexbase vous proposent de lire, cette semaine, le point de vue de
Nicolas Mingant, Ater en droit privé à l'Université Montesquieu Bordeaux IV.
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