Réf. : Cass. mixte, 22 avril 2005, n° 02-18.326, Chronopost SA c/ KA France SARL (N° Lexbase : A0025DIR) et n° 03-14.112, SCPA Dubosc et Landowski c/ Chronopost SA (N° Lexbase : A0026DIS)
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par David Bakouche, Professeur agrégé des Facultés de droit
le 07 Octobre 2010
Comme on a déjà pu le souligner dans le cadre de cette chronique (1), toute la question consistait alors à savoir comment les magistrats allaient-ils apprécier cette faute lourde : subjectivement et, alors, tenir compte de la gravité du manquement du débiteur, de la négligence éventuelle avec laquelle il a pu agir ? Objectivement, comme a parfois été tenté de le faire la jurisprudence et, cette fois, déduire du manquement à l'obligation essentielle la faute lourde ?
Sans reprendre ici l'ensemble de la discussion, il importe, tout de même, à présent de signaler que, précisément, par deux arrêts importants du 22 avril dernier, rendus en Chambre mixte, la Cour de cassation a jugé, contrairement à ce qu'avait préconisé M. le premier avocat général, Régis de Gouttes, dans ses conclusions, d'une part, que la faute lourde de nature à tenir en échec la limitation d'indemnisation prévue par le contrat-type ne saurait résulter du seul fait pour le transporteur de ne pouvoir fournir d'éclaircissements sur la cause du retard (1ère espèce) et, d'autre part, que la faut lourde, caractérisée par une négligence d'une extrême gravité confinant au dol et dénotant l'inaptitude du débiteur de l'obligation à l'accomplissement de sa mission contractuelle, ne peut résulter du seul retard de livraison (2ème espèce).
La Cour de cassation a, ainsi, refusé de considérer que la faute lourde était caractérisée au seul motif que l'obligation inexécutée était essentielle et a entendu réaffirmer la définition classique de la faute lourde appréciée, subjectivement, à l'aune du comportement du débiteur. En tout état de cause, cette appréciation doit être approuvée, tant il est techniquement discutable de déduire du caractère essentiel de l'obligation inexécutée la faute lourde : intellectuellement, en effet, on ne voit pas en quoi la nature de l'obligation devrait commander la gravité de la faute commise. Une fois tranchée cette question tenant au mode d'appréciation de la faute lourde, on observera tout de même que la Cour de cassation se montre ici assez rigoureuse à l'égard du créancier et, en définitive, plutôt bienveillante à l'égard du débiteur puisqu'elle refuse de considérer, contrairement à ce qu'avait pourtant pu admettre l'Assemblée plénière par le passé (Cass. Ass. plén., 30 juin 1998, n° 96-11.866, M. Cabane et autres c/ Compagnie Air France N° Lexbase : A5731CKH, Bull. n° 2, JCP éd. G, 1998, II, 10146, note Delebecque), que l'incapacité du débiteur à fournir des éclaircissements sur les causes de l'inexécution contractuelle révèle une désorganisation de ses service et, donc, sa faute lourde.
(1) Brèves observations complémentaires sur la validité des clauses limitatives de responsabilité (à propos de la clause insérée dans ses contrats par la société Chronopost), Lexbase Hebdo n° 120 du 13 mai 2004 - édition affaires (N° Lexbase : N1538ABL) ; L'après Chronopost... (ou une clause limitative de responsabilité tenue en échec par la réglementation spéciale du contrat-type messagerie), Lexbase Hebdo n° 116 du 15 avril 2004 - édition affaires (N° Lexbase : N1225ABY) ; Les clauses limitatives de responsabilité et la société Chronopost : la suite !, Lexbase Hebdo n° 95 du 20 novembre 2003 - édition affaires (N° Lexbase : N9440AAU) ; La validité des clauses limitatives de responsabilité, Lexbase Hebdo n° 69 du 1er mai 2003 - édition affaires (N° Lexbase : N7069AA3).
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