La lettre juridique n°159 du 17 mars 2005 : Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] Recours au CDD et remplacement du salarié absent

Réf. : Cass. soc., 9 mars 2005, n° 02-44.927, Société GSF Pluton c/ Mme Guislaine Beauvais, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A1809DHH)

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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

le 07 Octobre 2010



Les employeurs considèrent généralement le régime applicable aux contrats à durée déterminée comme trop strict et souhaitent, notamment, un allongement de la durée fixée, en principe, à 18 mois. La question de la durée maximale de ce contrat ne se pose toutefois pas lorsque le recours au contrat à durée déterminée a pour objet le remplacement d'un salarié absent. Dans un arrêt en date du 9 mars 2005, et objet de la plus large publicité, la Chambre sociale de la Cour de cassation adopte une position de bon sens : seule compte l'absence du salarié, peu important les motifs de cette absence (1). Cette solution est parfaitement justifiée, même si des précisions complémentaires s'imposent (2).
Décision

Cass. soc., 9 mars 2005, n° 02-44.927, Société GSF Pluton c/ Mme Guislaine Beauvais, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A1809DHH)

Cassation (CA Amiens, 5e chambre sociale, cabinet A, 30 mai 2002)

Texte visé : article L. 122-1-2, III, du Code du travail (N° Lexbase : L9608GQW)

Mots-clefs : CDD ; remplacement d'un salarié absent ; terme ; retour du salarié absent.

Lien bases :

Faits

1. Mme Beauvais a été engagée par la société GSF Pluton selon trois contrats de travail à durée déterminée, dont le dernier, en date du 6 août 1999, a été conclu en raison du remplacement d'une salariée absente pour congé de maternité. Cette absence a été prolongée par un congé parental de la même salariée.

Estimant être liée à la société GSF Pluton par un contrat de travail à durée indéterminée, la salariée a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en requalification des contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée, et de demandes en paiement d'indemnités de rupture.

2. Pour requalifier le dernier contrat de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée, la cour d'appel a retenu que la prolongation de l'absence de la salariée par un congé parental n'avait pas eu pour effet de reporter le terme du contrat à l'issue du congé et, qu'ainsi, le contrat de travail qui s'était poursuivi après l'expiration du congé de maternité était devenu à durée indéterminée.

Problème juridique

Le contrat à durée déterminée conclu pour remplacer une salariée en congé de maternité peut-il valablement se prolonger jusqu'au retour de cette dernière lorsqu'elle a pris un congé parental d'éducation ?

Solution

1. Vu l'article L. 122-1-2, III, du Code du travail ;

"Aux termes de l'article L. 122-1-2, III, du Code du travail, lorsque le contrat est conclu pour remplacer un salarié absent ou dont le contrat de travail est suspendu, il peut ne pas comporter de terme précis ; il doit alors être conclu pour une durée minimale et il a pour terme la fin de l'absence du salarié remplacé ou la réalisation de l'objet pour lequel il a été conclu" ;

2. "En statuant comme elle l'a fait, alors qu'il résultait de ses propres constatations que le contrat de travail, conclu pour remplacer une salariée absente pour congé de maternité, s'était poursuivi pendant le congé parental sollicité par cette dernière, ce dont il résultait qu'il avait pour terme la fin de l'absence de cette salariée, la cour d'appel a violé le texte susvisé".

3. Cassation et renvoi devant la cour d'appel de Douai.

Commentaire

1. La confirmation d'une solution jusque-là inédite

  • Les prévisions légales

L'article L. 122-1-2 du Code du travail (N° Lexbase : L9608GQW) prévoit la possibilité de conclure des contrats de travail à durée déterminée sans terme précis "pour remplacer un salarié absent". Ce contrat a alors pour terme "la fin de l'absence du salarié remplacé ou la réalisation de l'objet pour lequel il a été conclu".

Lorsque la situation est simple, l'application de ce texte ne fait pas difficulté et le contrat prend fin soit avec la réalisation de la mission, soit avec le retour du salarié, soit lorsque le contrat du salarié remplacé prend fin, notamment lorsqu'il est déclaré définitivement inapte à reprendre son poste.

  • Les termes du problème

Mais, lorsque l'absence du salarié se prolonge, mais pour un motif différent, se pose alors la question du sort du contrat de remplacement. Faut-il considérer que ce contrat est conclu pour une absence précise, déterminée par sa cause particulière, ou simplement conclu en fonction de l'absence, quelle qu'en soit la raison ? Dans la première hypothèse, il faudrait conclure un nouveau contrat de remplacement, pour chaque nouvelle absence, faute de quoi le salarié qui poursuivrait son remplacement serait réputé travailler désormais sous l'empire d'un contrat à durée indéterminée. Dans la seconde, le contrat de remplacement se poursuivrait normalement jusqu'au retour effectif du salarié à l'issue de sa dernière période de congé.

  • La solution adoptée

La jurisprudence a choisi la seconde analyse et ce, peu important que le contrat précise ou non le motif de l'absence du salarié (Cass. soc., 18  février 2003, n° 01-41.334, F-D N° Lexbase : A1977A7D, lire Le contrat à durée déterminée : requalification, terme du contrat et accroissement temporaire d'activité, Lexbase Hebdo n° 61 du 6 mars 2003 - édition sociale N° Lexbase : N6244AAI).

Cette solution a été appliquée s'agissant du passage d'un congé maladie à un congé maternité (Cass. soc., 24 mars 2004, n° 02-42.793, F-D N° Lexbase : A6373DBN) mais, également, pour le passage d'un congé maternité à un congé parental d'éducation (Cass. soc., 16 décembre 1997, n° 95-41.901, Mutualité sociale agricole c/ Mlle Jacqueline Audouard, inédit N° Lexbase : A3341A7U ; Cass. soc., 31 octobre 2000, n° 97-45.324, Mme Nathalie Raffalli c/ Mme Hélène Fonteneau, inédit N° Lexbase : A9275ATP ; Cass. soc., 26 mars 2002, n° 00-41.846, F-D N° Lexbase : A3845AY3).

La Cour de cassation a, logiquement, tiré deux conséquences de cette analyse.

En premier lieu, l'employeur ne peut mettre un terme au contrat avant le retour effectif de congé du salarié remplacé, sauf à devoir au remplaçant des indemnités couvrant l'ensemble de la période d'absence (Cass. soc., 31 octobre 2000, n° 97-45.324, F-D N° Lexbase : A7418DCQ).

En second lieu, la poursuite de la relation de travail s'effectue toujours en exécution du contrat de remplacement initial, et il ne saurait ici être question de requalification en contrat de travail à durée indéterminée (Cass. soc., 16 décembre 1997, n° 95-41.901, Mutualité sociale agricole c/ Mlle Jacqueline Audouard, inédit N° Lexbase : A3341A7U).

  • La consécration de la jurisprudence ancienne

C'est cette solution que vient confirmer cet arrêt rendu le 9 mars 2005 en formation de section et objet de la plus large publicité (P+B+R+I) alors que, jusqu'à présent, les décisions n'avaient jamais été publiées.

Dans cette affaire, une salariée avait été recrutée pour remplacer une salariée absente en raison d'un congé maternité. Cette dernière avait ensuite pris un congé parental d'éducation, et la remplaçante avait également poursuivi l'exécution de son contrat. Au retour de la salariée, l'employeur avait donc signifié à la remplaçante le terme de son contrat, ce que cette dernière contestait.

Les juges du fond avaient considéré que le prolongement du contrat au-delà du terme du congé maternité avait transformé le contrat, mais cette interprétation est contredite par la cassation de l'arrêt, ce qui nous semble parfaitement justifié.

2. Une décision bienvenue

  • Une solution à approuver

La solution retenue paraît objectivement bienvenue.

Elle est d'abord conforme aux termes mêmes de l'article L. 122-1-2, III du Code du travail (N° Lexbase : L9608GQW) qui vise, à deux reprises, le remplacement d'un salarié "absent", sans autre précision.

Elle est, ensuite, pleine de bon sens. On pourrait imaginer, comme l'avait estimé ici la cour d'appel, que la possibilité de remplacer le salarié soit limitée au motif précis de l'absence. Mais, dans cette hypothèse, on sait que le même salarié pourrait valablement être recruté dans la continuité de son premier remplacement pour réaliser le second (Cass. soc., 12 mars 1987, n° 85-43.256, Mme Doré c/ Association des parents d'enfants inadaptés (APEI) N° Lexbase : A6764AAR).

Il faudrait alors imposer aux parties la conclusion d'un nouveau contrat dont les termes seraient presque identiques au précédent. Cette obligation imposerait toutefois à l'employeur de garantir, dans le cadre de ce nouveau contrat, une nouvelle durée minimale, conformément aux exigences posées par le texte, ce qui serait plus favorable au salarié. Mais une telle obligation imposerait des formalités sans doute inutiles, puisque la rémunération serait la même, ainsi que les autres mentions du contrat.

On ne sait pas, dans cette affaire, si les parties étaient de bonne foi, notamment si la salariée avait cru sincèrement n'avoir été recrutée que pour la durée du congé de maternité, et si elle avait légitimement cru qu'elle avait ensuite été maintenue à son poste sur la base d'un contrat à durée indéterminée. Cette "croyance légitime" pouvait d'ailleurs être fondée sur les termes du contrat de remplacement qui ne faisait référence qu'au congé de maternité, sans mentionner le congé parental.

On remarquera d'ailleurs que l'employeur n'a aucun moyen de savoir, lorsqu'une salariée part en congé maternité, si cette dernière demandera à bénéficier d'un congé parental d'éducation par la suite.

  • La valeur à accorder à la mention présente dans le contrat de travail

Si la solution finalement retenue ne prête pas à discussion lorsque le contrat initial se contente de mentionner la nécessité de remplacer un salarié absent, sans autre précision, on peut toutefois s'interroger sur la portée de la clause précisant que le remplaçant vaut pour un motif précis, ici l'absence de la salariée en congé maternité.

La solution finalement retenue aboutit à ne pas tenir compte de cette mention particulière, sans doute parce que cette précision ne constituait pas un motif déterminant de l'engagement de la salariée.

Il nous semble que, dans cette hypothèse, il faudrait raisonner comme en matière de contrat de travail lorsqu'une clause précise pour quel lieu le salarié a été embauché. On sait, en effet, que cette clause n'a pas pour effet de contractualiser le lieu de travail, à moins que cette intention ne résulte expressément du contrat lui-même (Cass. soc., 3 juin 2003, n° 01-43.573, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A6994CKA ; Cass. soc., 3 juin 2003, n° 01-40.376, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A6993CK9, La simple indication du lieu de travail dans le contrat n'a qu'une valeur d'information, Lexbase Hebdo n° 76 du 19 juin 2003 - édition sociale N° Lexbase : N7795AAX ; Dr. soc. 2003, p. 884, obs. J. Savatier ; JCP G 2003, II , 10165, note M. Véricel ; D. 2004, p. 89, note C. Puigelier ; RDC 2004, p. 237, obs. J.-P. Chazal, p. 381, note Ch. Radé).

Cette solution pourrait alors valablement trouver à s'appliquer ici. L'indication du motif précis de l'absence du salarié n'aurait alors qu'une simple valeur indicative, à moins que les parties ne l'aient expressément mentionné que pour limiter la durée du contrat à ce motif précis. Si la solution ne résulte pas expressément de la décision commentée, il faut souhaiter qu'elle soit retenue par la Cour de cassation si l'occasion se présente.

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