La lettre juridique n°123 du 3 juin 2004 : Rel. collectives de travail

[Jurisprudence] Reconnaissance judiciaire d'une UES : mise en place des institutions représentatives du personnel appropriées et cessation des mandats en cours

Réf. : Cass. soc., 26 mai 2004, n° 02-60.935, Union générale des syndicats FO Vivendi et filiales et autres c/ Fédération Interco-CFDT et autres, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A2482DCW)

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par Gilles Auzero, Maître de conférences à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

le 07 Octobre 2010

La constitution de l'unité économique et sociale (UES) "Compagnie générale des eaux" aura été à l'origine d'un véritable feuilleton, dans lequel la Cour de cassation aura occupé un rôle de premier plan, rendant plusieurs arrêts, parfois d'une importance considérable (1). La décision commentée mérite à son tour de retenir l'attention, s'agissant cette fois des conséquences de la reconnaissance judiciaire d'une unité économique et sociale sur la mise en place des institutions représentatives du personnel à ce niveau. Dans cet arrêt, la Cour de cassation décide en effet que "la reconnaissance judiciaire d'une unité économique et sociale impose la mise en place des institutions représentatives du personnel qui lui sont appropriées et les mandats en cours cessent au jour des élections organisées au sein de l'unité économique et sociale, quelle que soit l'échéance de leur terme". Il est donc nullement nécessaire d'attendre l'échéance du terme des mandats en cours pour procéder à leur renouvellement : une décision logique, qui s'inscrit parfaitement dans la jurisprudence classique de la Chambre sociale.  

Décision :

Cass. soc., 26 mai 2004, n° 02-60.935, Union générale des syndicats FO Vivendi et filiales et autres c/ Fédération Interco-CFDT et autres, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A2482DCW)

Cassation partielle sans renvoi de TI Paris (8ème arr.), 16 décembre 2002

Texte visé : article L. 431-1 du Code du travail (N° Lexbase : L6389ACM)

Unité économique et sociale ; reconnaissance judiciaire, mise en place des institutions représentatives appropriées, cessation des mandats en cours.

Liens base : ; ;

Faits

1. Saisi le 6 juin 2002 par requête de cinq organisations syndicales, le tribunal d'instance du 8e arrondissement de Paris avait, par jugement rendu le 16 décembre suivant, constaté l'existence d'une unité économique et sociale entre la société Compagnie générale des eaux et 45 de ses filiales.

2. Après avoir constaté l'existence de l'unité économique et sociale "Générale des eaux", le tribunal saisi avait jugé que les élections dans le cadre de cette unité économique et sociale devaient avoir lieu, pour le renouvellement des mandats actuellement en cours, à l'échéance de leur terme.

Solution

1. "La reconnaissance judiciaire d'une unité économique et sociale impose la mise en place des institutions représentatives du personnel qui lui sont appropriées et les mandats en cours cessent au jour des élections organisées au sein de l'unité économique et sociale, quelle que soit l'échéance de leur terme".

2. Cassation partielle sans renvoi de TI Paris (8e arrondissement) 16 décembre 2002.

Commentaire

Avant d'aborder la question des conséquences de la reconnaissance judiciaire d'une unité économique et sociale sur la mise en place des institutions représentatives du personnel à ce niveau, question constituant l'apport véritable de l'arrêt, on peut relever que la Cour de cassation approuve par ailleurs les juges du fond d'avoir retenu l'existence d'une unité économique et sociale, sur le fondement de critères désormais classiques. Du point de vue de l'unité économique, le tribunal d'instance a ainsi constaté la concentration des pouvoirs et la complémentarité des sociétés qui concourent toutes, par la distribution ou l'assainissement, à la gestion des contrats d'exploitation de l'eau. En outre, les ressources humaines sont gérées par les directions régionales soumises à la direction nationale. S'agissant de l'unité sociale, les juges du fond ont relevé que "les salariés qui contribuent à l'activité identifiée comme celle du "Pôle eau Générale des eaux" sont mobiles entre les sociétés en cause, relèvent de la même convention collective, du même accord d'intéressement, du même accord prévoyance obligatoire" (2).

Au vu de ces éléments de fait, l'existence d'une unité économique et sociale ne faisait aucun doute. Toutefois, après en avoir fait la constatation, les juges du fond avaient décidé que les élections dans ce cadre devaient avoir lieu, pour le renouvellement des mandats actuellement en cours, à l'échéance de leur terme. Cette solution est censurée par la Cour de cassation qui affirme, au visa de l'article L. 431-1 du Code du travail (N° Lexbase : L6389ACM), que "la reconnaissance judiciaire d'une unité économique et sociale impose la mise en place des institutions représentatives du personnel qui lui sont appropriées et que les mandats en cours cessent au jour des élections organisées au sein de l'unité économique et sociale quelle qu'en soit l'échéance de leur terme".

Cette solution, qui doit être approuvée, conduit une nouvelle fois la Cour de cassation a préciser les conséquences qui doivent être attachées au jugement reconnaissant l'existence d'une unité économique et sociale. L'arrêt commenté trouve, par suite, parfaitement sa place dans la jurisprudence de la Chambre sociale.

Il convient d'abord de souligner que tant que l'existence de l'unité économique et sociale n'a pas été reconnue par décision de justice ou accord unanime, les élections doivent être organisées au sein de chacune des entreprises, comme si l'UES n'existait pas (Cass. soc., 7 mai 2002, n° 00-60.282, FS-P N° Lexbase : A6125AYI ; Cass. soc., 18 février 2004, n° 03-60.051, F-D N° Lexbase : A3326DBS). Seul un accord unanime de tous les partenaires sociaux de l'entreprise peut proroger les mandats venus à expiration (Cass. soc., 27 mai 1999, n° 98-60.327, M. Melani c/ Société SBI France et autre, publié N° Lexbase : A8177AGX). Pour être logique, cette solution n'en présente pas moins un inconvénient majeur, qui incite à rechercher un tel accord. En effet, on sait que le jugement reconnaissant l'existence d'une UES est déclaratif à la date de la requête introductive d'instance (Cass. soc., 21 janvier 1997, n° 95-60.992, Syndicat CGT Michelin et autres c/ Manufacture française des pneumatiques Michelin et Cie et autres, publié N° Lexbase : A2155ACS). Le tribunal d'instance constate l'existence de l'UES, il ne la crée pas. Le jugement revêt ainsi un caractère rétroactif à la date de la saisine du juge, avec pour conséquence que les élections organisées dans chacune des personnes morales qui composent l'UES, entre la date d'introduction de la requête et celle du jugement ayant reconnu son existence, pourront être annulées (Cass. soc., 21 janv. 1997, préc. ; Cass. soc., 7 octobre 1998, n° 97-60.292, Société générale Asset management (SGAM) et autres c/ M. Mamadou Savanne et autres, inédit N° Lexbase : A3506CPK ; sur les difficultés suscitées par cette solution, v. J. Savatier, Problèmes posés par la reconnaissance d'une unité économique et sociale : Dr. soc., 1997, p. 347).

A défaut d'annulation ou lorsque les élections dans les différentes composantes de l'UES ont eu lieu avant la saisine du juge, les mandats en cours devront impérativement cesser au jour des élections organisées au sein de l'UES. Sauf à se contredire, les juges du fond ne peuvent à la fois constater l'existence d'une UES et décider que la mise en place des institutions représentatives du personnel qui lui sont appropriées devra attendre l'échéance des mandats en cours. Ainsi que le souligne la Cour de cassation dans l'arrêt commenté, la reconnaissance d'une UES impose cette mise en place et entraîne, par suite, la cessation des mandats en cours au jour des élections organisées au sein de celle-ci. L'UES permet en effet, au-delà notamment des divisions sociétaires, de reconstituer et d'identifier l'entreprise qui va servir de cadre à la mise en place des institutions représentatives du personnel. Sa constatation ne saurait dès lors laisser perdurer les mandats des représentants du personnel élus dans un autre cadre.

On doit cependant souligner, pour terminer, que la Cour de cassation réserve la solution qu'elle énonce à l'hypothèse d'une reconnaissance judiciaire de l'UES. Par conséquent, les partenaires sociaux peuvent, lorsqu'ils créent une UES par accord unanime, décider que l'élection des institutions représentatives du personnel à ce niveau n'aura lieu qu'à l'échéance des mandats en cours. Il semble, de même, que la reconnaissance judiciaire d'une UES n'interdise pas à ces mêmes partenaires sociaux de prévoir, là encore par accord unanime, un tel report. Il reste qu'un tel accord, exigeant la signature de l'ensemble des organisations syndicales dans l'entreprise, sera bien difficile à obtenir.


(1) On se souvient ainsi de la décision du 7 mai 2002, dans laquelle la Chambre sociale a affirmé qu'"il ne peut y avoir d'unité économique et sociale reconnue par convention ou par décision de justice qu'entre des personnes juridiquement distinctes prises dans l'ensemble de leurs établissements et de leurs personnels" (Cass. soc., 7 mai 2002, n° 00-60.424, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A6130AYP).

(2) Sur l'ensemble de ces critères et, plus généralement, sur la notion d'unité économique et sociale, v. B. Boubli, L'unité économique et sociale à l'époque des voeux. Etat des lieux et souhaits de réforme : Sem. soc. Lamy n° 1156 et 1157.

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