Réf. : CJCE, 1er avril 2004, aff. C-237/02, Freiburger Kommunalbauten GmbH Baugesellschaft & Co. KG c/ Ludger Hofstetter (N° Lexbase : A6537DBQ)
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N1325ABP
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par David Bakouche, Professeur agrégé des Facultés de droit
le 07 Octobre 2010
Le gouvernement allemand, pour convaincre que la clause litigieuse n'était pas abusive au sens de ce texte, faisait valoir que les désavantages qui peuvent résulter pour le consommateur de l'obligation de verser le prix avant l'exécution du contrat seraient compensés par la garantie bancaire fournie par le constructeur. Les acquéreurs du bien vendu soutenaient, eux, que la clause était abusive, et ce d'autant qu'elle entrerait dans la catégorie des clauses visées au point 1, sous b) et o), de l'annexe de la directive. Avant de répondre à la question qui lui était posée, la Cour rappelle que l'annexe de la directive contient une liste indicative et non exhaustive de clauses pouvant être déclarées abusives, de telle sorte qu'une clause qui y figure n'est pas nécessairement abusive et, inversement, qu'une clause qui n'y figure pas peut parfaitement rentrer dans la catégorie des clauses abusives au sens de la directive. Ensuite, la Cour poursuit en renvoyant aux dispositions de l'article 4 de la directive selon lesquelles l'appréciation du caractère abusif d'une clause suppose de tenir compte de la nature des biens ou des services qui font l'objet du contrat et de se référer, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion. Mieux, la Cour relève même que doivent être appréciées les conséquences que ladite clause peut avoir dans le cadre du droit applicable au contrat, ce qui implique un examen du système juridique national. Autrement dit, l'appréciation du caractère abusif d'une clause suppose de procéder à une appréciation très concrète non seulement de l'économie globale du contrat, mais encore du droit national applicable. De ces affirmations, la Cour en déduit, répondant ainsi à la question posée, que s'il lui appartient, "dans l'exercice de sa compétence d'interprétation du droit communautaire, d'interpréter les caractères généraux utilisés par le législateur communautaire pour définir la notion de clause abusive, [...] elle ne saurait [pour autant] se prononcer sur l'application de ces critères généraux à une clause particulière qui doit être examinée en fonction des circonstances de l'espèce".
Par conséquent, "il appartient au juge national, et non à la Cour de justice des Communautés européennes saisie d'une question préjudicielle en vertu de l'article 234 CE, de déterminer si une clause contractuelle telle que celle qui fait l'objet du litige au principal réunit les critères requis pour être qualifiée d'abusive au sens de l'article 3, paragraphe 1, de la directive".
La solution méritait d'être mentionnée dans la mesure où, pour une fois oserait-on dire, la juridiction communautaire se refuse à imposer son interprétation et préfère laisser une marge d'appréciation au juge national, ce qui est, au fond, assez logique au regard des critères d'appréciation du caractère abusif d'une stipulation contractuelle, ces critères appelant, comme on l'a relevé, une appréciation très circonstanciée qui ne peut, raisonnablement en tout cas, qu'être l'oeuvre du juge national. Si la Cour de justice des Communautés européennes est compétente pour interpréter les normes communautaires et définir certains critères généraux, comme ceux caractérisant, de façon assez abstraite, la notion de clause abusive, c'est au juge national que revient le pouvoir de se prononcer sur l'application des ces critères à une clause particulière. La Cour de justice, dans sa mission d'interprétation, assiste et éclaire l'oeuvre du législateur communautaire ; le juge national la met en oeuvre. Belle leçon de sources qui, pour un peu, rappellerait presque les principes directeurs, tellement malmenés à l'époque contemporaine, énoncés par Portalis dans le Discours préliminaire du Code civil ...
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