Réf. : CAA Paris, 2ème ch., 15 octobre 2003, n° 00PA02149, M. Georges Bourgeois c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie (N° Lexbase : A4557DAZ)
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par Sophie Duval, Juriste-fiscaliste
le 07 Octobre 2010
1. Cessions intervenues avant le 1er janvier 2004
1.1. Rappel des principes généraux de détermination de la plus-value
L'article 150 H du CGI concernant le calcul des plus-values immobilières des particuliers dispose que "la plus-value imposable en application de l'article 150 A est constituée par la différence entre le prix de cession, et le prix d'acquisition par le cédant. Le prix de cession est réduit du montant des taxes acquittées et des frais supportés par le vendeur à l'occasion de cette cession. En cas d'acquisition à titre gratuit, ce second terme est la valeur vénale au jour de cette acquisition. Le prix d'acquisition est majoré [...] le cas échéant, des dépenses de construction, de reconstruction, d'agrandissement, de rénovation ou d'amélioration, réalisées depuis l'acquisition, lorsqu'elles n'ont pas déjà été déduites du revenu imposable et qu'elles ne présentent pas le caractère de dépenses locatives".
Pour les cessions portant sur des immeubles détenus par le contribuable depuis plus de deux ans (plus-value à long terme) des correctifs tenant à la durée de détention du bien cédé sont encore appliqués. D'une part le prix d'acquisition est revalorisé pour tenir compte de l'érosion monétaire à l'aide des coefficients de variation de l'indice annuel des prix à la consommation depuis l'acquisition du bien jusqu'à sa vente. D'autre part, la plus-value est diminuée d'un abattement d'autant plus important que la durée de détention du bien est longue.
Enfin, un abattement général est pratiqué sur le total des plus-values immobilières et de cessions de biens meubles réalisées au cours de la même année.
Par ailleurs, aux termes de l'article 150 N bis du CGI , les moins-values immobilières ne sont pas déductibles des revenus imposables du contribuable. Il en résulte que si la cession d'immeubles fait apparaître une moins-value, cette dernière ne peut s'imputer ni sur une plus-value de même nature, ni sur les autres revenus du contribuable.
1.2. Cas particulier des ventes en bloc d'immeubles acquis par fractions successives
Au vu de ces différentes règles de calcul et d'imposition des plus-values des particuliers s'est posée la question de la détermination de la plus-value en cas de vente en une seule fois de biens que le contribuable avait acquis à des dates différentes.
Le Conseil d'Etat, dans son arrêt du 30 juin 2000, a eu l'occasion de répondre à cette interrogation et d'indiquer que les dispositions de l'article 150 N bis qui interdisent l'imputation des moins-values immobilières sur les plus-values de même nature, ne s'opposent pas à ce que la plus-value unique résultant de la vente en bloc d'un immeuble acquis par fractions successives soit calculée en faisant la somme algébrique de chacune des différences constatée. Il admet ainsi, sans restriction et en application de la loi, la compensation entre plus-values et les moins-values dégagées pour chaque fraction. Deux arrêts de la cour administrative d'appel de Paris s'étaient déjà prononcés en ce sens (CAA Paris, 29 octobre 1998 n° 96PA02951, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ Succession de Mme Gere N° Lexbase : A2848BIC ; CAA Paris, 3e ch., 29 mai 1990, n° 89PA02019, Fontaine c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A0386A98).
Par l'instruction du 4 décembre 2002, l'administration s'est officiellement ralliée à cette décision. En cas de vente en bloc d'un immeuble acquis par fractions successives la plus-value unique est donc calculée en faisant la somme algébrique de chacune des différentes constatées, quel qu'en soit le sens entre le prix, révisé lorsqu'il y a lieu par l'application du coefficient d'érosion monétaire prévu à l'article 150 K du CGI, de chacune des acquisitions successives et la part correspondante du prix de vente de l'immeuble. Les différences ainsi calculées sont ensuite en outre réduites de l'abattement pour durée de détention prévu par l'article 150 M du CGI , le délai de possession étant calculé à partir de chacune des dates des différentes acquisitions.
L'administration a, à cette occasion, précisé que devait être notamment considérée comme unique, la plus-value qui résulte de la vente en bloc d'un immeuble acquis par parts indivis successives, d'un immeuble dont le propriétaire a acquis successivement les droits démembrés (usufruit et nue-propriété) ou des parts indivises de ces droits, d'un immeuble provenant de la fusion de deux unités d'habitation acquises à des dates différentes. Et, il importe peu, selon elle, que l'immeuble ou la fraction d'immeuble ait été acquis à titre onéreux ou gratuit.
Il est à noter que la position prise par l'administration n'est pas vraiment surprenante puisque la compensation entre les plus et moins values réalisées lors de la revente en bloc d'un immeuble acquis par fractions successives, était déjà admise par l'administration (Doc. adm. 8 M-23, 1er décembre 1995, n° 4). Toutefois, il ne s'agissait alors que d'une mesure de tempérament et elle n'acceptait son application uniquement entre plus-value et moins-values de même nature.
Attention, le contribuable qui cède seulement deux appartements d'un immeuble dont il est propriétaire n'est pas considéré comme ayant réalisé une vente en bloc d'un immeuble acquis par fractions successives (CAA Paris, 2e ch., 2 mai 1989, n° 89PA00354, Ministre du Budget c/ Mme Godfrain N° Lexbase : A8609A8D) et plus généralement, la compensation des plus et moins-values ne s'applique pas lorsque le contribuable ne cède pas l'intégralité des biens qu'il détient dans un ensemble immobilier qu'il a acquis par fractions successives.
La cour administrative d'appel de Paris dans son arrêt du 15 octobre 2003 a appliqué strictement ces règles de détermination de la plus-value à des contribuables, les époux Bourgeois, qui avaient acquis en 1964 la moitié d'un studio, puis qui, en 1982, avaient racheté aux deux co-héritiers du détenteur de l'autre moitié indivise de l'immeuble, le quart qui était revenu à chacun d'eux. Ils avaient donc ainsi obtenu la propriété intégrale de l'immeuble. Ces contribuables avaient ensuite, en 1991, cédé cet appartement pour un montant total de 330 000 francs (50 308 euros).
La cour considère donc que, pour le calcul de la plus-value découlant de cette opération, l'administration était bien fondée à fixer la part du prix de cession de chacune des fractions acquises par le contribuable, à la moitié du prix de total et à calculer pour chacune des deux fractions de ces droits indivis acquises à des périodes différentes, la plus-value représentative de la cession de ces deux fractions, par comparaison du prix d'acquisition révisé avec la valeur de cession correspondante, puis à appliquer l'abattement pour durée de détention applicable à chacune des valeurs ainsi établies et enfin à additionner les deux composantes ainsi calculées pour obtenir le montant de la plus-value imposable.
Dans cet arrêt, la cour précise également les modalités de prise en compte des dépenses de construction, d'agrandissement, de rénovation ou d'amélioration pour le calcul du prix d'acquisition de chaque fraction. Ainsi, logiquement, elle considère dans le cas particulier des époux Bourgeois, que pour les dépenses réalisées par ces contribuables dans l'immeuble avant l'acquisition de la seconde moitié indivise, il ne pouvait être pris en compte que la moitié du montant de ces frais, puisque ces dépenses concernaient pour moitié l'autre détenteur indivis du studio (en l'espèce, les contribuables ne rapportaient pas la preuve que, comme ils l'affirmaient, ils avaient entièrement supporté ces travaux). Pour les dépenses réalisées postérieurement à l'acquisition, elles devaient être divisées en deux et être prises en compte pour moitié pour le calcul de la plus-value correspondant à chacune des fractions.
2. Cessions intervenues après le 1er janvier 2004
2.1. Nouvelles dispositions
L'article 10 de la loi de finances pour 2004 a réformé le régime d'imposition des plus-values réalisées par les particuliers lors de la cession d'immeubles, de meubles ou de parts de sociétés à prépondérance immobilière.
Pour les cessions intervenues à compter du 1er janvier 2004, la plus-value brute égale à la différence entre le prix de cession et le prix d'acquisition est réduite d'un abattement de 10 % pour chaque année de détention au-delà de la cinquième pour les immeubles et les parts de sociétés à prépondérance immobilière et de la deuxième pour les meubles. La moins-value brute n'est en principe pas prise en compte sauf, sous certaines conditions, en cas de vente d'un immeuble par fractions successives.
Un abattement fixe de 1 000 euros est opéré sur la plus-value brute, corrigée le cas échéant de l'abattement pour durée de détention et des moins-values imputables.
Le contribuable qui cède un immeuble est désormais imposable à l'impôt sur le revenu afférent à la plus-value au taux proportionnel de 16 % et aux prélèvements sociaux de 10 %, soit au 1er janvier 2004, un taux global de 26 %.
2.2. Instruction du 14 janvier 2004
Cette instruction qui précise les modalités d'application de ces nouvelles dispositions revient sur le cas particulier des ventes en bloc d'immeubles acquis par fractions successives. L'administration indique que lorsque des opérations de ce type sont constatées par un même acte, soumis à publication ou à enregistrement, et entre les mêmes parties, la ou les moins-values brutes, réduites de 10 % pour chaque année de détention au-delà de la cinquième, s'imputent sur les plus-values brutes corrigées le cas échéant de l'abattement pour durée de détention .
Elle rappelle que les cessions concernées par cette disposition sont uniquement les ventes d'immeubles acquis par fractions successives. Il s'agit, comme auparavant, notamment de la vente en bloc d'un immeuble acquis par parts indivises successives, d'un immeuble dont le propriétaire a acquis successivement les droits démembrés (usufruit et nue-propriété) ou des parts indivises de ces droits ou d'un immeuble provenant de la fusion de deux unités d'habitation acquises à des dates différentes. Il importe peu que l'immeuble ou la fraction d'immeuble ait été acquis à titre onéreux ou gratuit.
Enfin, l'administration précise qu'il convient de déterminer de manière distincte la plus-value brute ou la moins-value brute afférente à chacune de ces fractions, selon les règles qui lui sont propres. Les dépenses de travaux qu'il n'est pas possible de rattacher aux différentes parties du local acquises à des dates distinctes peuvent, à titre de règle pratique, être ventilées au prorata des millièmes de copropriété qui leur sont affectés ou, à défaut, au prorata de la surface des lots.
La ou les moins-values brutes, réduites de 10 % pour chaque année de détention au-delà de la cinquième, s'imputent sur la ou les plus-values réalisées sur les autres fractions du bien immobilier. Lorsque le résultat est négatif, la moins-value constatée n'est pas prise en compte (CGI, article 150 VD-I) lorsque le résultat est positif, ce dernier montant est réduit de l'abattement fixe de 1 000 euros.
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