Violent le droit à la liberté d'expression, les juridictions nationales qui condamnent un hebdomadaire ayant publié un article portant sur l'existence cachée d'un enfant dont le Prince de Monaco serait le père, alors que cette question contribue à un débat d'intérêt général. Telle est la solution rapportée par la Grande chambre de la CEDH dans un arrêt du 10 novembre 2015 (CEDH, 10 novembre 2015, Req. 40454/07
N° Lexbase : A2074NWQ). En l'espèce, à la suite de révélations parues dans un quotidien anglais concernant l'existence d'un fils caché dont le Prince de Monaco serait le père, le journal Paris-Match, malgré la mise en demeure de ne pas publier l'article, publia l'entretien avec la mère de l'enfant, accompagné de photos du Prince portant l'enfant. Estimant que la publication de l'article dans Paris-Match portait atteinte à ses droits à la vie privée et à l'image, le Prince a assigné les requérantes, Mme C., directrice de publication et la société Hachette-Filipacchi, éditrice de l'hebdomadaire. En première instance, la société éditrice a été condamnée à verser une somme au titre du dommage moral et à publier la condamnation sur l'intégralité de la page de couverture, au motif que l'article relevait de la sphère privée du Prince et de sa famille. Cette condamnation a été confirmée en appel, après que le Prince ai reconnut publiquement l'enfant en juillet 2005, au motif que cela avait créé un dommage irréversible en ce que sa paternité restée secrète était devenue soudainement de notoriété publique. Invoquant une violation de l'article 10 de la CESDH (
N° Lexbase : L4743AQQ), les requérantes ont formé un pourvoi en cassation, qui fut rejeté (Cass. civ. 1, 27 février 2007, n° 06-10.393
N° Lexbase : A4173DU4) et ont donc saisi la Cour européenne des droits de l'Homme. Dans un arrêt du 12 juin 2014 (CEDH, 12 juin 2014, Req. 40454/07
N° Lexbase : A4277MQH) la Cour a jugé que la condamnation du journal Paris-Match, par les juridictions françaises, au titre de la révélation en 2005 de l'existence d'un "fils secret" du prince Albert II de Monaco, constituait une atteinte au droit à la liberté d'expression. Le Gouvernement a demandé le renvoi de l'affaire en Grande chambre, laquelle conclut également à la violation de l'article 10 de la CEDH. En effet, elle articule son argumentation autour de la question de savoir si la publication litigieuse portait sur une information ayant pour objet une question d'intérêt général. Elle retient, à cet égard, que si la publication contenait des détails sur l'intimité du Prince, dans son ensemble, il ne fait aucun doute qu'elle se rapportait également à une question d'intérêt général, la naissance relevant également de la sphère publique puisqu'elle s'accompagne d'une déclaration publique et de l'établissement d'une filiation. De plus, s'agissant du Prince de Monaco, la naissance de cet enfant n'était pas dénuée à l'époque d'éventuelles incidences dynastiques patrimoniales (cf. l’Ouvrage "Responsabilité civile" N° Lexbase : E4094ETS).
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