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le 18 Juin 2015
I - Données personnelles
Par une délibération du 5 mars 2015, la CNIL a refusé d'accorder à une banque l'autorisation de mettre en oeuvre un traitement automatisé de données personnelles reposant sur un dispositif biométrique de reconnaissance de l'empreinte digitale ayant pour finalité le contrôle et le suivi du temps de travail. Elle a constaté qu'aucune circonstance exceptionnelle n'était démontrée, que le dispositif "ne résult[ait] pas de la mise en oeuvre de mesures de sécurité telles qu'identifiées par une analyse de risques", et que le traitement envisagé ne relevait donc pas d'une finalité de sécurité justifiant un recours impératif à la biométrie. Elle a en outre relevé "l'impossibilité pour les personnes concernées de recourir à un dispositif alternatif" et a donc considéré que le recours exclusif à un tel dispositif n'apparaissait "ni adapté ni proportionné à la finalité poursuivie".
Par un arrêt du 11 mars 2015, le Conseil d'Etat a rejeté la demande d'annulation d'une mise en demeure de la CNIL à l'encontre d'une société proposant des logiciels gratuits, dont l'installation, soumise à l'acceptation par l'utilisateur des conditions générales, entraînait en outre systématiquement l'installation du moteur de recherche, ainsi que l'envoi de publicités récurrentes ciblées, et la cession de ses données personnelles à des tiers. Le Conseil d'Etat a estimé que ce consentement donné "pour l'ensemble des finalités d'un traitement" ne valait pas "consentement spécifique tel qu'exigé par la loi dans le cadre d'une prospection directe électronique, ce dernier ne pouvant résulter "que du consentement exprès de l'utilisateur, donné en toute connaissance de cause et après une information adéquate sur l'usage qui sera fait de ses données personnelles".
Un diffuseur de campagnes publicitaires sur internet avait conclu avec une société de courtage en assurances un "contrat de service" par lequel il permettait à cette dernière de diffuser des annonces publicitaires sur les sites d'affiliés. A la suite de divergences d'interprétation des clauses de tarification du contrat, le diffuseur avait assigné sa cliente en paiement des "prestations de publicité". Dans un arrêt du 17 avril 2015, la cour d'appel de Paris a tout d'abord relevé que le contrat respectait les conditions imposées par la loi du 29 janvier 1993, dite "Sapin" (loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 N° Lexbase : L8653AGL), à laquelle était soumise l'opération d'achat d'espaces publicitaires par un intermédiaire, en l'espèce le diffuseur. La cour a, en conséquence, écarté la demande de nullité du contrat formulée par la cliente. La cour a, en revanche, dit le contrat résilié aux torts exclusifs du diffuseur, considérant que celui-ci n'avait pas "correctement appliqué la tarification contractuelle et n'[avait] pas spontanément accepté de la corriger".
Un décret du 29 avril 2015, relatif à la vidéoprotection aux abords immédiats des commerces et modifiant le code de la sécurité intérieure, publié au Journal officiel du 30 avril 2015 et pris en application de la loi du 18 juin 2014, relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises (loi n° 2014-626 N° Lexbase : L4967I3D), a modifié des dispositions de la partie réglementaire du Code de la sécurité intérieure. Le décret précise les conditions de mise en oeuvre de dispositifs de vidéoprotection sur la voie publique, ainsi que le type de bâtiments et installations concernés, incluant les lieux de vente et d'entrepôt. Il prévoit notamment que les caméras composant ces dispositifs devront être "déconnectées des caméras installées à l'intérieur du lieu ouvert au public et que les images ne pourront être visionnées et extraites du dispositif d'enregistrement que par des agents de l'autorité publique individuellement désignés et habilités, qui renseigneront un registre à chaque visionnage.
Dans un arrêt du 11 mai 2015, le Conseil d'Etat a rejeté un recours pour excès de pouvoir formulé par une société à l'encontre d'une décision de la CNIL ne l'autorisant pas à mettre en oeuvre un "traitement de données personnelles de recherche des infractions à caractère pédopornographique que pourraient commettre ses salariés". En l'espèce, l'employeur souhaitait rapprocher les consultations de sites et chargements opérés à partir des postes des salariés avec un fichier correspondant à des contenus pédopornographiques communiqué par les autorités de police, afin, en cas de coïncidence, de saisir les autorités compétentes d'une infraction suspectée. Le Conseil d'Etat a relevé que la société n'était pas habilitée par la loi à créer de tels traitements, et que le fait que le traitement litigieux soit au nombre de ceux soumis à autorisation de la CNIL "ne saurait [...] lui ouvrir droit à la création de ce traitement", de telle sorte qu'elle "n'était pas fondée à soutenir que la CNIL aurait fait une inexacte application" des textes.
Par une ordonnance du 13 mai 2015, le Conseil d'Etat a suspendu provisoirement la mise en oeuvre d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé fichier "STADE", autorisé par un arrêté ministériel du 15 avril 2015 et ayant pour objectif de prévenir les troubles à l'ordre public lors de manifestations sportives. En l'espèce, plusieurs associations de défense des intérêts des supporters avaient saisi le juge des référés du Conseil d'Etat d'un référé-suspension affirmant que ce traitement de données à caractère personnel ne respectait pas les exigences de la loi "Informatique et Libertés" (loi n° 78-17, 06-01-1978, relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés N° Lexbase : L8794AGS) en ne définissant pas avec une précision suffisante les personnes concernées et les catégories de données pouvant être enregistrées. Estimant qu'il existait un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté, les juges ont suspendu sa mise en oeuvre jusqu'à ce qu'ils se prononcent sur la demande d'annulation dont ils ont été saisis.
Un décret du 19 mai 2015, oublié au Journal officiel du 21 mai 2015, précise les modalités de fonctionnement de la liste d'opposition au démarchage téléphonique, créée par la loi du 17 mars 2014 dite loi "Hamon" (loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, relative à la consommation N° Lexbase : L7504IZX). Ce décret autorise le traitement automatisé de données personnelles impliqué par la gestion de la liste d'opposition, définit le rôle et les prérogatives de l'organisme chargé de gérer la liste, ainsi que les conditions dans lesquelles les professionnels concernés ont accès à cette liste. Le décret entrera en vigueur le premier jour du quatrième mois suivant la désignation de l'organisme de gestion par arrêté du ministre chargé de l'Economie.
Le 25 mai 2015, la CNIL a publié son programme de contrôles pour l'année 2015. Elle s'est ainsi fixé un objectif de 550 contrôles, dont 350 se feront sur place, sur audition ou sur pièces, et 200 en ligne. Elle annonce par ailleurs qu'un quart de ces contrôles sur place "portera sur les dispositifs de vidéoprotection/vidéosurveillance". Du fait de "leur impact sur les libertés et du nombre important de personnes concernées, les thématiques prioritaires de la CNIL sont : le paiement sans contact, le traitement de données personnelles dans le cadre de la gestion des risques psycho-sociaux (RPS) en entreprise, le fichier national des permis de conduire mis en oeuvre par le ministère de l'Intérieur, les objects connectés "bien-être et santé", les outils de mesure de fréquentation des lieux publics et les "Binding Corporate Rules" (BCR).
II - Droit du travail et technologies
Dans un arrêt du 6 mai 2015, la cour d'appel de Montpellier a confirmé la requalification d'un licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse d'un employé, auquel il était notamment reproché de ne pas exécuter totalement son temps de travail hebdomadaire. A cette occasion, la cour a relevé que la preuve par le système de géolocalisation des véhicules de la société ne pouvait pas être retenue en raison de son illicéité, puisqu'elle ne figurait pas parmi les finalités communiquées à l'employé, et ce même si la déclaration à la CNIL conforme à la norme NS 51 englobait la finalité accessoire du suivi du temps du travail lorsque celui-ci ne pouvait pas être réalisé par d'autres moyens. La cour a cependant admis les autres preuves apportées pour confirmer le licenciement.
III - Propriété intellectuelle
Un décret du 7 mai 2015, publié au Journal officiel du 8 mai 2015, faisant suite à la loi du 12 novembre 2013, sur la simplification des relations entre l'administration et les citoyens (loi n° 2013-1005 N° Lexbase : L5155IYL), prévoit que le silence gardé pendant un certain délai par l'INPI sur les demandes d'enregistrement et de renouvellement de marque, de dessin ou modèle, de requête en renonciation, en limitation ou en déchéance de brevet vaut décision de rejet. Le décret porte ainsi exception au principe selon lequel le "silence vaut acceptation".
IV - Commerce électronique
Dans un arrêt du 16 avril 2015, la CJUE a statué à titre préjudiciel sur l'interprétation de la Directive 2005/29, relative aux pratiques commerciales déloyales (N° Lexbase : L5072G9Q). En l'espèce, un abonné hongrois souhaitant mettre un terme à son contrat avec un fournisseur de service de télévision lui reprochait d'avoir fourni une information erronée concernant la date de fin de son contrat, en conséquence de quoi il était tenu de s'acquitter de frais d'abonnement auprès de deux prestataires différents pour une même période. La CJUE a considéré que "la communication, par un professionnel à un consommateur, d'une information erronée, telle que celle en cause au principal, doit être qualifiée de pratique commerciale trompeuse', au sens de cette Directive, alors même que cette communication n'a concerné qu'un seul consommateur".
Un concessionnaire automobile ayant acheté un véhicule sur un site internet contestait la validité de la clause attributive de juridiction contenue dans les conditions générales de vente dudit site, estimant qu'elle ne revêtait pas une "forme écrite" conformément aux prescriptions de l'article 23, § 1, a), du Règlement "Bruxelles I" (Règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale N° Lexbase : L7541A8S). Dans un arrêt du 21 mai 2015, la CJUE a donc statué à titre préjudiciel sur la question de savoir si "la technique d'acceptation par 'clic', par laquelle l'acheteur accède aux conditions générales de vente figurant sur un site internet en cliquant sur un hyperlien qui ouvre une fenêtre", constituait une "transmission par voie électronique permettant de consigner durablement cette convention" considérée comme revêtant une forme écrite. La CJUE a répondu que c'était bien le cas "lorsque cette technique rend[ait] possible l'impression et la sauvegarde du texte [des conditions générales] avant la conclusion du contrat".
Par une décision du 22 mai 2015, le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur trois questions prioritaires de constitutionnalité posées par des sociétés de services de transports avec chauffeur (VTC) et portant sur la conformité à la Constitution de certaines dispositions du Code des transports issues de la loi dite "Thévenoud" (loi n° 2014-104 du 1er octobre 2014, relative aux taxis et aux voitures de transport avec conducteur N° Lexbase : L3234I4K). Ces sociétés contestaient notamment l'interdiction qui leur est faite d'informer un client, avant réservation via des applications mobiles, à la fois de la localisation et de la disponibilité d'un véhicule lorsqu'il est situé sur la voie publique, considérant que cette interdiction portait atteinte à leur liberté d'entreprendre, au principe d'égalité devant la loi et au droit de propriété. Le Conseil constitutionnel a écarté cette argumentation et relevé que le législateur avait entendu, pour des motifs d'ordre public de police, garantir le monopole légal des taxis.
V - Acteurs de l'internet
Par une ordonnance du 5 mars 2015, le juge de la mise en état de la quatrième chambre du TGI de Paris a considéré que ce dernier était compétent pour statuer sur le litige introduit par un internaute français au mépris de la clause attributive de compétence prévue dans les conditions générales de Facebook, attribuant compétence aux juridictions de l'Etat de Californie. La société Facebook avait demandé au juge de la mise en état de déclarer le TGI de Paris incompétent au profit des juridictions californiennes. Le juge a d'abord considéré que le contrat souscrit était un contrat de consommation soumis à la législation sur les clauses abusives. Il a ensuite jugé que la clause devait être déclarée abusive et réputée non écrite dès lors qu 'elle avait pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les parties ainsi qu'une entrave à l'exercice, par un utilisateur français, de son action en justice.
VI - Contrats informatiques
Un commerçant exerçant en entreprise individuelle qui avait signé avec un prestataire informatique, suite à un démarchage, un contrat de licence d'utilisation d'un site internet, s'était désengagé avant tout commencement d'exécution du contrat. Le client s'était alors vu opposer par le prestataire une clause prévoyant qu'en cas de résiliation anticipée du contrat à son initiative, il devrait s'acquitter de 30 % des loyers dus. Le client a saisi la Commission d'examen des pratiques commerciales (CEPC) qui, par un avis du 23 février 2015, a considéré que cette clause était contraire à l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce (N° Lexbase : L7923IZH), en ce qu'elle créait un déséquilibre significatif en raison de "l'asymétrie de traitement des parties, tant dans les conditions que dans les conséquences pécuniaires de la résolution. Elle a retenu la même analyse concernant la clause exonératoire de responsabilité créant une véritable immunité contractuelle au profit du prestataire. Cependant, par un arrêt du 6 mars 2015, la cour d'appel de Paris a exclu l'application de l'article L. 442-6, I, 2° du Code de commerce dans une affaire similaire, considérant que les parties n'étaient pas partenaires économiques (CA Paris, Pôle 2, 2ème ch., 6 mars 2015, n° 12/02357 N° Lexbase : A7939NCZ).
VII - Droit d'auteur et oeuvres numériques
Une société leader de la grande distribution a fait assigner Copie France afin d'obtenir restitution de sommes versées au titre de la rémunération pour copie privée pour les années 2006 à 2011, considérant que ces sommes étaient indues à raison, notamment, de l'annulation par le Conseil d'Etat des décisions n° 11 et 13 de la Commission Copie Privée qui fixaient le barème de la redevance. Par jugement du 22 mai 2015, le TGI de Paris a considéré que "la rémunération des ayants droit en contrepartie à l'exception de copie privée est un principe auquel on ne saurait déroger" et qu'en conséquence l'annulation des décisions "n'a pas privé les titulaires du droit de reproduction d'une rémunération équitable". Ainsi, si le tribunal a rejeté les prétentions de la demanderesse tendant à la restitution de l'ensemble des sommes versées au titre de la rémunération pour copie privée, il a toutefois ordonné le remboursement par Copie France d'une partie de ces sommes dont il a déterminé le montant lui-même.
FERAL-SCHUHL / SAINTE-MARIE, société d'avocats
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