La nécessité de la discipline militaire dans les forces armées ne nécessite pas le déshabillage public d'un militaire. Un tel comportement revêt un caractère humiliant et s'analyse en un traitement dégradant. Aussi, il est essentiel pour l'Etat de mener des enquêtes adéquates pour éviter toute apparence de complicité ou de tolérance relativement à des actes illégaux. Telle est la solution retenue par la CEDH, dans un arrêt du 12 mars 2015 (CEDH, 12 mars 2015, n° 31305/09,
disponible en anglais). En l'espèce, M. L. fut enrôlé dans l'armée russe en décembre 2006 et affecté à une unité militaire. En raison de la violence qui régnait dans son unité, il fit une première tentative de désertion en compagnie d'un jeune sergent. Ils furent rattrapés le lendemain et reconduits au camp. Après une seconde tentative, les officiers les obligèrent à se déshabiller, mesure censée les empêcher de s'enfuir. Les deux conscrits furent ensuite amenés sur le terrain d'exercice et réprimandés par le commandant du bataillon devant les autres soldats. M. L. a affirmé qu'ils furent obligés de se présenter complètement nus devant ces derniers. Il soutient également qu'après son retour au camp, ses camarades l'humilièrent et le maltraitèrent à plusieurs reprises. Cette situation l'obligea à s'enfuir une nouvelle fois et à se réfugier chez sa famille sans jamais rejoindre son unité. Peu après, il porta plainte pour mauvais traitements auprès du procureur militaire qui ouvrit une enquête militaire. Les enquêteurs menèrent cinq enquêtes successives qui débouchèrent toutes sur des décisions de classement sans suite qui furent ultérieurement annulées par des autorités supérieures, lesquelles ordonnèrent des compléments d'instruction. Invoquant les articles 3 (
N° Lexbase : L4764AQI) (interdiction des traitements inhumains ou dégradants) et 13 (
N° Lexbase : L4746AQT) (droit à un recours effectif), le requérant s'est plaint de la CEDH des mauvais traitements que lui ont fait subir des soldats de son unité et a soutenu que les autorités n'ont pas mené d'enquête effective sur ses allégations La Cour retient la violation de l'article 3 de la CESDH et condamne la Russie à verser au requérant la somme de 15 000 euros pour dommage moral (cf. l’Ouvrage "Droit pénal spécial"
N° Lexbase : E4904EXW).
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