Lexbase Public n°363 du 19 février 2015 : Droit des étrangers

[Jurisprudence] Le droit d'être entendu, un droit à la portée entravée

Réf. : CE 2° et 7° s-s-r., 19 janvier 2015, n° 375373, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A9903M9N)

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par Hocine Zeghbib, Maître de conférences, Université Paul Valéry - Montpellier III, codirecteur scientifique de l'Encyclopédie "Droit des étrangers"

le 17 Mars 2015

Confirmant l'interprétation restrictive développée dans son arrêt "Halifa" du 4 juin 2014 (1), le Conseil d'Etat juge à nouveau, dans un arrêt rendu le 19 janvier 2015 que, lorsque l'obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment à une décision de refus du séjour, le droit d'être entendu se trouve satisfait dans la procédure même de demande de délivrance du titre de séjour. Par conséquent, l'administration n'est pas tenue de mettre l'étranger à même de présenter ses observations dans une procédure spécifique préalablement à une mesure d'éloignement du territoire. Dans l'intervalle, la CJUE s'était prononcée sur deux recours préjudiciels dont les solutions renforcent l'interprétation restrictive du Conseil d'Etat quant à la portée du droit d'être entendu aussi bien en amont qu'en aval d'un refus de titre de séjour. L'arrêt rapporté présente un intérêt double : d'une part, il permet au Conseil d'Etat d'asseoir sa récente jurisprudence "Halifa" (I) et, d'autre part, il met en lumière, pour reprendre l'intitulé donné aux conclusions du Rapporteur public (2), le "dialogue des jurisprudences" scellant solidement la convergence d'interprétation entre la juridiction administrative suprême nationale et la CJUE (II).

I - Le droit d'être entendu préalablement à l'édiction d'une OQTF consécutive à un refus de délivrance d'un titre de séjour ne peut faire l'objet d'une procédure spécifique distincte de celle sanctionnée par un tel refus

Dans l'arrêt rapporté, le Conseil d'Etat avait à se prononcer sur un pourvoi en cassation introduit contre un arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux (3). Cet arrêt confirmait en appel un jugement défavorable rendu par le tribunal administratif de Toulouse (4). A l'origine de cette affaire, un arrêté du 11 mai 2012 du préfet de la Haute-Garonne refusant la délivrance à Mme X, ressortissante ivoirienne, du titre de séjour qu'elle avait sollicité sur le fondement de l'article L. 313-14 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L5053IQ9) (considérations humanitaires ou motifs exceptionnels), d'une part, et lui faisant obligation de quitter sans délai le territoire en fixant le pays de renvoi et en lui interdisant tout retour sur le territoire pendant une durée de trois ans, d'autre part. A l'appui de son pourvoi en cassation, la requérante soutenait principalement que la cour administrative d'appel de Bordeaux avait commis une erreur de droit en ne prenant pas en compte le fait qu'elle n'avait pas été invitée à formuler des observations avant l'édiction de l'obligation de quitter le territoire.

Voici donc de nouveau, dans un cas d'espèce dont les faits diffèrent certes de ceux de l'arrêt "Halifa" précité, mais dont la problématique juridique reste identique, le Conseil d'Etat appelé à préciser sa position à la fois sur le droit d'être entendu dans la procédure de délivrance de certains titres de séjour, et sur le droit d'être entendu dans la procédure d'éloignement concomitamment à un refus de délivrance d'un titre de séjour.

Sur le premier aspect, on sait que l'étranger qui introduit une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 312-2 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L5714G4E), dont le traitement de la demande nécessite la saisine de la commission du titre de séjour, doit pouvoir être entendu par cette commission (5). On rappellera seulement que le préfet n'est pas tenu par l'avis de la commission qu'il est cependant obligé de saisir dans un certain nombre de cas. Ne pas agir ainsi expose l'éventuel refus de séjour à être annulé par le juge pour vice de forme. En l'espèce, le Conseil d'Etat relève "que la requérante avait été entendue par la commission du titre de séjour [...]" et que son droit d'être entendue s'en trouve satisfait. Le Conseil d'Etat réaffirme en effet, dans le considérant n° 8 de son arrêt, que de manière générale, "le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne". Ce principe rappelé, le Conseil d'Etat réaffirme l'exception qu'il avait établie dans son arrêt "Halifa".

Et c'est le second aspect intéressant de l'arrêt rapporté. On sait que le juge administratif avait très tôt fermé la porte, dans le droit interne, au respect du contradictoire dans les procédures liées à l'éloignement des étrangers au motif que par l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, relative aux conditions d'entrée et de séjour en France des étrangers et portant création de l'Office national d'immigration (N° Lexbase : L4788AGG), "[...] le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des arrêtés de reconduite [...]" et que, par suite, il n'y a pas lieu de soumettre "l'intervention et l'exécution des arrêtés de reconduite" aux règles de droit commun (6). Comme on le sait aussi, l'adoption de la loi du 12 avril 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, dite loi "DCRA" (7), n'y changea rien (8). L'introduction de l'OQTF par la loi de 2006 (9) amènera le Conseil d'Etat à réitérer sa position dans un avis rendu l'année suivante (10) : "les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, ne sont pas applicables lorsque le préfet prend un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français, en application du I de l'article L. 511-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L1403I3D)". Porte hermétiquement fermée donc, dans le droit interne, au contradictoire en matière d'éloignement du territoire.

Mais grâce au droit de l'UE, allait s'ouvrir une fenêtre qui, espérait-on, donnerait de l'air à la protection des droits fondamentaux au niveau national en réintroduisant le droit d'être entendu dans la procédure administrative non contentieuse. La Charte des droits fondamentaux de l'UE (N° Lexbase : L8117ANX), d'une part, la transposition de la Directive "retour" (Directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 N° Lexbase : L3289ICS), d'autre part, poussaient à cette opportunité.

Ainsi, les conséquences de la transposition par la loi du 16 juin 2011 (11) de la Directive "retour" (12) placent-elles l'OQTF de l'article L. 511-1-3° du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, celle-là même qui est au coeur de l'arrêt "Halifa" comme de l'arrêt rapporté, sous l'emprise du droit de l'Union, tandis que jaillit la question de l'applicabilité, en droit interne, de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Cette disposition, plus particulièrement son paragraphe 2-a, consacre en effet "le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre". Devenait alors soutenable le jugement selon lequel "le droit d'être entendu implique, sous peine de priver l'étranger d'une garantie, que celui-ci soit informé en temps utile qu'il est susceptible de faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français à l'issue d'un refus de séjour et qu'il soit mis en mesure, dans un délai suffisant, de présenter ses observations sur l'éventualité d'une telle décision ainsi que sur ses modalités d'exécution" (13). De même, devenait crédible le doute sur le bien fondé du rejet de certains recours, invoquant le respect de l'article 41-2 de la Charte des droits fondamentaux, dirigés contre des décisions d'éloignement prises dans la foulée d'un refus de titre de séjour sans que l'étranger n'ait été entendu préalablement à l'édiction de semblable mesure. Crédibilité si forte que le recours préjudiciel à la Cour de justice européenne s'était imposé à certaines juridictions comme ce fut le cas, notamment, du tribunal administratif de Melun (14). La question principale qui faisait alors débat devant différentes juridictions était celle de l'applicabilité du droit d'être entendu dans le cadre de la procédure spécifique de l'OQTF : existerait-il, dans le droit interne, une sorte de niche qui échapperait à l'emprise du droit communautaire au motif que la garantie accordée par l'article 41-2 de la Charte des droits fondamentaux ne s'appliquerait que dans les rapports des institutions de l'UE ?

Sans attendre la réponse de la CJUE qui viendra plus tard (15), le Rapporteur public, dans l'arrêt "Halifa", avait conclu que le "'droit à être entendu' est à la fois un principe général du droit de l'Union européenne et un droit posé par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Le droit à être entendu' dans toute procédure fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe fondamental du droit de l'Union". Le droit d'être entendu ne saurait donc être écarté au motif qu'il trouverait sa source seulement dans l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux. La suite du raisonnement du Rapporteur public se fait en deux temps : d'abord, affirmation du principe de l'applicabilité du droit d'être entendu dans la procédure administrative non contentieuse de l'éloignement au motif que la transposition de la Directive "retour" place de plein droit ladite procédure sous l'emprise du droit de l'Union européenne. Par conséquent, le Rapporteur public, conclut que "[...] le droit d'être entendu implique que l'administration, avant de prendre une OQTF à l'encontre d'un étranger, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales". Puis, dans un second temps, le raisonnement du Rapporteur public préconise de limiter la portée du principe ainsi affirmé "dans le cas où cette mesure portant OQTF découle du refus de délivrance d'un titre de séjour demandé par l'étranger".

Le Conseil d'Etat suivra à la lettre ce raisonnement dans son arrêt "Halifa" qu'il confirmera de nouveau dans l'espèce rapportée. En effet, les considérants n°s 8 et 9 de l'arrêt rendu le 19 janvier 2015 sont la reprise, au mot près, des considérants n°s 7 et 8 de l'arrêt "Halifa" du 4 juin 2014. Applicabilité limitée, donc, du droit d'être entendu tiré du droit de l'Union européenne réaffirmée de manière on ne peut plus claire par le Conseil d'Etat dans l'arrêt rapporté. L'effet utile attaché au droit d'être entendu qui devrait, versant garantie des droits fondamentaux, renforcer la protection de l'étranger confronté aux procédures d'éloignement du territoire, cède au contraire le pas au soutien de l'action de l'administration dès lors qu'il s'agit de tirer les conséquences d'un refus de titre de séjour par une mesure d'OQTF. L'affirmation d'une telle conception converge avec celle construite par la CJUE qui réduit, elle aussi, la portée du droit d'être entendu en matière de procédure d'éloignement des étrangers.

II - Une convergence jurisprudentielle défavorable au plein effet du droit d'être entendu en matière de procédure administrative non contentieuse liée à l'éloignement des étrangers

Pourtant, la CJUE avait commencé par donner des signaux contraires. En effet, dans son arrêt "M. M" (16), intervenant sur recours préjudiciel dans une affaire relative au droit d'asile, elle avait donné le sentiment d'opter pour une interprétation extensive du droit d'être entendu jugeant que "[...] la circonstance que l'intéressé a déjà été valablement auditionné lors de l'instruction de sa demande d'octroi du statut de réfugié n'implique pas qu'il puisse être fait abstraction de cette formalité dans le cadre de la procédure relative à la demande de protection subsidiaire". On a pu en déduire que le non-respect du droit d'être entendu dans une procédure d'OQTF pouvait conduire le juge à prononcer son annulation pour illégalité. C'est d'ailleurs sur le fondement de cette interprétation que nombre d'affaires étaient soumises en appel, certaines donnant même lieu à recours préjudiciel devant la CJUE.

Cependant, seulement une année après son arrêt "M. M", la CJUE dans son arrêt "M.G, N.R" (17), avait commencé à rétropédaler et à énoncer, dans une affaire de prolongation de la période de rétention, plusieurs éléments tendant à préciser l'application du droit d'être entendu. Tout d'abord, la Cour rappelle que les Etats membres disposent d'une autonomie procédurale qui leur laisse toute latitude pour organiser le droit d'être entendu ; ensuite, la Cour estime que le non-respect par l'administration du droit d'être entendu ne justifie pas mécaniquement que soit annulée la procédure entachée de pareille irrégularité ; enfin, la Cour conditionne une éventuelle annulation à un examen au cas par cas et à la condition que les éléments que l'étranger aurait pu communiquer à l'administration s'il avait été mis à même de le faire auraient été suffisants pour que la mesure prise soit différente. C'est d'ailleurs sur ce même arrêt que s'est appuyé le Conseil d'Etat dans son arrêt "Halifa" bien que, dans le premier cité, il s'agissait d'une affaire de rétention alors que dans le second, il s'agissait d'une affaire d'OQTF. Ce glissement était assumé par le Rapporteur public dans ses conclusions alors-même qu'était saisie par ailleurs la CJUE sur deux affaires d'OQTF par les tribunaux administratifs de Melun (18) et Pau (19) et qu'elle ne s'était pas encore prononcée.

Dans la réponse apportée au recours préjudiciel du tribunal administratif de Melun (20), la CJUE relaie, sans y faire expressément référence, la position du Conseil d'Etat dans l'arrêt "Halifa". Cependant, elle nuance le propos et considère que le respect du droit d'être entendu puise sa source dans le principe général du droit de l'UE des droits de la défense et sa garantie, en droit interne, n'est pas tirée de l'article 41-2 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Ce principe des droits de la défense différant du principe du contradictoire se trouve satisfait, en matière d'éloignement, par le droit d'être entendu. Or, ce droit n'étant pas prévu dans la Directive "retour", la lacune ne peut être comblée que par les principes généraux du droit de l'UE. Jusque-là, rien qui soit défavorable à la protection des droits fondamentaux et on peut même considérer que c'est une meilleure solution dans la mesure où il paraît plus simple de recourir aux principes généraux du droit, qui s'appliquent même sans texte, qu'aux droits attachés à la Charte des droits fondamentaux. En revanche, les choses sont plus délicates s'agissant de l'appréciation de la portée du droit d'être entendu. En effet, à la question de savoir si la requérante avait été entendue spécifiquement entre deux OQTF prononcées à trente mois d'intervalle et sur la base de données factuelles différentes et alors que sa situation personnelle avait évolué, la Cour considère comme non-contraire au droit d'être entendu le fait qu'une "autorité nationale n'entende pas le ressortissant d'un pays tiers spécifiquement au sujet d'une décision de retour" car, juge-t-elle, "l'obligation de l'entendre spécifiquement au sujet de la décision de retour avant d'adopter ladite décision prolongerait la procédure administrative inutilement, sans accroître la protection juridique de l'intéressée". En clair, la Cour considère que le droit d'être entendu est respecté, même si l'administration ne procède pas à l'audition de l'intéressé directement sur la décision de retour qui va lui être opposée et qu'organiser un tel droit reviendrait à gêner l'action de l'administration en matière d'éloignement du territoire. Ainsi, les objectifs d'éloignement poursuivis par la Directive de 2008 semblent prendre le pas sur la protection du droit d'être entendu en matière d'OQTF aussi bien devant la CJUE que devant le Conseil d'Etat.

Cette tendance se confirme également, bien que dans une espèce mettant en oeuvre une hypothèse différente de séjour irrégulier, dans l'arrêt rendu le 11 décembre 2014 sur recours préjudiciel du tribunal administratif de Pau (21). Dans son arrêt, la Cour de justice devait se prononcer sur la substance du droit d'être entendu dans une procédure d'OQTF à la suite de l'expiration d'un titre de séjour dont le renouvellement n'avait pas été demandé. Le cas qui lui était déféré concernait un ressortissant algérien ayant bénéficié d'un titre de séjour pour études, titre expiré dont il n'a pas demandé le renouvellement et qui s'était donc maintenu sans titre sur le territoire. A la suite du dépôt d'une demande de statut d'auto-entrepreneur, l'intéressé est contrôlé par les services de police qui l'auditionnent le lendemain sur convocation à laquelle il a déféré volontairement. Constatant l'irrégularité de son séjour, le préfet émet une OQTF à son encontre. Le requérant soulève la méconnaissance, lors de son audition par les services de police, de son droit d'être entendu. Dans son recours à la CJUE, le tribunal administratif de Pau demande si le droit d'être entendu peut ou non être limité ou modulé et le cas échéant, quels sont les critères à appliquer. Dans son arrêt, la Cour répond en substance que le droit d'être entendu n'impose pas à l'administration d'informer l'intéressé sur les motifs de la décision à intervenir signifiant par là que l'intéressé ne peut pas ignorer les raisons de son audition, c'est-à-dire l'irrégularité du séjour et les conséquences qui s'ensuivront nécessairement. Enfin, La Cour précise "[...] que le droit d'être entendu avant l'adoption d'une décision de retour doit permettre à l'administration nationale compétente d'instruire le dossier de manière à prendre une décision en pleine connaissance de cause et de motiver cette dernière de manière appropriée [...]". Autrement dit, la Cour semble davantage se préoccuper de l'effet utile du droit d'être entendu pour les autorités administratives que pour l'étranger frappé d'une mesure d'éloignement. Dans cette perspective, l'objectif "retour" de la Directive de 2008 risque de prendre le dessus sur l'objectif "protection des droits fondamentaux" qu'est destiné à assurer le droit d'être entendu. Sur ce rétrécissement de la protection devant les procédures d'éloignement, Conseil d'Etat et CJUE se retrouvent.

L'arrêt rapporté, tout comme l'avait fait avant lui l'arrêt "Halifa", marque la cristallisation de la jurisprudence administrative en matière de droit d'être entendu : réaffirmation du principe selon lequel "avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire", celui-ci doit être entendu ; réaffirmation de l'exception selon laquelle lorsqu'il s'agit d'une "obligation de quitter le territoire français [...] prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour", l'administration n'est pas tenue "de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour". La CJUE converge, dans l'interprétation qu'elle en développe, avec cette jurisprudence semblant du même coup cautionner la rupture, souvent recherchée par les autorités publiques, du fragile équilibre entre éloignement et protection des droits fondamentaux.


(1) CE 2° et 7° s-s-r., 4 juin 2014, n° 370515, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0202MQK) et lire nos obs., La portée du droit d'être entendu préalablement à une OQTF (N° Lexbase : N3038BU3), Lexbase Hebdo n° 339 du 10 juillet 2014 - édition publique.
(2) X. Domino, Droit d'être entendu et OQTF : un exemple de dialogue entre les jurisprudences, AJDA, 2014, 1501.
(3) CAA Toulouse, 2ème ch., 19 novembre 2013, n° 13BX00946 (N° Lexbase : A2077MPM).
(4) TA Toulouse, 21 mars 2013, n° 1203068.
(5) La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 (N° Lexbase : L7424ACX) ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 (N° Lexbase : L9537I3M) et L. 314-12 (N° Lexbase : L5741G4E), ainsi que dans les cas prévus à l'article L. 331-3 ([LXB=]).
(6) CE, Sect., 19 avril 1991, n° 120435, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A9896AQL), AJDA, 1991. 641, concl. contr. A.-M. Leroy.
(7) Loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (N° Lexbase : L0420AIE).
(8) CE 3° s-s., 9 juillet 2003, n° 253776, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A4349C9X).
(9) Loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006, relative à l'immigration et à l'intégration (N° Lexbase : L3439HKL) et son décret d'application n° 2006-1708 du 23 décembre 2006 (N° Lexbase : L9572HTP).
(10) CE, Avis, 28 novembre 2007, n° 306901 (N° Lexbase : A9703DZE).
(11) Loi n° 2011- 672 du 16 juin 2011, relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité (N° Lexbase : L4969IQ4), JORF n° 0139 du 17 juin 2011, p. 10290.
(12) Directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (N° Lexbase : L3289ICS).
(13) TA Lyon, 28 février 2013, n° 1208057 (considérant n° 10).
(14) TA Melun, 8 mars 2013, n° 1301686/12, AJDA, 2013. 663.
(15) CJUE, 5 novembre 2014, aff. C 166/13 (N° Lexbase : A6445MZQ).
(16) CJUE, 22 novembre 2012, aff. C-277/11 (N° Lexbase : A2684IXP).
(17) CJUE, 10 septembre 2013, aff. C-383/13 PPU (N° Lexbase : A5672KKB).
(18) TA Melun, 8 mars 2013, n° 1301686/12, op. cit.
(19) TA Pau, 30 avril 2013, n° 1300264 (N° Lexbase : A6685M7Q).
(20) CJUE, 5 novembre 2014, aff. C 166/13, op. cit.
(21) CJUE, 11 décembre 2014, aff. C-249/13 (N° Lexbase : A2151M7S).

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