La garantie offerte par l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (
N° Lexbase : L4743AQQ) aux journalistes en ce qui concerne la façon dont ils rendent compte des questions d'intérêt général est subordonnée à la condition que les intéressés agissent de bonne foi de manière à fournir des informations exactes et dignes de crédit, dans le respect de la déontologie journalistique (en ce sens, v. CEDH, 30 mars 2004, Req. 53984/00
N° Lexbase : A6547DB4). Tel est l'apport de l'arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l'Homme, le 13 janvier 2015 (CEDH, 13 janvier 2015, Req. 62716/09
N° Lexbase : A1150M9H). En l'espèce, une journaliste polonaise publia entre 1999 et 2001, une série d'articles sur l'actualité judiciaire de sa région, en rapport avec l'arrestation de membres présumés d'un réseau mafieux qui étaient soupçonnés de trafic de véhicules et de stupéfiants. La journaliste s'interrogeait notamment sur les éventuelles imbrications entre les membres dudit réseau et les agents de la justice locale. L'une des publications mettait en cause la conduite de Mme L., magistrate, s'agissant des poursuites pénales intentées contre son conjoint et soutenait qu'elle avait cessé d'être juge en raison de "
rapports obscurs avec les milieux criminels". Condamné par les juridictions polonaises du chef de diffamation calomnieuse, en raison de la distorsion entre le motif disciplinaire de révocation et le motif invoqué dans la publication, elle fut condamnée pénalement. En tant que journaliste expérimentée, la requérante avait délibérément tenu les propos incriminés tout en sachant qu'ils n'étaient pas avérés. Celle-ci se prévaut alors d'une violation de son droit à la liberté d'expression, tel que visé par l'article 10 de la Convention. En premier lieu, la Cour entend rappelle que l'exigence du pluralisme est fondamentale dans une société démocratique. Ainsi, la liberté d'expression vaut non seulement pour les "informations" ou "idées" accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives, mais aussi pour celles qui heurtent. En second lieu, la Cour rappelle que "
lorsqu'un journaliste avance des faits sans preuves suffisantes mais où son propos s'inscrit, d'un autre côté, dans la discussion d'un véritable problème d'intérêt général, il est primordial d'examiner si le journaliste s'est comporté de manière professionnelle et s'il était de bonne foi". En présence d'un jugement de valeur, une déclaration doit se fonder sur une base factuelle suffisante, faute de quoi, elle devient abusive. Appliquant ces principes à l'espèce, la Cour en déduit que l'ingérence des autorités internes dans la liberté d'expression de la journaliste poursuivait un but légitime, à savoir la protection de la réputation ou des droits d'autrui et que, par conséquent, l'atteinte à la liberté d'expression n'est pas établie (cf. l’Ouvrage "Responsabilité civile" N° Lexbase : E5878ETU).
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