La lettre juridique n°591 du 20 novembre 2014 : Fiscalité immobilière

[Questions à...] La hausse des prix de l'immobilier et la fiscalité - Questions à Maître Jean-Etienne Chatelon, Avocat au barreau des Hauts-de-Seine, Directeur associé du cabinet d'avocats Fidal

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[Questions à...] La hausse des prix de l'immobilier et la fiscalité - Questions à Maître Jean-Etienne Chatelon, Avocat au barreau des Hauts-de-Seine, Directeur associé du cabinet d'avocats Fidal. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/21724955-questions-a-la-hausse-des-prix-de-limmobilier-et-la-fiscalite-questions-a-b-maitre-jeanetienne-chate
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par Jules Bellaiche, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition fiscale

le 20 Novembre 2014

La fiscalité serait responsable des prix élevés de l'immobilier. C'est l'une des conclusions de l'étude publiée par la Fédération des promoteurs immobiliers, le 21 octobre 2014, pour laquelle le cabinet d'avocats Fidal a comparé, au niveau européen, la fiscalité pesant sur la construction et l'achat d'un logement de 200 000 euros. En effet, entre la TVA et les droits de mutation, payés par le particulier, et les taxes indirectes, supportées par les promoteurs lors de la construction, la fiscalité représente en France, en moyenne, 27 % de la valeur du bien. Pour faire un point sur la hausse des prix de l'immobilier relative à la fiscalité, Lexbase Hebdo - édition fiscale a interrogé Maître Jean-Etienne Chatelon, Avocat au barreau des Hauts-de-Seine, Directeur associé du cabinet d'avocats Fidal, qui a supervisée cette étude.

Lexbase : La fiscalité est-elle réellement responsable des prix élevés de l'immobilier en France ?

Jean-Etienne Chatelon : Notre étude est uniquement relative à l'aspect fiscal et n'aborde donc pas l'ensemble des causes conduisant au constat actuel de baisse significative des mises en chantier de logement neuf. S'il existe incontestablement un écart élevé entre ces mises en chantier et les objectifs affichés en matière de logement construit chaque année, les conclusions de notre étude ne permettent pas de déterminer quel est le poids réel de la fiscalité dans le cadre des difficultés constatées en la matière par rapport à l'ensemble des autres éléments habituellement cités (difficultés relatives au foncier, aux aspects réglementaires/permis de construire, coûts de construction, etc.).

Il nous semble toutefois peu contestable que la fiscalité élevée en France, dans le cadre de la production de l'immeuble neuf, en comparaison des principaux autres pays européens, est une difficulté supplémentaire ayant une incidence certaine sur les prix constatés dans l'immobilier neuf même si nous ne pouvons pas chiffrer l'incidence attachée à cette fiscalité élevée.

Lexbase : Après un tel constat (la France a la fiscalité immobilière la plus élevée d'Europe), pourquoi, au lieu de réduire cette imposition, voit-on apparaitre régulièrement des dispositifs d'aménagements fiscaux (les dispositifs "Besson", "de Robien", "Borloo", "TEPA", "Scellier", "Duflot", et maintenant "Pinel"). Quelle serait la meilleure solution : baisser les taxes ou augmenter les aides ?

Jean-Etienne Chatelon : Il convient, au préalable, de noter que c'est parce que la France a la fiscalité immobilière la plus lourde d'Europe que les dispositifs d'aide à l'investissement locatif sont nécessaires pour compenser partiellement la surcharge d'impôt.

La réflexion devrait bien porter sur une réduction des taxes sans forcément augmenter certaines aides fiscales. Assouplir les aides est une nécessité, un début d'assouplissement étant engagé dans le cadre des dispositions fiscales récentes en matière d'investissement locatif Pinel. Le taux de TVA réduits sur le logement intermédiaire ou l'immobilier neuf en zone ANRU ne vise, par définition, que des investissements spécifiques mais est aussi un début de réponse.

Sur ce sujet de relance de la construction, la Fédération des promoteurs immobiliers a émis, durant l'été, différentes propositions combinant des baisses de taxes et la mise en place de certaines aides non fiscales ainsi que l'aménagement des aides fiscales. Ces propositions sont les suivantes :

- une baisse initiale forte de la taxation des plus-values sur les terrains constructibles, suivie d'une inversion des abattements en fonction de la durée de détention ;

- la mise en place d'un prêt de primo-accession sur 25 ans à taux préférentiel ;

- la mise en place, avant la fin de l'année, des 50 premières mesures de simplification technique annoncées en début d'année ;

- en matière d'investissement locatif, au-delà des mesures annoncées ou en projet, la sortie des loyers de l'encadrement et son inclusion parmi les investissements entrant dans le plafond des niches fiscales majorées à 18 000 euros.

Il apparaît donc que, selon l'analyse de la Fédération des promoteurs immobiliers, améliorer la situation suppose entre autres points, d'une part, de favoriser l'accès au foncier pour les promoteurs par la réduction des règles d'imposition spécifiques aux terrains constructibles et, d'autre part, de revoir le dispositif fiscale favorable pour l'investissement locatif et de relancer l'accession.

S'agissant des règles d'imposition spécifiques aux terrains constructibles, en tant que conseils, nous constatons que le régime actuel d'imposition pour les vendeurs particuliers nous conduit à rédiger des consultations particulièrement complexes pour déterminer la fiscalité applicable à la cession des terrains, des distinctions devant, de plus, être faites selon que des terrains peuvent être analysés ou non comme des terrains à bâtir au sens des dispositifs fiscaux. En effet, dans certains cas de terrains qui n'ont pas encore fait l'objet des autorisations nécessaires pour être définis comme des terrains à bâtir, la fiscalité majorée attachée à l'imposition des plus-values sera un frein supplémentaire à la vente par les particuliers. Il nous semble, en outre, que le sujet de l'accès au foncier serait favorisé par une simplification des différents dispositifs fiscaux applicables en la matière. Enfin, les faibles abattements accordés en fonction de la durée de détention des terrains par les particuliers conduisent ces derniers à différer leurs décisions de cession à des dates lointaines permettant de bénéficier d'un espoir de réduction de base imposable. La proposition de la Fédération des promoteurs immobiliers de modification des abattements pour durée de détention des terrains paraît ainsi justifiée, cette proposition pouvant être accompagnée d'une simplification des modalités de calcul des plus-values imposables.

S'agissant de l'investissement locatif, les multiples dispositifs que vous citez ("Besson", "de Robien", "Borloo", "TEPA", "Scellier", "Duflot" et "Pinel") sont nécessaires mais là encore, la situation propre à la France d'une fiscalité plus lourde que les autres pays européens pouvant être atténuée sous condition par des dispositifs spécifiques, peut conduire à des complexités pour la prise de décision des investisseurs.

Lexbase : Selon vous, à quel niveau faudrait-il intervenir pour faire diminuer la fiscalité immobilière : au moment de la construction, de l'acquisition ou de la cession d'un bien ?

Jean-Etienne Chatelon : Les conclusions de notre étude relatives à l'imposition liée à la production et à la vente d'immeubles collectifs sont les suivantes.

S'agissant des taxes indirectes (TVA et différentes taxes liées au dépôt du permis de construire) frappant le cycle de production de l'immeuble, la France présente incontestablement le niveau d'imposition le plus élevé du fait de la conjugaison d'une TVA au taux de 20 % appliquée au prix de vente de l'immeuble et des diverses autres taxes indirectes représentant, quant à elles, de 3 % à 4 % du prix de vente.

Le pays avec la fiscalité la plus favorable est le Royaume-Uni, avec un écart de fiscalité de 12 % à 13 % du prix de vente d'un appartement neuf en comparaison avec la France, soit un écart de fiscalité d'environ 24 000/26 000 euros lors de l'acquisition d'un appartement neuf d'un prix de 200 000 euros TTC par un particulier.

Les pays européens autres que l'Angleterre ont une fiscalité plus favorable que la France avec un avantage financier pour ces autres pays compris entre 3 % et 7 % du prix de vente, soit un avantage financier compris entre 6 000 euros et 14 000 euros dans le cas de la vente d'un appartement neuf de 200 000 euros TTC. Il existe toutefois une exception, celle des Pays-Bas, qui bénéficient d'une imposition certes plus favorable qu'en France mais avec un avantage fiscal par rapport à la France limité à seulement 1 % du prix de vente. Il doit toutefois être précisé que le mécanisme de déduction des frais financiers du revenu global applicable aux Pays-Bas permet à ce pays d'avoir une fiscalité nettement plus attractive que la France sur l'acquisition de résidentiel pendant la période de détention de l'appartement.

S'agissant de la détention de l'immeuble par la personne physique, la France a, là encore, la fiscalité la plus élevée en matière d'impôts locaux (taxe foncière et taxe d'habitation).

La France a également le niveau d'imposition le plus élevé pour l'impôt sur le revenu dans le cadre d'un investissement locatif hors régime Pinel, seul le Royaume-Uni ayant un régime d'imposition des loyers proche de celui de la France. La Belgique, l'Espagne, et les Pays-Bas, ont une imposition très nettement inférieure à la France en la matière.

Enfin, s'agissant des plus-values sur la cession d'une résidence principale et des droits de donation/succession, la France a un régime d'imposition comparable à celui des autres pays étudiés, les cas d'exonération de plus-value sur résidence principale étant similaires à ceux des autres pays. C'est là le seul élément d'imposition pour lequel la France n'est pas pénalisé, même si le régime français n'est pas pour autant plus favorable que celui des autres principaux pays européens.

Dans ce contexte, il serait donc souhaitable de réduire en priorité la fiscalité applicable à la construction et à l'acquisition, puis celle applicable à la détention, et de conserver les régimes applicables en matière de cession d'immeuble achevé tout en simplifiant et en réduisant la fiscalité attachée aux terrains à bâtir et assimilés.

Lexbase : Quelles seront les prochaines mesures prises par le Gouvernement concernant la fiscalité immobilière. Seront-elles efficaces et pour vous quelle serait la mesure la plus urgente à mettre en oeuvre ?

Jean-Etienne Chatelon : Les dernières mesures annoncées sous forme de projet de loi de finances, rectificative pour 2014, consistant en la création d'une taxe sur les logements meublés situés dans une zone tendue non affectés à l'habitation principale, ou encore la majoration de taxe foncière sur les propriétés non bâties, sont des mesures très spécifiques qui ne répondent pas aux problématiques commentées ci-dessus.

Un aménagement de la fiscalité des cessions de terrains à bâtir et assimilés, ainsi que l'amélioration du régime fiscal de l'investissement locatif (sortie des loyers de l'encadrement et inclusion parmi les investissements entrant dans le plafond des niches fiscales majorées à 18 000 euros) nous sembleraient, quant à elles, des mesures plus efficaces.

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