A défaut d'avoir disposé de la possibilité de se faire traduire les questions posées et d'avoir une connaissance aussi précise que possible des faits reprochés, la personne gardée à vue n'a pas été mise en situation de mesurer pleinement les conséquences de sa renonciation à son droit de garder le silence et à bénéficier de l'assistance d'un avocat. Telle est solution retenue par un arrêt de la CEDH (CEDH, 14 octobre 2014, Req. 45440/04
N° Lexbase : A2693MYE ; voir, sur l'importance de la phase d'enquête, CEDH, 27 novembre 2008, Req. 36391/02
N° Lexbase : A3220EPX). Selon les faits de l'espèce, Mme B., ressortissante turque, a rendu une visite à son frère incarcéré. Les agents chargés de la fouille saisirent sur elle une feuille de papier rédigée par un membre du PKK. Mme B. fut aussitôt placée en garde à vue puis interrogée par les gendarmes en langue turque, le lendemain. Ce document contenait des instructions propres à la stratégie du PKK au sein des établissements pénitentiaires. Elle fut interrogée le lendemain en langue turque par deux gendarmes et déclara avoir trouvé et ramassé le document accidentellement dans la salle d'attente. Le procès-verbal signale que son droit à l'assistance d'un avocat lui fut rappelé mais qu'elle ne souhaita pas en faire usage. Au terme de cette audition du 18 décembre 2001, Mme B. fut placée en détention provisoire et une procédure pénale fut entamée devant la Cour de sûreté de l'Etat pour appartenance et aide et assistance à une organisation illégale armée. Elle fut condamnée à trois ans et neuf mois de prison. Le 18 avril 2003, après cassation de ce jugement pour motif d'ordre procédural, la Cour de sûreté condamna Mme B. de nouveau à la même peine, mais prenant en compte la durée de la détention déjà effectuée, elle ordonna sa remise en liberté immédiate. Invoquant en particulier l'article 6 §§ 1 et 3 e) (droit à un procès équitable et à l'assistance d'un interprète), la requérante saisit la CEDH pour se plaindre de l'absence d'interprète durant sa garde à vue. La CEDH lui donne raison et condamne la Turquie à lui verser 1 500 euros pour dommage moral (cf. l’Ouvrage "Procédure pénale" N° Lexbase : E1773EU9 et N° Lexbase : E4315EUD).
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